Pendant 5 jours, j’ai marché sur le dernier tronçon français de l’Échappée jurassienne entre Pont-de-la-Chaux et Saint-Claude. Cette superbe itinérance se déroule entièrement dans le parc naturel du Haut-Jura, dans les parties les plus élevées du massif, entre montagnes, forêts et cascades. J'ai terminé dans la capitale du diamant et de la pipe alors que l’Échappée jurassienne poursuit son chemin jusqu’à Nyon, sur la rive du lac Léman en Suisse.
L’Échappée jurassienne, je la connais depuis l’an passé pour avoir marché entre Arbois et Lons-le-Saunier. Entre la diversité des sites et des paysages, j’ai kiffé grave. L’Échappée est super bien balisée : pas besoin de chercher son chemin, aucun risque de se perdre, on peut profiter pleinement de la rando. De plus, elle n’est pas très, très difficile. Alors, dès que possible, j’ai remis le couvert. En choisissant cette fois une région plus montagneuse. Cinq jours de marche qui se déroulent entièrement dans le parc naturel du Haut-Jura. Je me félicite de mon choix ! D’autant plus qu’en cette fin mai, la météo est de mon côté aussi. Mais ce sont surtout les paysages rencontrés qui m’éblouissent : une succession de tableaux à la fois variés et étonnants. Aussi, c’est sûr, il y aura un tome 3 de mes aventures sur l’Échappée jurassienne !
A lire aussi, l’Échappée jurassienne à VTT, le récit de Guillaume. Sur le versant suisse, la Grande Traversée des Crêtes Du Jura Suisse pourrait aussi vous intéresser. Place à mon récit…
Jour 1, de Pont-de-la-Chaux à Foncine-le-Haut
+ 844 m / – 729 m 25,4 km Auberge de la rivièreLa gare de Chaux-des-Crotenay se trouve à Pont-de-la-Chaux, c’est donc ici que commence mon nouveau périple sur l’Échappée jurassienne. Quelques km en plus que le découpage officiel de l’Échappée, que j’ai décidé de respecter, rien de méchant. Une bonne grimpée s’annonce juste après l’église située en lisière de village, d’ailleurs classée et qui offre un beau clocher comtois, jusqu’au col du Gyps. Les chemins qui suivent sont bien larges, incitent à la rêverie. Le réveil sonne plus tard dans la matinée, devant les gorges et cascades de la Langouette. Fichtrement impressionnantes, ces gorges longues et rectilignes, très étroites. L’eau rugit, bouillonne et virevolte. La Saine plonge d’une marmite creusée dans la roche à l’autre. J’ai du mal à m’arracher au spectacle ! Au-dessus commence le village des Planches-en-Montagne qui a, lui aussi, son église classée. A quelques mètres de là, devant un ancien lavoir joli comme tout, je déballe le pique-nique.
Au sortir du village, l’Échappée emprunte le tracé d’une ancienne voie ferrée, dans les gorges de Malvaux. Ce qui me vaut de… passer un tunnel. Une courbe -je suppose, car la traversée se fait en bonne partie dans le noir- de près de 200 m. Juste avant, un bief très raide dévale la montagne. Sur les flancs du mont Bayard, l’Échappée se fait ensuite plus bucolique, faisant traverser pas mal de pâturages. Impavides, de belles montbéliardes nous regardent passer juste devant elles sans cesser un instant de ruminer. Un sentier botanique permet d’en apprendre tant et plus sur la gentiane, le genévrier ou l’hélianthème, plus connue sous le nom de fleur du soleil à cause de son jaune éclatant.
Juste avant d’arriver à Foncine-le-Haut, un crochet s’impose pour aller admirer les sources de la Saine. De fait, l’endroit est beau : un fond de vallée en cuvette, d’ailleurs bien aménagée. Mais c’est encore de voir l’eau jaillir des rochers, de nulle part dirait-on, qui m’étonne le plus ! Un véritable ruisseau apparaît dans la pente alors qu’il n’y a rien quelques centimètres au-dessus. Bien plus bas, la Saine coule, paisible et déjà large, traverse le village pour le plus grand bonheur des canards.
Jour 2, de Foncine-le-Haut à Bellefontaine
+ 802 m / – 640 m 22,9 km Hôtel La ChaumièreAu sortir de Foncine-le-Haut, la journée débute par… un chemin de croix. Un vrai. Rien de difficile d’ailleurs, d’autant moins que les stations sont très rapprochées. Très vite, je retrouve mon décor favori : des pâturages où de plantureuses montbéliardes montent la garde, des forêts majestueuses. Ici, ce sont de grandes futaies de hêtres, où la lumière est belle tellement les arbres sont hauts. Plus loin, près de la combe David, des forêts de sapins cette fois, qui débouchent sur d’adorables vallons verdoyants. Pour les cartes postales, c’est par ici ! Les monts du Risoux se détachent déjà au loin.
