Plat plat plat, l'Oregon est plat. Un discours pour ravir les platistes de ce monde.
Alors aprรจs vous avoir contรฉ mon Pacific Crest Trail sur la section Washington, place ร L'Oregon. L'Etat sonne comme une terre de repos (ou d'ennui selon votre point de vue).ย En quelques chiffres, l'Oregon c'est : 735 kilomรจtres, 18 000 m de D+ et environ 17 000 m de D-. Si certaines personnes se mettent au dรฉfi de traverser cet Etat en deux semaines, j'ai personnellement pris mon temps.
Il y a peu d'endroits oรน vraiment se ravitailler. J'ai optรฉ pour la stratรฉgie d'envois de colis dans les lodges qui parsรจment le parcours. Je ne sais pas si c'รฉtait la meilleure des solutions, car elle s'est avรฉrรฉe particuliรจrement coรปteuse, mais c'est une solution envisageable.
Mais reprenons notre rรฉcit lร oรน nous l'avions arrรชtรฉ.
Toutes les informations ร savoir avant de dรฉmarrer son trek sur le Pacific Crest Trail : obtention du permis, dans quelle direction, comment se ravitaillerโฆ
The Bridge of the Gods ร Timberline Lodge : des doutes sur la suite de l'aventure.
The Bridge of the Gods. Il est le terminus de Cheryl Strayed dans le film Wild. Il symbolise la premiรจre รฉtape pour moi. Cette machine mรฉtallique surplombe la Columbia River et est aussi le point le plus bas du Pacific Crest Trail (on dit aussi PCT, c'est plus court). La traversรฉe du pont me semble une รฉternitรฉ. Sous mes pieds, un grillage d'oรน je peux voir la riviรจre dรฉchaรฎnรฉe en dessous, sur les cรดtรฉs, des voitures accompagnรฉes de leur chauffard me frรดlant. Si le lieu est mythique, la traversรฉe ne me laisse pas un souvenir particuliรจrement heureux. J'apprรฉcie de toucher le bitume de l'autre cรดtรฉ.
Nous prenons deux jours de repos et nous accordons aux rituels du randonneur : manger, dormir, faire sa lessive, manger, dormirโฆ et se ravitailler pour les prochains jours. Il faut cependant vite repartir, rester trop longtemps inerte attise les douleurs, se remettre en mouvement est indispensable, salvateur.
J'ouvre GutHooks, l'application que j'utilise pour me diriger et dรฉcouvre que la sortie de la ville est raide. Sac rempli, jambes fraรฎches, beau soleil, c'est reparti !
Un pas ร la fois, je grimpe cette cรดte, de beaux zig zags ont รฉtรฉ creusรฉs dans la pente, facilitant l'ascension.
La forรชt est belle, dense, humide et sombre. La pente sโadoucie finalement pour laisser place ร un parterre dโaiguilles de pins, un sol lรฉger et agrรฉable sous les pieds, et puis finalement, un sentier facile, plat. On se rapproche du Mont Hood, si reconnaissable avec sa forme conique.
Si le sentier est magnifique et laisse place ร la vitesse -toute relative- de mes pas. Je me sens particuliรจrement seule, fatiguรฉe peut รชtre, usรฉe aussi par lโincivilitรฉ de certains randonneurs. Je recherche le calme dans le bruit blanc des riviรจres, dans les nuits รฉtoilรฉes, sur le terrain devenu plus sablonneux. Mais rien nโy fait. Je nโai plus le goรปt ร rien.
Je dรฉverse mon flot de tristesse auprรจs dโun randonneur passรฉ par lร . Etrangement, cโest cette personne, que je ne connais pas qui me dit ยซย ne tโarrรชte pas maintenant, le plus beau est ร venir devant toiย ยป. Il passe trente minutes au bord du sentier ร me remonter le moral.
Jโarrive au Timberline Lodge. Ici, mโattends un ravitaillement que je mโรฉtais envoyรฉ. Dedans, des lettres de mes amis qui rรฉchauffent le cลur, et 4 tablettes de chocolat belge. Ce soir, je dรฉguste ces douceurs, et commence ร rรฉflรฉchir ร la suite du sentier.
Timberline Lodge ร Sisters : des lacs, des moustiques ร en perdre la raison
La nuit porte conseil et cโest revigorรฉe que je reprends le sentier. Je crois Mr Peanut Butter, un ami rencontrรฉ lors du Sentier des Appalaches lโannรฉe prรฉcรฉdente. Rien ร faire, croiser des visages connus, รฉchanger autour de nos expรฉriences, les fesses plantรฉes dans la terre, รงa vous colle un sourire sur le visage pour plusieurs heures. Je sais que dโautres tรชtes familiรจres suivront โ ceux qui marchent vers le Nord- dans les prochaines semaines, et je mโen rรฉjouie dโavance.
Un petit dรฉtour vers Little Crater Lake. Dโun bleu plus bleu quโil ne mโest jamais รฉtรฉ donnรฉ de voir. Un bleu qui ressemble ร un bain de bleu de mรฉthylรจne. Un bleu dโinfusion de Stroumpfhs. Bref, cโest un tout petit lac, mais je suis ravie dโavoir fait ce dรฉtour de 5 minutes.
