Avant-goût d’Himalaya

Avant-goût d’Himalaya - Carnets de voyage Island Peak et Mera Peak - Carnet de course d'Alpinisme au Népal

Focus Rando :Avant-goût d’Himalaya

Mardi 10 octobre : Préparation

La journée sera consacrée à la préparation du trek : permis d’ascension pour le Mera et l’Island peak (2 x 350$, gloups…), l’achat du billet d’avion Katmandu-Lukla (97$ l’aller simple avec « Yeti Airlines » !!!) Nous faisons quelques achats de dernière minute (chaussons en duvet, moufles…) et en profitons pour visiter un peu la ville. Katmandu est toujours aussi agitée, polluée, bruyante, fatigante, mais aussi accueillante, souriante, dynamique, animée, chaleureuse, cosmopolite…

Nous faisons un peu de tourisme à Durbar-square et dans Thamel, sans nous écarter des circuits touristiques les plus parcourus, nous aurons le temps d’approfondir après le trek. Nous sommes tous les 3 impatients de nous rendre dans cet Himalaya que nous sentons tout proche et qui se fait tant désirer. En cours de soirée, un orage éclate. Déjà que la ville est dégueulasse sans eau, je vous laisse imaginer ce que cela donne quand c’est mouillé !

Nous dégottons un petit restau sympa non loin de notre hôtel. Seb est aux anges, lui qui adore la culture japonaise et coréenne y retrouve des saveurs qu’il apprécie, ce qui n’est pas le cas de Gérard, qui aurait préféré un Winstub ?
Dans l’après-midi nous avons déserté l’hôtel de la première nuit pour une guest-house située à 20 mètres à peine lorsque nous nous sommes rendus compte que la nuit y était possible pour 400 Roupies (~5€) contre 5130 Rs (55€) à l’hôtel. OK, il n’y a pas de vrai troisième lit dans la chambre et je passerai la nuit sur un matelas un peu crasseux situé à même le sol, mais franchement au niveau du rapport qualité-prix il n’y a pas photo !

Mercredi 11 octobre : avant-goût d’Himalaya

Nous nous levons à 4h30 pour nous rendre dans la zone « vols intérieurs » de l’unique l’aéroport de Katmandu. C’est toujours le même bazar à l’enregistrement, on ne comprend absolument pas comment ils sont organisés. Heureusement Janbu nous aide dans les démarches, notamment lorsque à la pesée nos bagages accusent 95kg pour 60 autorisés…
Nous embarquons dans le petit « twin otter » d’une vingtaine de places qui nous conduira au point de départ de notre trek : Lukla, petit village perché à 2840m d’altitude, situé sur l’unique zone à peu près praticable volée aux pentes raides de cette région de l’Himalaya, la plus haute du monde.

L’atterrissage y est toujours aussi impressionnant, la piste étant en pente de 20° au moins, l’avion pique littéralement sur le bout de piste avant de redresser brusquement juste avant de toucher le tarmac… sensations garanties, d’autant plus que l’on assiste à toutes les manœuvres du pilote, car il n’y a pas de séparation entre le cockpit et la minuscule cabine des passagers.
A 7h30 nous sommes à Lukla, nos bagages sont là aussi par on ne sait quel miracle. Janbu nous installe au lodge « Everest summit », l’accueil y est souriant, comme toujours.

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A Lukla les touristes de toutes nationalités côtoient les porteurs et commerçants en tout genre, ici se trame un trafic important entre les treks en partance, et les guides et porteurs qui louent leurs compétences. Le début de la rue est un peu une « bourse aux porteurs », genre d’ANPE locale où les porteurs inemployés se louent « à la criée », et malheureusement comme nous le verrons plus loin, souvent à des tarifs et des conditions plus proches du servage ou de l’esclavage que du SMIC…

L’ambiance est radicalement différente de Katmandu, les visages aussi. Ici nous sommes en pays sherpa, et la physionomie des locaux n’est plus du tout du type indien comme dans la vallée, mais beaucoup plus proche des mongols du nord, avec des visages plus ronds, des cheveux noirs et raides, des yeux bridés et rieurs, et cet éternel sourire collé sur tous les visages.

