Hallingskeid – Osa
- 9h – 17 km – D+ 250m ; D- 1260m
Côté aventures en montagne, aujourd’hui j’ai été servie et je suis très fière d’avoir étouffé ma mauvaise humeur sous le courage, la ruse et l’habileté, pour arriver entière au bout de l’étape…avec beaucoup de chance aussi, je le reconnais.Le ciel s’est ouvert environ une heure après mon départ du refuge où tous dormaient encore à 8h. J’ai même eu l’espoir de quitter mon pantalon de pluie, mais il me tenait bien chaud. J’ai vaillamment repassé la petite passerelle diabolique sans main courante parce que j’emprunte une partie du chemin qui mène aussi à Rembeldalsette et au glacier Hardangerjøkulen. Les torrents sont furieux, le sentier s’est transformé lui-même en torrent, l’eau, l’eau, l’eau qui coule partout, semble sortir de terre.
Ca monte dans des granites clairs striés de lignes roses et vertes qui accrochent bien au pied. Toutes les pierres sont si belles que j’aimerai les emporter.
Alentours, la lumière qui frise par dessous les nuages noirs fait luire les roches lisses comme la peau de troupeaux d’énormes éléphants de mer. Un peu après la bifurcation vers Osa, au-dessus de 1300m, j’entre dans un brouillard mouvant de plus en plus dense. Je distingue de moins en moins les cairns, je reste très concentrée mais à plusieurs reprises je dois revenir sur mes pas, rester près du dernier cairn visible, attendre que le vent me permette de distinguer le prochain et d’être certaine qu’il ne s’agit pas de pierres déposées naturellement par l’ancien glacier d’il y a 10000 ans, avancer dans un paysage de plus en plus sombre.
Au détour d’un col, le granite ample et clair a fait place à des piécettes de schiste brillantes empilées sur une épaisseur telle que j’ai l’impression de marcher sur une plage de sable…et de patiner dans les montées et glisser dans les descentes. Un chaos de monticules noirs me désoriente complètement. C’est la première fois depuis le début de ce voyage en Norvège que je ne parviens pas à savoir où je suis sur la carte. Je devrai traverser un glacier, il fait effectivement très froid à un moment, je vois des névés mais soit brouillard trop dense, soit réchauffement climatique, je ne marche pas sur le la glace. De plus, à cause de toute cette pluie tombée ces dernières semaines, des ruisseaux se sont crées qui gonflent des lacs temporaires absents de la carte. C’est comme si j’avais pénétré un autre monde et que ma mission est de le traverser sans attirer l’attention des démons qui l’habitent.
Je me répète que je n’ai pas droit à l’erreur, que je dois ni me perdre ni tomber ni me refroidir. Bizarrement, même la peur ne m’effleure tellement je suis concentrée et calme. Je ne sais pas comment je vais mourir mais certainement pas ici et pas maintenant !
Je dois traverser à gué dans des eaux glacées par 3 fois. Un drôle de petit oiseau me surprend, sorti du silence, tout agité, il crie, il crie en faisant des bonds sur un rocher près de l’eau, si c’est pour me prévenir de ne pas passer par là, tant pis j’ai déjà enlevé mes chaussures.
Je me rechausse, c’est trempé aussi dans mes chaussures maintenant.
Affamée, vers 13h je décide de faire une pause dans un boyau qui glougloute à l’abri du vent, il ne pleut plus. Sensation d’être dans le ventre de la baleine de Pinocchio, noir, mouillé, glissant, immobile mais animé d’une force monstrueuse, avec sa respiration.
Je m’engage dans un petite gorge je vois 2 cairns, l’un me dit de la remonter l’autre de la traverser et de longer son flanc droit. Je descends mais ces petites lamelles de schiste glissent trop la pente est raide, en me tournant pour passer ailleurs, je jette un œil en bas, et j’aperçois dans le brouillard un énorme bloc de glace qui obstrue la gorge. Je ne dois surtout pas glisser, je risque d’être coincée entre la glace et la roche dans l’espace creusé par l’eau et la fonte. Je remonte, je dois contourner, trouver un autre passage en essayant de garder le cap à la boussole sans suivre cette rivière qui doit se jeter dans le fjord pas si loin. Encore un passage de gué de l’eau jusqu’aux cuisses cette fois, et puis je retrouve un cairn, victoire sur la perdition, j’escalade tant bien que mal les parois déchiquetées et coupantes. Je refuse de penser « et si je ne vois plus de marque, je fais quoi ? », porte ouverte à la panique, je pense « je dois sortir d’ci le plus vite possible » et soudain alors que j’ai senti la pente s’inverser sous mes pieds et l’amorce d’une descente, l’écran du brouillard s’ouvre sur Ossete et le fjord d’Osa sur ma gauche. La mer. Sauvée.