Sur le plateau, de l’autre côté du village de Chapelle-des-Bois, je découvre une petite croix en fer. Plantée dans un sol qui paraît bien marécageux, une tourbière, elle porte la mention « cimetière des pestiférés » et une date, 1639. Cette année-là, la peste a emporté une quinzaine des 150 villageois. Et il n’était pas question de les enterrer au cimetière.
Méditant tout cela, j’aborde la montée vers la roche Champion. D’abord gentillettes, les choses se corsent au fur et à mesure. La pente est de plus en plus raide. Une ligne de vie, un câble en acier, court sur plusieurs dizaines de mètres d’un seul tenant. En haut, depuis le belvédère à 1 327 m, la récompense est une vue magnifique sur tout le plateau. Le regard porte jusqu’à Champagnole, par-delà la grande forêt du mont Noir que j’ai traversée ce matin. Derrière moi, la Suisse. Eh oui, à moins de 100 m. En fait, je marche ensuite un petit moment chez les Helvètes sans même le savoir. Il me faut tomber sur une borne frontière devant un mur de pierre pour le découvrir. Très jolie, elle est sculptée du royal lys, avec la date 1649. En tout cas, la balade est ensuite aussi tranquille qu’agréable, tantôt sous le couvert des arbres, tantôt au bord de la falaise longeant le vide. Puis la descente est aussi raide que la montée, mais cette fois en ligne droite, sur un large et très caillouteux chemin. En bas, je longe les petits lacs aperçus de loin pour me diriger vers Bellefontaine.
Le village de Bellefontaine est plutôt avenant, dynamique. En y entrant, je repère une boutique de tailleur de diamants -la ville de Saint-Claude n’en a pas l’exclusivité-, en l’occurrence une jeune femme, Valérie Duraffourg. Dans le haut du village est aussi installé un facteur d’horloges comtoises. Âgé de 50 ans, Hervé Bejannin est le dernier du Haut-Jura, dans la grande région ils ne sont plus que deux en tout et pour tout ! Lui-même avait pris la succession de son père. « En fait, se désole-t-il, la comtoise est complètement passée de mode. Aujourd’hui, je ne fais plus que de la rénovation. Mon boulot dans ce domaine consiste à refaire des caisses en bois pour remplacer celles des anciennes horloges ». Pour autant, Hervé ne baisse pas les bras. Et annonce même d’ambitieux projets dans les cartons pour « lancer d’ici peu un produit plus moderne ».
Jour 3, de Bellefontaine aux Rousses
+ 647 m / – 534 m 17,1 km Chambre d’hôtes de Mme Welfele (06 79 93 71 75)Courte journée de marche que celle qui me mène à la station Les Rousses. Tant mieux, car cette petite ville, connue pour être un haut lieu de ski nordique, plutôt étendue, offre pas mal de choses à voir. A commencer par son fort : d’imposantes constructions militaires datant du Second Empire devenues aujourd’hui… une immense cave d’affinage de Juraflore ! Les grandes salles voûtées, les kilomètres de galeries souterraines abritent, depuis 1997, quelque chose comme 100 000 meules de ce délicieux fromage qu’est le comté.
En attendant, en avant ! Et, comme hier en fin d’après-midi, d’abord sur de petites routes. Certes petites, pas fréquentées -d’ailleurs je n’y vois aucun véhicule- mais du bitume tout de même. Sans doute ai-je tort de m’agacer ainsi, il y a souvent de bonnes raisons à cela, notamment la protection de la faune. N’empêche ! Ma mauvaise humeur se calme peu à peu, en prenant de l’altitude dans la forêt du Risoux. Un petit crochet s’impose pour grimper au belvédère de la Roche Brûlée. De là, j’ai une vue plongeante sur Morez et Morbier. En fait, c’est surtout la ligne des Hirondelles, la voie ferrée traversant la région, qui attire l’œil. Au loin, elle dessine de magnifiques arabesques dans la montagne, soulignées par quelques viaducs spectaculaires. Je l’ai empruntée pour venir ici, mais c’est d’en-haut que je prends la mesure du prodigieux travail qu’a représenté sa construction. Chapeau !
