A l’occasion d’un passage en France de Jérôme Edou, le Directeur de l’agence népalaise Base Camp Trek basée à Katmandou, j’ai souhaité faire le point avec lui sur la situation au Népal après le terrible séisme du 25 avril 2015 d’une magnitude de 7,8 qui a fait plus de 8 500 morts.
Le jour du séisme, tu étais au Népal ?
Non, bizarrement, j’étais à Paris. Je suis rentré 4 jours plus tard au Népal. C’était assez utile finalement que je sois à Paris car les communications étaient difficiles avec les équipes sur place pendant quelques jours mais j’arrivais à téléphoner à mon assistante pendant la nuit et à relayer les informations dont je disposais auprès des familles des 150 clients qu’on avait en trek. Deux jours après le séisme, nous avions eu des nouvelles de tous nos guides et nous avons pu rassurer les familles pour leur dire que tout le monde était en bonne santé.
Ce n’était pas un Katmandou BFM Tv où tout était détruit.
Quand tu es rentré au Népal, tu as découvert un Katmandou en quel état ?
Ce n’était pas un Katmandou BFM TV où tout était détruit. Quand je suis rentré de l’aéroport jusqu’à chez moi, je me souviens avoir dit à ma femme « mais il ne s’est rien passé ici ». Le lendemain, je suis allé faire le tour de la ville. C’était dramatique. Tous les quartiers en béton et les maisons relativement modernes étaient restés intacts. Ce sont les vieux quartiers en briques qui ont été détruits comme le vieux Thamel, le vieux Katmandou, le vieux Patan et Bhaktapur.
Ce n’était pas le premier séisme au Népal…
Il y a un gros séisme tous les 70 ans. On savait que celui-ci allé arriver puisque le précédent gros séisme datait de 1934. Les scientifiques disposent aujourd’hui d’une connaissance plus fine des séismes. Début janvier, un sismologue français m’avait dit que le séisme était pour bientôt. Les scientifiques sentent si une pression commence à monter mais savoir si c’est demain ou dans 6 mois, ils ne savent pas encore le prévoir. On pressentait qu’il allait se passer quelque chose mais comme toujours, on n’est jamais prêt.
On a quand même eu une chance incroyable que le séisme n’ait pas touché l’aéroport ni les principales voies de communication du Tibet et de l’Inde vers Katmandou. Cela a permis aux secours de venir très vite.
Et comment est Katmandou aujourd’hui ?
Tu ne te rendrais même pas compte qu’il y a eu un séisme sauf si tu vas sur Durbar square où le vieux palais royal est fendillé de partout. Deux temples sont tombés. Tout a été nettoyé. Par contre dans les vieux quartiers, les maisons sont en piteuse état. C’est le gros problème des Newar. Doivent-ils retaper les maisons ou reconstruire ?
Que dit l’Etat népalais ?
Normalement, il est prévu 4,5 milliards pour la reconstruction. Le problème, c’est que l’Etat a pris beaucoup de temps pour monter l’autorité de reconstruction.
Le gouvernement vient de changer, ce qui ralenti l’action à mettre en place. Il est prévu 1 800 euros par maison détruite. C’est très peu même s’il y a déjà eu une première aide de 15 000 roupies (environ 130 euros) qui a été distribuée à toutes les familles sinistrées juste après le séisme.
Les deux régions les plus touchées par le séisme ont été le Langtang et le Manaslu.
Et en montagne ?
Les deux régions les plus touchées par le séisme ont été le Langtang et le Manaslu. Dans tout la région autour de Barpak, il n’y a plus de village car c’était pratiquement l’épicentre. Toute la vallée jusqu’à Jagat était bouchée par les éboulements. Il n’y avait plus de chemin. La vallée de la Tsum était aussi inaccessible.
Le programme alimentaire mondial a engagé plusieurs de nos guides pour ouvrir le Larkya Pass par les Annapurna pour distribuer la nourriture par le haut de la vallée puisque par le bas, ça ne passait plus. Aujourd’hui, les familles ont pu replanter leurs semences mais ils n’ont plus de chemin pour descendre à Arugat. Il n’y a plus de commerce.
