- Départ : 9h20 – Arrivée : 22h00 | +1010/-1030m – 16km – 10h40
Ce matin nous prenons le départ avec le beau temps, puis même un grand soleil. C’est une chance car aujourd’hui est une étape clé de notre voyage, une journée qui devrait être de toute beauté.
Nous pénétrons dans la vallée Strupskardet qui doit nous faire traverser la péninsule dans sa largeur, afin de déboucher sur sa rive Est. Nous atteignons le premier lac d’une longue série, le Blavanet. D’un bleu foncé brillant, avec le glacier Lenangsbreen qui vient s’y jeter, il nous offre un avant goût de cette journée très prometteuse.
Toute la vallée n’est qu’un énorme éboulis, un énorme champ rocailleux. Il n’y a pas de sentier, nous marchons sur un véritable champ de pierres.
Nous poursuivons sur les quatre lacs de Strupskardvatnan, tout aussi beaux les uns que les autres. Nous nous arrêtons à l’un d’eux pour manger. Le soleil cogne fort, mon thermomètre affiche 26 degrés. Le lac est partiellement recouvert de plaques de glace, le paysage rocailleux qui nous entoure est celui de la haute montagne. Pourtant nous ne sommes qu’à 500 mètres d’altitude. Tout est minéral ici, il n’y a quasi pas la moindre trace de végétation.
Nous continuons en passant un col culminant à 588 mètres d’altitude pour arriver sur le lac Strupvatnet. De là, nous commençons à apercevoir le glacier Strupbreen. Il est impressionnant ! Je commence à me poser quelques questions : « Mais par où allons nous passer ! » « Est-ce que le passage que j’avais repéré est bien franchissable ? »
J’ai passé beaucoup de temps à étudier le passage qui nous attend, cartes, images satellites en 3D, photos… Tout y est passé ! Mais l’incertitude demeure.
Nous sommes arrivés quasiment au bout de la vallée, il ne reste plus que trois kilomètres à vol d’oiseau. Mais c’est ici que vient s’échouer le glacier Strupbreen dans un petit lagon glacé qui s’écoule en cascade jusqu’à la mer 500 mètres plus bas. C’est là que se trouve la gorge Strupen que nous souhaitons atteindre.
Théoriquement, il n’y a que deux possibilités pour rejoindre la gorge Strupen. Toutes les deux en provenance du hameau Koppangen. Soit en bateau par la mer, soit en traversant les glaciers Koppangsbreen et Strupbreen. J’espère trouver un troisième passage sans à avoir à franchir le glacier Strupbreen…
Un petit belvédère domine le petit lagon et nous offre un point de vue sur le glacier. Le panorama est grandiose, mais toute l’ampleur de la difficulté de trouver un passage se dévoile ! Il est 17 heures et je me demande sérieusement si nous allons pouvoir franchir tout cela pour rejoindre de l’autre côté le belvédère de Strupen. Où de là, je sais qu’un sentier descend en direction de la crique.
Le stress commence à monter pour moi, comment vais-je nous faire passer ces obstacles… Glacier, lagon glacé, torrent, névé, éboulis…
Nous nous rapprochons au plus prés du glacier, sur la rive du petit lagon glacé. C’est impressionnant d’être aussi proche du front du Strupbreen ! Nous allons jusqu’à l’embouchure du lagon, d’où l’eau s’écoule jusqu’à la mer. C’est là que j’espère pouvoir passer, en enjambant le cours d’eau. Mais c’est un véritable torrent qui se fracasse contre la roche dans un brouhaha assourdissant, sur une largeur bien trop grande pour l’enjamber ! Quant à la solution de le passer à gué, ca ne serait qu’une pure folie d’essayer ! Nous nous ferions emporter par le torrent dès le premier pas dans l’eau, pour nous voir finir chuter dans la cascade toute proche.
Nous n’avons pas d’autre choix que celui de longer ce cours d’eau en espérant trouver un passage plus loin. Le souci, c’est qu’il s’écoule en cascade, il n’est pas des plus facile à suivre et il n’y a aucun autre passage possible, la vallée étant très étroite. Nous avançons avec prudence en examinant chaque passage susceptible d’être traversé… Malheureusement, c’est sans espoir, l’eau étant vraiment déchaînée. Quand j’aperçois, environ 200 mètres plus bas, un replat suffisamment long, pour calmer les turbulences du courant et ainsi espérer pouvoir tenter une traversée à gué. Il nous faut aller voir, il est peut être notre seule solution pour atteindre Strupen.