Puis c’est la montée vers le Gros Crétet, à près de 1 300 m, avant de descendre en lacets sur de larges chemins forestiers vers Les Rousses. Assurément une station de sportifs : avant d’y parvenir, je croise déjà bon nombre de vététistes, traileurs et autres amateurs de course d’orientation.
Jour 4, de la station des Rousses à Lajoux
+ 782 m / – 702 m 24,4 km Hôtel Le TrappeurPour quitter Les Rousses, je contourne le fort, par l’arrière.En un rien de temps, l’agitation et la rumeur de la ville ont disparu, comme par enchantement. Au bord des bois, je remarque une vieille demeure isolée dont le toit est recouvert de tavaillons en bois, à l’ancienne, tout à fait admirable. C’est l’un des refuges de la LPO (ligue de protection des oiseaux) où les bénévoles s’affairent dans le potager. Puis, de belles forêts de hêtres en sentiers abrupts qui grimpent à l’assaut des montagnes, l’Echappée jurassienne se faufile entre pistes de ski et remontées mécaniques sans -presque- rien en laisser paraître. Me voici ainsi au sommet des Dappes, à 1 418 m, dans le massif des Tuffes. Avec bien sûr une belle vue, notamment sur la forêt du Risoux, au loin.
Puis l’Echappée jurassienne entre dans la forêt du Massacre. Très belle, majestueuse. Son nom fait référence à un triste épisode du temps de François Ier, en 1535. Pour moi, il évoque des hallebardes… de pluie tombées lors d’un gros orage fait de grêle, d’éclairs et coups de tonnerre ! Heureusement qu’il n’a pas duré trop longtemps.
L’Echappée jurassienne me fait ensuite traverser de magnifiques et longues prairies, tapissées de gentianes aux larges feuilles. Lorsque les fleurs auront éclos, d’ici peu sans doute, elles seront d’un jaune éblouissant. Sans attendre, le tableau me plaît d’ores et déjà. Surtout du côté de la combe de la Chèvre, mimi comme tout. A flanc de montagne, je descends ainsi vers Lajoux. Un joli village, que je contemple d’abord d’en haut. Il abrite la Maison du parc naturel du Haut-Jura, dont je ne suis pas sorti depuis le début de la rando. Et, juste devant, on peut admirer un grenier fort, une petite construction recouverte de tavaillons. C’est là que les paysans mettaient leurs biens les plus précieux à l’abri. Il en reste près de 200 dans toute la région, mais beaucoup sont à l’abandon.
Jour 5, de Lajoux à Saint-Claude
+ 542 m / – 1263 m 23,5 km Hôtel Le PanoramicLa journée de marche sera, en principe, plus courte, puisque mon hébergement se trouve finalement à quelques km du village de Lajoux, au pied des pistes de Molunes, en direction de Saint-Claude. Le temps de retrouver l’itinéraire -il me faut revenir sur mes pas- et, hop, direction les montagnes et la forêt. Petit changement pour cette dernière étape, qui se trouve aussi être la dernière de la partie française de l’Échappée jurassienne : je ne marche plus sur le GR 9 mais sur un GRP. Il va falloir m’habituer au changement de couleur. Je me rends vite compte que les balises jaune et rouge sont bien moins nombreuses que les blanc et rouge. Mais ça va, je ne me perds pas. En cas de doute, je dégaine mon téléphone et vérifie les traces GPS que j’avais pris soin de télécharger sur le site de l’Échappée jurassienne.
Mine de rien, cette première partie est plutôt sauvage. Avec des parties bien escarpées à flanc de montagne où il vaut mieux bien regarder où l’on pose les pieds. Pour autant, le sentier est souvent en balcon. Par moments, il offre une vue plongeante sur le village de Septmoncel. Je traverse ensuite ce bourg, dont le centre est en chantier, pour monter. Perdu dans mes pensées, il s’en est fallu d’un cheveu que je manque le belvédère Sur les Grès. Il ne se trouve pas directement sur l’Échappée jurassienne mais mérite amplement le crochet de 2 km aller-retour. J’ai bien vu le panneau, mais sans tilter plus que ça. Demi-tour et en avant. Et j’ai bien fait : le site est assurément le plus grandiose de ce périple ! Devant moi, les gorges du Flumen avec ses impressionnantes falaises, en face la Roche Blanche : un décor de commencement du monde où l’on se sent tout petit.