Des cascades immaculées rayent les pentes couleur renard, et devant ces merveilles, je m’attribue avec orgueil, le diplôme de la marcheuse au sang froid le plus développé !
Mais la journée est loin d’être finie, la descente de 1200m est parfois acrobatique, le sentier principal est dilué dans les sentes crées par les brebis, ou avalé dans les fougères, heureusement que la vue est dégagée car il y des failles impressionnantes et des mini falaises perpendiculaires à la pente et tout ce pan de montagne pourrait bien un jour glisser dans le fjord.
Encore une motivation pour accélérer le mouvement. Une douleur indescriptible me coupe le souffle, mais, cher genou, je suis désolée, on doit arriver en bas, fais un effort, c’est le dernier jour difficile, demain c’est 10km sur la route plate vers Ulvik, alors couché la tendinite, à la niche.
Elle obéit, je boitille dans une forêt d’Aulnes roses reliée au ciel par des cascades fracassantes.
Des coulées de boues récentes confirment ma lecture du paysage plus haut, en conclusion : pas question de planter la tente ici, trop de glissements de terrain et trop de pluie.
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Je repère une bergerie juste avant l’entrée du village, un peu à l’écart du chemin avec une ouverture lui tournant le dos, c’est parfait. Elle est ouverte. Je préfère quand même dormir à l’étage, plus propre, laissant le rez-de-chaussée boueux aux brebis qui voudraient y passer la nuit.
Sans faire de pause malgré la fatigue, je vais chercher de l’eau, je me lave, me change, je prépare mon couchage entre des poutres qui me protègeront des courants d’air, j’enfile les chaussons de plongée trempés, mes pieds nus mauvissent.
Et l’homme d’Osa arrive.
Et la femme d’Osa arrive.
Une brebis malade depuis le matin les inquiètent, ils sont venus la voir (je ne l’ai même pas entendu bouger cet animal).
Ils m’autorisent à rester là avec une vraie lueur de gentillesse dans le regard, elle, soucieuse :
« Vous n’avez pas peur…du noir ? »
Non Madame, après la journée que je viens de passer, ce noir relatif de la bergerie est mon réconfort.
Je leur raconte que j’ai vu une brebis malade à la jonction des 3 cascades, sous Ossete, et là on devient copains. Ils me demandent si, là où j’ai échappé aux mâchoires du glacier je n’ai pas vu ou entendu des moutons, ils en ont perdu 8 depuis dimanche. Non, je n’imagine pas les moutons monter jusque là, il n’y a que des pierres.
J’en profite pour ouvrir une parenthèse : en Norvège, au printemps, on amène les brebis à l’estive et puis on les laisse tout l’été avec leurs agneaux faire du lard et de la laine. Jusque là, ça va. Le problème c’est de les récupérer fin septembre avant que la neige ne s’installe, mais elles se sont un peu ensauvagées, les bédigues, et éparpillées en petits groupes partout dans les montagnes, et parfois dans les endroits vraiment inaccessibles…
C’est, je crois, le jeu préféré des norvégiens, en septembre, le weekend, tout le monde va à la chasse aux brebis, comme nous à la chasse aux œufs de Pâques ! Un truc de famille et de copains. Sont fous ces norvégiens…
Pasteurisés peut-être, mais toujours vikings !
Revenant à mes histoires « on my (no)way », la dame apprenant que je marche depuis un mois et que je descends d’ Hallingskeid par ce temps me répète « you are good, you are good ».
Bon, vous aurez compris que je n’attendais que ça, une médaille. Non seulement j’ai un logement au sec, mais en plus on me félicite, je l’aurai embrassée.
Et je réalise qu’il n’est pas évident pour tout le monde de dormir dans un tel endroit.