Ce dont je suis sûr c’est qu’au-delà de toute polémique existante sur le déluge entre géologues, croyants, explorateurs et savants marcheurs avec leur omelette espagnole et leur vin rouge, j’ai toujours été attiré par le pouvoir des montagnes à inspirer un intense sentiment sacré, ou ce que chacun comprend à ce sens.
Des Andes au Tibet, à l’Indonésie ou à l’Afrique, des incas, hindous, bouddhistes, grecs aux Kikuyu du Kenya ou hawaiiens du Kilauea, dans le monde entier, les montagnes sont vénérées comme des lieux mystérieux, pleins de légendes et de croyances qui donnent sentiment et vitalité à l’existence de leurs cultures. Les montagnes sont pleines de mythes, désirs, sentiments d’admiration et respect révérenciel comme sources de vie et d’inspiration.
Je crois que tous ceux d’entre nous qui circulons sur ses versants et atteignons son sommet ces jours-là, nous nous sentons chanceux. D’un paysage unique et indissociable à l’histoire de l’humanité nous revenons tous avec de nombreuses sensations et de nombreux souvenirs, mais chacun les siens. Nous en profitons!
Nous avons mis trois jours pour le gravir. En prenant bien en compte l’absence d’eau et surtout l’acclimatation, on gagne rapidement de l’altitude. Sans l’adaptation climatique lors de la traversée de la Cordillère de Taurus, il est recommendé de prendre quelques jours de plus pour monter au sommet en toute sécurité.
Camp 1 (3 200 m) et Camp 2 (4 200 m)
Le jour suivant nous continuons l’ascension avec un rythme plus conservateur. Nous gagnons une nouvelle altitude dans ce voyage. Nous atteignons les 4 200 mètres d’altitude et les langues de laves d’anciennes éruptions qui s’étendent au pied de la montagne sont l’image la plus nette du terrain volcanique où nous passons. Notre nouveau camp de base est rocailleux et peu vaste. Les chansons se font plus fortes et résonnent dans la montagne. L’expédition iranienne arrive épuisée et, sans s’arrêter de rire, se partage l’espace libre qu’il reste: cette nuit nous n’allons pas à la fête car demain il faut se lever tôt, mais de toute façon elle nous accompagne dans notre sommeil.
Sommet
Comme sur la majorité des terrains volcaniques, la zone élevée est instable et recouverte de roches, sable et pierres de toute taille. Nous marchons en prenant garde à ne rien envoyer au compagnon qui suit jusqu’à arriver à la zone glaciaire où les crampons nous apportent de la sécurité sur la glace. Je me souviens d’un lever du jour magnifique, bien accompagné et très orangé, qui se projetait sur le cône parfait du Kucuk Agri (3 896 m) volcan satellite de l’Ararat.
Enfin de la neige et de la glace! Des rampes allongées nous séparent du sommet. Un par un, nous arrivons à passer. Nous nous mélangeons, savourant notre moment sur l’Ararat. Il passe du temps avant que les chants iraniens ne nous rattrapent. Ils se joignent aux chants turcs, catalans, basques, des Baléares, canariens et au chant de l’unique péruvien. Comme il y a toujours de nouveaux horizons à découvrir, nous nous promenons sur le faux sommet voisin pour voir ce qui se cache plus loin.
Nous célébrons un peu plus l’évènement puis entamons une longue descente à faire nos adieux aux enfants nomades souriants des zones basses. Nos pas nous mènent jusqu’à Dogubeyazit où nous dînons royalement. Cette fois il y a du vin et plus de joie autour de la table. Nous nous en allons satisfaits, sains et finalement sans mot pour décrire ce que nous avons vécu et qui fera place à de bons souvenirs. Le jour suivant, nous nous envolons pour Istanbul. Que la fête commence! L’étape suivante comprend la basilique Sainte Sophie et la tour Galata, l’éclat de la Mosquée bleue, les ruelles, le brouhaha du Grand Bazar et cette tombée du jour flamboyante sur la mer qui rafraîchit une ville hyperactive, enveloppée par l’arôme des épices, la brise, la diversité ethnique et au charme enchanteur.