Le tout maintenant est de pouvoir l’atteindre. Alors sans le savoir, c’est un véritable parcours du combattant que nous entamons ! En plus la météo se met à changer, le ciel se couvre, le brouillard fait son apparition et la pluie arrive petit à petit…
Nous commençons la descente, collés au plus prés de la paroi de la montagne, sur un passage large d’environ 60 à 80 centimètres, avec le torrent qui se trouve en contre bas. Puis nous nous retrouvons bloqués, face à notre première épreuve de la descente. Le passage ne fait plus que quelques centimètres de large sur les trois prochains mètres, ne laissant la possibilité de n’y poser que la pointe des pieds, en dessous, c’est un vide de quatre mètres. Je sors alors ma cordelette de 10 mètres pour descendre nos sacs sur le replat quatre mètres plus bas. Puis j’attache Célia par les hanches afin de l’assurer un minimum pour cette traversée. La roche étant en plus rendue glissante par la pluie. Elle passe doucement, mais sûrement, sans problème. Mon tour suit et nous poursuivons la descente après avoir récupérés nos sacs.
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Nous n’allons guère plus loin avant de nous retrouver face à un nouvel obstacle. Cette fois-ci, nous avons huit mètres de parois à descendre ! J’assure à nouveau Célia qui descend jusqu’à un petit perchoir à 2,50 mètres plus bas. La paroi n’étant pas verticale, cela ne pose pas trop de souci, il nous faut juste être prudent et éviter de glisser sur la roche mouillée. Après lui avoir descendu les sacs à la corde, je la rejoins, sur ce petit bout de rocher où nous sommes à l’étroit. Puis je fais descendre les sacs jusqu’au pied de la paroi. Lorsqu’ils touchent le sol, j’arrive au bout de ma corde de 10 mètres, ce qui veut dire qu’il y a encore cinq mètres de vide sous nos pieds !
Je fais passer une nouvelle fois Célia en premier afin de pouvoir l’assurer. Elle descend de quelques mètres, mais elle reste bloquée à environ 2,50 mètres du sol… A partir de là, la paroi devient concave, donc impossible à descendre ! Elle tente de trouver un autre passage, mais en appui sur la pointe des pieds, son champ d’investigation est limité, elle n’a pas d’autre choix que de sauter. Sauter sur un rocher d’un mètre carré qui se trouve en contre bas, afin de gagner 80 centimètres de chute en moins…
Je la vois hésitante, cherchant encore à droite à gauche une autre solution, soufflant un gros soupir, puis crier : « J’y vais ! ». Là, elle s’élance dans le vide, je donne alors du mou à la corde. Elle atteint le rocher, je resserre la corde pour la freiner dans son élan, elle rebondit sur le rocher, puis touche terre ! Yahouuuuu ! Elle a réussi !
Oh putain… C’est à mon tour maintenant ! J’essai de descendre le plus bas possible comme Célia, mais sans assurage, ce n’est pas évident… La chute signifierait la fin du voyage ! Puis je me retrouve moi aussi, dos à la paroi, prêt à sauter sur ce rocher. La vache, que c’est haut ! J’en ai des sueurs froides. Je prends une bonne inspiration… Puis je fais le grand saut à mon tour… Je rebondis sur le rocher et touche terre. Yahouuuuuuuuuuu victoire !
Nous sommes passés, quel soulagement ! Mais cela signifie surtout que nous ne pouvons plus qu’aller de l’avant, impossible dès à présent pour nous de faire demi-tour.
Plus loin, dans un passage étroit, c’est une grande plaque de roche bien lisse, pentue et glissante comme une patinoire avec l’eau qui ruissèle dessus qui nous fait barrage. Pour ma part, je n’ai pas d’hésitation sur comment passer cette nouvelle épreuve. En luge ! La plaque fait environ trois mètres de long, je me laisse glisser dessus, atterris pieds devant dans la caillasse sur laquelle je continue de glisser avec ma vitesse pour aller m’écraser sous un névé…
Célia luge à son tour, je la rattrape comme je peux pour la freiner, mais elle part faire un strike dans nos sacs-à-dos que j’avais posés non loin de là.