L’Échappée jurassienne me mène ensuite au col de la Tendue, à 1 120 m. Il offre lui aussi une belle vue, notamment sur les monts du Jura. En-dessous, de belles combes. Naguère y vivotaient des familles d’agriculteurs en cultivant 5-6 ha de terres, avec 3 ou 4 vaches chacune. A partir de là commence la longue descente vers Saint-Claude sur de larges chemins forestiers.
Arrivé tôt dans la ville du diamant et de la pipe -mais pas tellement intéressé ni par l’un ni par l’autre- je file vers la cathédrale. Une majestueuse construction à l’étonnante façade baroque, achevée au XVIIIe. J’y admire un magnifique retable du XVe mais je peine à distinguer les stalles en bois de chêne de la même époque qui se fondent dans l’obscurité. Tout à côté, le musée de l’Abbaye, installé dans le palais de ce qui fut l’une des plus grandes abbayes de France, vaut largement la visite également. Non loin de là, je fais un arrêt à la Fraternelle, l’ancienne coopérative de la Maison du Peuple où se sont écrites les plus belles pages de l’histoire du mouvement ouvrier. A l’évidence, Saint-Claude est une ville au riche passé, dans tous les domaines.
Informations pratiques
Quel topo-guide ?
Incontournable et indispensable, le Topoguide de l’Echappée jurassienne qu’édite la Fédération française de randonnée. Il est très complet, bien fait.
Comment aller sur l’Échappée jurassienne de Pont-de-la-Chaux à Saint-Claude ?
Facile : en train. Les deux localités sont desservies par la SNCF. Et si les horaires et les destinations collent, vous aurez peut-être la chance d’emprunter la Ligne des Hirondelles. C’est une ligne TER qui relie Dole à Saint-Claude, assurément l’une des plus belles lignes ferroviaires de France. Elle a été construite entre 1865 et 1912 au prix de quelques réelles prouesses techniques. Les tronçons les plus impressionnants se situent près de Morbier et Morez, avec une succession de tunnels et viaducs, de paysages magnifiques. Elle s’appelle la ligne des Hirondelles parce que, lors de la construction les ouvriers travaillaient tellement haut, dit la légende, qu’ils tutoyaient les hirondelles.
Où dormir sur cette portion de l’Échappée jurassienne ?
- A Pont-de-la-Chaux, l’hôtel-restaurant des Lacs est plutôt rustique mais il a l’avantage de se trouver pile au départ de l’Échappée pour cette randonnée.
- A Foncine-le-Haut, l’hôtel de la Rivière, juste au bord de la Saine, est une belle adresse aux chambres confortables. L’accueil est très sympa, la table est franchement bonne avec des prix plutôt sages. Je recommande plutôt deux fois qu’une !
- A Bellefontaine, l’hôtel La Chaumière est une bonne surprise. De l’extérieur, rien ne laisse deviner que l’établissement a été entièrement rénové, de fond en comble. Les chambres sont ainsi très modernes, agréables. De plus, la table n’est pas mal du tout non plus.
- Aux Rousses, la chambre d’hôtes de Mme Welfele, 178 route du Brioland, 39220 Les Rousses (06 79 93 71 75) se situe dans un quartier résidentiel de la station. Les chambres sont cosy, joliment décorées -tout comme la maison d’ailleurs et les hôtes sont très attentionnés.
- Près de Lajoux, l’hôtel Le Trappeur, au lieu-dit les Molunes sur la commune de Septmoncel, propose des chambres simples mais bien équipées. La table est généreuse, l’endroit sympa. Une bonne adresse dans un joli décor.
- A Saint-Claude, l’hôtel Le Panoramic jouit d’une situation enviable : il se trouve juste en face de la gare, au bord de la rivière, avec une admirable vue sur la ville. Les chambres, entièrement rénovées, sont très calmes et spacieuses, confortables.
Plus d'infos
Tout savoir sur l’Echappée jurassienne : long de 352 km, c’est un itinéraire de randonnée transfrontalier qui traverse le Jura depuis Dôle jusqu’à Saint-Claude, en France, ou Nyon, en Suisse sur les bords du lac Léman. Le site est vraiment très bien fait. Il comprend tous les renseignements touristiques, les traces GPS, une sélection de plus de 180 hébergements, un service de transports de bagages…
L’Echappée jurassienne peut aussi s’occuper de tout pour des randos de 4, 8, 10 ou 14 jours avec hébergement en demi-pension et transport de bagages à chaque étape.
Journaliste professionnel venant de la presse régionale, j’ai toujours aimé bouger. Au fil de mes pérégrinations, j’ai découvert le voyage à pied et à vélo, que j’apprécie énormément l’un comme l’autre. Et plus j’en fais, plus j’en redemande !