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Aujourd’hui, toute la partie des Annapurna, du Dhaulagiri, de l’Everest, du Kangchenjunga, du Makalu sont accessibles aux marcheurs, tout comme le Mustang et le Dolpo.
Avec l’association Garuda, tu es intervenu sur le terrain ?
Oui bien sûr, c’était indispensable. L’élan de solidarité a été incroyable. Des collectes de dons ont été organisées en France. Garuda a reçu 150 000 € de don d’anciens clients et d’amoureux du Népal. On a fait beaucoup de distribution d’urgence jusqu’à la mousson. Tout avait été détruit, il ne restait plus rien. De la nourriture, des tôles ondulées pour s’abriter et des semences. Il fallait absolument replanter le maïs par exemple avant l’arriver de la mousson. Il a fallu distribuer des graines pour envisager l’avenir. Nous sommes intervenus dans la région de Kavre sur la route de l’Helambu. On a aussi fait beaucoup de distribution dans la région de Laprak dans la région du Manaslu. 500 familles ont marché pendant 2 jours pour venir chercher 30 kilos de riz, 10 kilos de lentille, 1 kilo de sel, 1 litre d’huile et des couvertures.
Nous sommes maintenant en train d’entamer la phase de reconstruction. Un de mes guides a reçu 5 000 € de don pour son village. Pour lui, il est clair que c’est avant tout pour la reconstruction de l’école et du dispensaire, pas pour les maisons individuelles.
Si la reconstruction des temples va se faire sans trop de complication, la reconstruction des villages entièrement détruits va être beaucoup plus longue.
Côté trek, le tour du Manaslu n’est donc pas faisable ?
Non, il n’y a pas de tour du Manaslu pour l’instant. Il y a toujours moyen de passer mais comment peut-on envoyer des marcheurs traverser des villages entièrement détruits. Il y a des limites au tourisme.
C’est pareil dans le Langtang. Entre Langtang et Lama gompa, il n’y a plus rien. Je pense que le traumatisme est plus important ici qu’à Katmandou. Cela va prendre du temps. Je ne suis pas sûr que les habitants vont avoir envie de remonter là-haut et de reconstruire leur maison.
Le Ganesh Himal a aussi été impacté par le séisme. La région de Jiri, le début de l’ancien trek de l’Everest, a aussi été très touchée. Mais ils on pu davantage reconstruire. Dans cette zone, on peut tout à fait trekker.
Il faut dire aux marcheurs qu’ils peuvent venir au Népal.
Justement, quelles sont les zones ouvertes au trek ?
Aujourd’hui, toute la partie des Annapurna, du Dhaulagiri, de l’Everest, du Kangchenjunga, du Makalu sont accessibles aux marcheurs, tout comme le Mustang et le Dolpo. L’aérien vers Lukla et Pokhara fonctionne. Il faut maintenant dire aux marcheurs qu’ils peuvent venir au Népal.
Les français sont attachés au Népal. Je pense qu’ils vont revenir de façon solidaire pour soutenir l’économie du pays mais aussi les guides et porteurs qu’ils ont eu quand ils sont venus trekker.
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Vous pouvez en savoir davantage sur les actions menées par l’association Garuda sur le site de Base Camp Trek. Jérôme Edou est aussi l’auteur des Chroniques de Katmandou, un ouvrage de cours récits sur la vie du Népal avant le séisme. Un ouvrage collectif en hommage aux népalais est dans les tablettes.
Fondateur d’I-Trekkings et des blogs I-Voyages et My Wildlife, j’apprécie le rythme lent de la marche et des activités outdoor non motorisés pour découvrir des territoires montagneux et désertiques, observer la faune sauvage et rencontrer les populations locales. Je marche aussi bien seul, qu’entre amis ou avec des agences françaises ou locales. J’accompagne également des voyages photo animaliers qui associent le plaisir d’être dans la nature et l’apprentissage ou le perfectionnement de la photographie animalière.