La plupart des maisons n’ont que deux étages. Le rez-de-chaussée est en général réservé aux animaux, et le premier étage aux habitations. Une étroite échelle taillée dans un tronc d’arbre aux marches usées permet d’accéder aux étages supérieurs et au toit où est toujours entreposé des fagots de bois qui serviront de combustible au plus froid de l’hiver. Je cherche à m’élever pour avoir une vue d’ensemble sur la ville lorsqu’une femme me fait signe de monter chez elle. La pièce principale recouverte de terre battue n’est éclairée que par une lucarne dans le plafond qui la plonge dans une obscurité quasi permanente. Dans un coin, le foyer entouré d’ustensiles de cuisine. A l’autre bout de la pièce, un petit bahut et des tapis sur lesquels s’asseoir. Pas d'autre meuble. A côté une pièce dans laquelle l’ensemble de la famille dort. L’hôtesse m’offre très gentiment du thé salé tibétain préparé avec du beurre que mon palais a encore un peu de mal à apprécier. Force de gestes, j’arrive à comprendre que deux enfants et son mari actuellement aux champs composent la famille. Comme plus de 70 % des hommes de la région, son mari quitte le Mustang l’hiver pour les pays voisins afin de faire du commerce. C’est de cette façon que la vallée, en dépit de sa fermeture n’a pas trop souffert de son isolement.
Chaque soir, à la nuit tombée, chèvres, vaches, et mules sont ramenés des pâturages environnants. Un tintement de clochettes les précèdent. Les vaches, notamment, rentrent spontanément chez leurs propriétaires poussant et ouvrant avec leurs têtes la porte de l'étable ! elles déambulent sagement les une derrière les autres. Les chèvres quant à elles sont beaucoup moins disciplinées et nécessitent toute l'attention de leur berger.
Une visite aux trois gompas s'impose, notamment celle de Jhampa, dont les fresques font l’objet d’une restauration par une équipe internationale. De splendides peintures de mandalas dont les couleurs vives voient de nouveau le jour après un savant nettoyage. Celle de Chhoedde reçoit ma visite un matin durant la prière des moinillons. Dès 6h30, je les trouve rassemblés dans le monastère, assis les uns à côté des autres sur deux rangées de coussins qui se font face. Mon entrée les motive car l’intensité de la lecture des prières augmente soudainement ! Cette lecture est parfois interrompue par des bruits de cymbales et le son de grandes trompettes à vent. C’est aussi le moment de leur déjeuner ; comme tous les jours à la même heure il leur est servit de la tsampa et du thé salé. La prière terminée, ils se dirigent vers l’école où les principales matières comme les sciences, le népalais, l’anglais et le tibétain leurs sont enseignées par un instituteur de la région revenu travailler au Mustang après un séjour à Daramsala (en Inde). Il me parle de l’association qui les aide à développer l’enseignement ici et du problème du départ des principaux maîtres spirituels en Inde et au Népal. Ce pays arriéré en effet n’incite pas les personnes qui ont reçues un bon enseignement à y rester. D'autre part, la fermeture de la frontière avec le Tibet ne permet plus aux lamas tibétains de venir
Il a plu toute la nuit et, lorsque je sors du monastère, je constate l’ampleur des travaux à réaliser dans les rues en voyant les habitants patauger dans la boue ou sauter de pierres en pierres avec précaution pour éviter les marigots formés dans les ruelles en terre battue. Je ne me lasse pas de déambuler au hasard des rues. Il règne dans cette ville un parfum de moyen âge que j’affectionne tant.
Quinze jours viennent de s'écouler, il est tant de sortir du royaume.
C'est avec beaucoup d'incertitudes dans la tête que je franchi de nouveau la porte de Kagbéni. Quel avenir pour cette vallée devenu un district du Népal parmi d'autres? Arriveront ils à préserver leur identité culturelle ? L'isolement géographique n'inciterait-il, pas les habitants à quitter la vallée pour s'installer dans des régions plus hospitalières ?
Texte photos : Marie-Laure Vairelles, photographe (reportage et montage)