Nous finissons par arriver au replat que j’avais aperçu du haut. La météo s’est depuis bien dégradée, pluie, vent et brouillard nous refroidissent alors que nous devons nous mettre à l’eau. Le plateau fait environ 250 mètres de long. En amont, une cascade, en aval, une autre cascade de 350 mètres ! Et nous devons traverser au milieu des deux ! Nous avons environ huit mètres de gué à passer. Il y a un peu de courant, mais l’eau est calme, sans remous. Par contre, elle est blanche comme du lait, nous n’avons du coup aucune idée de la profondeur, cinquante centimètres, un mètre, un mètre cinquante ? Nous essayons de trouver le meilleur passage, mais il n’y en a pas des masses. En plus, nous ne pouvons pas trop tarder, avec ce qu’il flotte, nous commençons à être frigorifiés à rester là sans marcher. Je croise les doigts pour qu’il n’y ait pas trop de profondeur…
Nous décidons de traverser le gué tout habillé, il fait trop froid pour retirer le bas de nos vêtements. Nous garderons notre sur-pantalon et nos chaussures. N’ayant aucun idée de la profondeur et de ce qui se trouve au fond de l’eau, il nous faut assurer un bon maintient au sol, nous n’avons pas le droit de tomber à l’eau ! De plus nous sommes déjà bien trempés, cela ne changera pas grand-chose. J’utilise également la cordelette pour nous encorder, à une distance de quatre mètres, ce qui me permet de la doubler.
Goooo ! Nous passons rapidement, sans nous arrêter, légèrement en diagonal pour suivre le courant, l’eau est heureusement peu profonde, juste au-dessus des genoux. Arrivés de l’autre côté, l’eau accumulée dans les chaussures me glace bien évidemment les pieds. Mais le plus important c’est que nous sommes passés ! En plus j’aperçois un petit cairn un peu plus haut. Nous sommes sauvés ! Cela signifie que des personnes ont pu arriver jusqu’ici depuis Strupen, nous devrions donc ne plus avoir de surprise.
Nous finissons par arriver au belvédère de Strupen vers 21 heures, après trois heures de descente infernale depuis celui du petit lagon glacé qui se trouve seulement 150 mètres plus haut ! Le panorama sur la crique est de toute beauté, l’eau blanche du glacier qui s’écoule par la cascade va se jeter dans la mer bleue, eau douce et eau salée se rejoignent dans un mélange de couleur. En plus un renne solitaire passe non loin de nous, le spectacle est digne des difficultés que nous venons de rencontrer.
Il nous faut encore une heure de descente dans un éboulis recouvert de verdure, rendu glissante par la pluie, pour rejoindre le bord de mer. Heureusement, l’un des avantages de randonnée l’été à une latitude au-dessus de celle du cercle Arctique, c’est qu’il fait jour en permanence ! Nous ne sommes du coup pas pressés par le temps pour arriver avant la nuit.
Nous passons la soirée au calme, au bord de l’eau, épuisés… La journée a vraiment été difficile, mais si nous sommes passés sans encombre, je sais que cela n’a pas été qu’une question de chance. Malgré les conditions météo, le stress, nous n’avons à aucun moment cédé à la panique. Nous avons toujours pris chaque obstacle au cas par cas, analysant la situation. Célia m’a fait en plus confiance jusqu’au bout sur les choix de l’itinéraire malgré les difficultés et surtout elle a assuré, une vraie warrior.
Voici quelques années, je me suis échappé d’une vie qu’il faut souvent suivre au pas…
Aujourd’hui je déborde d’énergie que je dépense dans la marche afin de parcourir des milliers de kilomètres pour découvrir les merveilles de la nature. Mes terrains de jeux préférés étant les montagnes et les zones désertiques, là où poussent les cairns. Mais je suis ouvert à toute la planète.
Je n’ai ni l’âme d’un écrivain, ni d’un photographe, mais j’ai un grand plaisir à faire partager mes aventures par l’intermédiaire de mes sites afin d’offrir un peu d’évasion.
Simon Dubuis
Carnets d’aventures : www.dubuis.net