Nous avons réaménagé l’intérieur de la tente, de façon à ce que les têtes soient orientées vers l’ouverture de la tente, la porte extérieure ouverte. Nous dormons bien mieux, sans l’oppression de la nuit précédente. Heureusement qu’il en est ainsi car nous avons besoin de récupérer des efforts et du manque de sommeil. A 6h15, le thé matinal est servi. Le soleil brille déjà fort, ce qui à l’heure qu’il est nous impressionne. Ce matin, les têtes tambourinent plus fort. A 9 heures, nous partons, avant que les chevaux ne soient même battés.
Nous longeons la vallée dans laquelle nous avons dormi jusqu’à proximité d’un camp nomade. Une femme et sa fille, debout au milieu d’un désert de cailloux, nous regardent passer. L’enfant est apeuré lorsque Parkash lui présente un bonbon. C’est le moment que choisit leur chien pour nous bondir dessus. La frayeur, brutale, est rapidement dissipée lorsque la corde à laquelle le molosse est attaché se tend. Quelques chevaux sauvages attirent notre attention. Nous observons leur allure élancée, dans ce milieu adapté pour leur errance. Le terrain devient plus sablonneux, avant d’atteindre le pied d’un col. La montée fait rapidement ressentir les effets de l’altitude. Nous faisons halte, laissant retomber le rythme cardiaque qui bat rapidement la mesure. Les corps sont lourds.
A 5250 mètres d’altitude, nous atteignons le haut du col, avec comme récompense une vue aérienne du lac Tso Kar. Sur l’autre versant, lorsque nous avons redescendu de plusieurs centaines de mètres, une vallée gigantesque s’offre à nous. Nous sommes sous l’emprise d’une étendue que nous n’arrivons pas à estimer; un kilomètre de large, peut être deux, peut être même davantage. Aucun point de repère ne permet d’évaluer la distance qui nous sépare du côté opposé. C’est incroyable ! Nous continuons de descendre jusqu’à atteindre un guet, bien plus loin. C’est l’endroit que nous choisissons pour faire la pause déjeuner ainsi qu’une petite sieste de circonstance. Il est midi, et le soleil montre toute sa détermination. Pantalon et manches longues sont de rigueur malgré la chaleur. Parkash cherche une solution pour tenter l’ascension d’un 6000 mètres, initialement prévu. La logistique est lourde dans les conditions où nous sommes, et la réalisation, délicate et rude, semble relever de l’infaisable, malgré l’assurance préalable donnée par l’agence. Après discussion, je donne l’abandon comme issue à ce projet. Je fais part à mes compagnons de voyage des difficultés relatées, ce qui donne à Vincent un grand sentiment de frustration. La caravane nous rejoint. Parkash prend alors, avec l’équipe, la décision de pousser plus loin. Il nous faut pour cela franchir un nouveau col à 5200 mètres. Cette fois, nos têtes semblent prises entre deux étaux. Il faut en faire abstraction pour avancer, et éviter les mouvements brusques.
Nous n’avons pas de symptôme plus inquiétant. Nous attaquons donc la montée, malgré les douleurs stridentes. Il faut encore redescendre dans un versant de terre et de pierre, basculant sur une nouvelle vallée le long de laquelle nous longeons une rivière. Nous passons plusieurs guets, chaussures autour du cou. Enfin, nous établissons notre campement, face à un sommet pyramidal enneigé. Le décor est à une échelle toujours aussi surprenante. Pour la première fois, nous décidons de monter, péniblement, deux tentes. Exténués par la longue journée de marche et par l’altitude, nous optons pour un meilleur confort en élargissant notre espace d’intimité. Nous passerons ainsi la nuit à 5050 mètres. Comme la veille, trente minutes sont nécessaires pour reprendre nos esprits pleinement. Le thé est toujours d’un grand réconfort. Des nomades passent avec quelques chevaux. Malgré les maux de tête et mon abdication face à ma résolution de ne pas croquer ma première aspirine, le moral est très bon. Le physique ne peut alors que suivre, même dans la difficulté. Certains moments sereins de la journée m’ont apporté des instants de naïveté infantile, admiratif devant la beauté sauvage à portée de ma vue.
Tandis que la nuit s’empare du camp, qu’aux chauds rayons de soleil se substitue la fraîcheur nocturne, nous échangeons de longs moments de discussion, à la tiédeur du réchaud, et la lueur des bougies. Bien à l’abri de toute source de pollution lumineuse, le ciel scintille de milliards d’étoiles, dévoilant des contrées infinies. Dans cette source intarissable d’inspiration, je me sens en accord, en harmonie avec les éléments qui m’entourent ; heureux d’être en ces lieux, malgré les questionnements des heures précédentes, que la fatigue contribue à accentuer.
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