Les militaires sont très présents autour de l’aéroport de Lukla, leur rôle principal consiste à empêcher les porteurs non engagés de s’approcher de l’aéroport, craignent-ils des comportements trop « agressifs commercialement » vis-à-vis des Shirfa (chefs des guides) ou « Sirdars » (guides) ? En tout cas ces soldats sont tous très jeunes, certains ne doivent pas avoir 18 ans, mais ils n’en sont pas moins fiers avec leur kalachnikov au poing… Ce ne sont en général pas des sherpas, mais des népalais venus de la plaine, font-ils partie des fameux « Ghurkas », ces terribles escadrons dont on dit qu’ils sont les plus féroces au monde, à tel point que l’armée anglaise garde toujours au sein de son armée un régiment composé de ces redoutables guerriers ?

On perd pas mal de temps en attendant que Janbu finisse les préparatifs, il nous a présenté notre cook : Mingbma, et on a entrevu quelques-uns des porteurs, ils sont petits mais ont l’air costaud, il ne faut de toute façon pas se fier à l’apparence chétive des sherpas, ces gars-là sont extraordinaires de résistance physique.
Pour l’instant on emmagasine les calories, car on pressent qu’on en aura besoin et qu’on n’en aura pas toujours la possibilité en haute montagne. Les jours à venir prouveront que si on avait su, on en aurait emmagasiné encore plus.

L’après-midi, on décolle en direction de Ghat, dans le lodge que possède Janbu et qui est aussi son habitation avec sa famille. Un lodge est une habitation népalaise dans laquelle vivent les propriétaires, et dont une partie est dédiée aux touristes. Le logement comporte une salle pour s’abriter, prendre les repas, se réchauffer autour du poêle, et des chambres au confort spartiate mais en général très bien tenues. En fait il a une nouvelle maison depuis l’année dernière. Elle comprend 2 chambres disponibles pour les touristes. Ajoutée à son ancienne maison qu’il n’habite plus, et qui possède 5 chambres, les affaires marchent bien pour notre guide, et encore à ce moment on ne sait pas tout…
Sa femme nous fait la cuisine, on s’amuse avec son fils Ngarang Shiring qui nous apprend à compter en népalais, on lui rend la pareille dans notre bon vieux français, il est beaucoup plus doué que nous pour retenir les chiffres dans notre langue. Il maitrise déjà les 2 alphabets (le notre et le népalais, qui a la particularité de rajouter une barre continue en haut de chaque mot), qu’il a appris à l’école de Ghat, une école gouvernementale, pas si rare que ça dans les vallées himalayennes. Le gouvernement a fait en sorte qu’aucune habitation ne soit située à plus de deux jours de marche d’une école de niveau collège. Ensuite il leur faut aller à Katmandu et cela coute très cher aux parents. La seule autre possibilité consiste à commencer l’apprentissage de porteur à partir de 13 ans pour être opérationnel dès l’âge de 15 ans, minimum légal pour être embauché.

Nous discutons un peu avec Janbu du choix des porteurs. Celui-ci se fait par connaissances et par affinités, il suffit d’en connaître un pour qu’il recommande ses amis, et le tour est joué. Mais gare à celui qui ne remplit pas correctement son contrat, il serait immédiatement remplacé par un autre, toujours prêt à prendre une place disponible… même ici la concurrence fait rage.
Janbu fait entre 1 et 4 treks par an, et cela lui suffit pour vivre toute l’année (nous apprendrons par la suite qu’il a d’autres sources de revenus, le bougre !). Le reste du temps est passé à se reposer, recevoir des amis et se rendre chez eux, aménager la maison, cultiver le jardin… Ce sont en général les femmes qui s’occupent du jardin et de la cuisine, toujours aidées par des personnes de passage, il en vient à chaque moment, des sherpas qui sortent d’on ne sait où, viennent manger quelques pommes de terre ou une assiette de riz et repartent quelques heures plus tard. Chez les sherpas l’hospitalité est la règle, et il parait inconcevable de refuser une visite. Du moins chez notre ami Janbu.

Ce soir il nous fait l’honneur de nous recevoir dans sa cuisine, et nous dinons avec lui, ce qui ne se produit jamais entre guides et touristes : il nous signifie ainsi que nous sommes ses amis, et nous reçoit en tant que tels.
Nous trinquons à la bière Everest (« Santé ! » se dit « Ramdro ! » en népalais).
Il ne fait déjà plus que 17° dans la pièce alors que le soleil vient de se coucher et que nous ne sommes qu’à 2600m d’altitude. Vais-je avoir froid plus tard et regretter le drap polaire supplémentaire que je n’ai pas voulu acheter à Katmandu ?

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