Sous le col de Kara Keche – sous le col de Donguz
- D+ : 700 m
- D- : 650 m
- Temps de marche : 5h00
7h30. Le réveil sonne. Il pleut à grosses gouttes depuis 2h00 du matin. Pas de vent, les nuages restent bien en place sur le flanc des montagne, ce qui inaugure une journée sous la pluie.
9h15. Petite accalmie. Nous en profitons pour démonter le camp. Toutes dégoulinantes, les toiles de tente sont pliées sans soin.
9h30, on décolle emmitouflé dans notre gore-tex, la raincover ajustée au plus près sur le sac à dos. Rapidement, la pluie revient.
Nous passons devant les mines de charbon de Kara-Keche. Elles semblent en partie abandonnées, pourtant certaines familles les exploitent encore. Selon Sacha, c'est en hiver qu'a lieu le gros de l'activité car les engins sont plus maniables sur la neige. Sur le moment son plaidoyer me laisse plutôt dubitatif mais, après recherche, j'apprends que les réserves de charbon du gisement de Kara-Keche sont estimées à 2,5 milliards de tonnes. C'est le site le plus important du Kirghizstan.
Ambiance apocalyptique. Des carcasses métallique, oubliée depuis la fin des temps, jonchent le sol noirâtre. Personne ne semble s'en préoccuper. Des tas de charbon et des lacs tout droit sortis des entrailles de Lucifer longent la piste. On se croirait au cœur du roman de Cormac McCarthy, la Route.
Les premières roulottes de Kara-Keche sont en vue. Quelques familles vivent dans des roulottes insalubres. C'est lugubre. Environnement hostile ne rime pas pour autant avec antipathie. Les habitants nous informent sur le chemin à prendre. Quelques photos. Eclats de rire. Rapide au revoir. Trop rapide.
Nous continuons sur la piste détrempée jusqu'à ce qui fait office de centre du village. Une épicerie s'y trouve. Vodka et cigarettes sont en vente. Rien d'autre. C'est le régime quotidien des villageois. Qui pourrait leur en vouloir ? Nous achetons deux pains à la tenancière qui vient de les préparer pour sa consommation personnelle. Sacha prévoyait de nous ravitailler en nourriture, riz, confiture, chocolat, mais il faudra faire sans.
La pluie se met à redoubler lorsque nous entamons la montée au col de Donguz (3340 m). La piste est défoncée, plein d'ornières, et raides. Seuls quelques Kamaz, les camions soviétiques, passent ici ainsi que quelques chevaux. Atteindre le col semble durer des heures tant la visibilité est nulle.
Après le col, nous descendons sur 200/300 mètres pour installer le bivouac au milieu des vaches et des marmottes. Nous montons rapidement les tentes et les aérons pour les faire sécher. La pluie a cessé et le soleil fait quelques apparitions. Les filles en profitent pour faire la lessive après avoir mangé.
Un berger passe au campement et discute avec Touvan. Le troupeau de moutons du nomade avance à grande vitesse vers le fonds de la vallée. D'un cri persan, il ordonne à ses bêtes de faire demi-tour. Elles s'exécutent sans broncher.
Je ne sais pas si c'est la force de persuasion du cavalier qui a fait fuir les nuages noirs mais la fin de journée est radieuse. Pour la première fois, nous avons vu le ciel rougir avant qu'il s'enfonce dans un noir profond tacheté d'étoiles.