Les lacs apparaissent les uns ร la suite des autres ce qui nโest pas pour me dรฉplaire en ces jours caniculaires. Chaque plongeon vous prodigue un rafraichissement instantanรฉ, mais aussi un rรฉpit face aux moustiques suceurs de sang.
Je commence ร me planifier de belles journรฉes, autour de 50 km. Le dรฉnivelรฉ le permet et mon corps est habituรฉ aux longues journรฉes. Je mโennuie un peu aussi. Ca peut paraรฎtre fou, mais marcher 10h par jour nโest pas mรฉditatif ni contemplatif tout le temps. Cโest comme lors dโune visite au musรฉe, la premiรจre heure, on est attentif ร chaque dรฉtail. Au bout de la 3e, on lโest un peu moins.
Alors je me distrais avec un peu de musique. De la musique plutรดt que lโincessant bruit de mes pas, plutรดt que mes pensรฉes. Je me demande si un jour jโatteindrai une sagesse si grande quโil me sera inutile de me distraire ?
Je croise la route dโun resort. Ici se trouve une petite รฉpicerie qui vends de la biรจre. Jโen profite pour me dรฉsaltรฉrer et discuter avec les quelques personnes prรฉsentes. Il sโavรจre quโils sont des bikers, ils font du gravel sur un sentier parallรจle au Pacific Crest Trail. Deux semaines sur leur sentier et seulement 3 personnes rencontrรฉes. Au fond, je crois que รงa me fait trรจs envie aussi cette histoire. Aprรจs quelques รฉchanges fort enrichissants, chacun reprends sa route, un peu ivre de biรจre et de joie.
Le lendemain matin, le ciel sโembrase. Il est 5h et la journรฉe commence magnifiquement bien. Il y a 27 miles jusquโร la ville de Sisters. A 8h, le soleil brรปle la peau. LโOregon et ses grandes forรชts est sujet aux incendies. On traverse donc des รฉtendues de forรชts aux troncs noircis, nโoffrant aucune ombre. Si le spectacle est magnifique, il est parfois une torture pour le randonneur qui se serait levรฉ un peu trop tard.
Je passe ร cรดtรฉ de Three Fingers Jack, un volcan particuliรจrement รฉrodรฉ qui nous offre une crรชte รฉdentรฉ particuliรจrement belle ร voir. Quel plaisir encore de pouvoir se nourrir de ces paysages, je suis รฉbahie encore.
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Le sol se couvre de fraises des bois que personne ne semble vouloir manger. Bien que recouverte de poussiรจre, elles nโen restent pas moins un met dรฉlicieux, ralentissant ma cadenceโฆ
Depuis plusieurs semaines, on me dit de passer au Big Lake Youth Camp, un camp scout au bord dโun lac. Lโaccueil y est trรจs chaleureux. Nous pouvons prendre une douche, laver nos affaires au besoin โฆ Il est midi et ils servent un buffet pour une somme modique. Ils nous offrent une pause salvatrice dans cette longue journรฉe.
Le ciel semble se couvrir lorsque nous quittons le camp. Cela tombe ร pic, nous avons un champ de lave ร traverser (je rappelle que nous sommes dans une rรฉgion volcanique) et que la perspective dโun soleil de plomb sur une roche noire ne mโenchantait guรจre. Jโai aussi trรจs mal gรฉrรฉ mon approvisionnement en eau et nous avons 20km ร parcourir avant la prochaine source.
Si la lave refroidie nโest pas un plaisir pour les pieds, elle lโest pour les yeux. Devant nous sโรฉtende des kilomรจtres de roches noires, entourรฉe de forรชts, en toile de fonds les Three Sisters. Trois magnifiques volcans qui se dรฉcoupent dans lโhorizon. Cโest irrรฉel. Tout est irrรฉel. Ce sentier nโest que surprise ร chaque virage. Je suis รฉmue par tant de beautรฉ.
Nous faisons du stop et nous trouvons รขme charitable trรจs rapidement pour aller ร Sisters, se protรฉger de la canicule prรฉvue durant les deux prochains jours.
De Sisters ร Crater Lake : la maladie, les orages, les amis, la fรชte
Ne rien faire autre que manger, dormir, panser ses pieds, et faire des overdoses de cafรฉine. Voilร ร quoi servent les jours sans rien.
La chaleur est torride et nous ne reprenons la route que tard aprรจs un repos mรฉritรฉ.
Un retour sur le sentier en demi-teinte. Je me lรจve mais nโest pas capable dโavancer. Une sieste, puis une autre 10 minutes plus tard ne mโaident pas ร retrouver mon รฉnergie. Chaque pas me semble une รฉpreuve. Sous les conseils des autres randonneurs, je me trouve un coin ร lโombre, me gorge dโeau et mโendors une bonne partie de la journรฉe. La vitalitรฉ me revient. Cโรฉtait un simple รฉpisode de dรฉshydratation.
Le bonne humeur revenue, les jours suivants me semblent facile et les attaques incessantes des moustiques ne sont quโun entrainement ร devenir un meilleure ninja.
Je retrouve Eleven une amie des Appalaches. Quelle joieย !!! Vite interrompue par lโorage qui sโabat sur nous, grรชle et tutti quanti. Je me demande combien de moustiques sont morts dans la bataille.
Cโest mon anniversaire et je veux des pancakes. Ce caprice se rรฉalise aprรจs plusieurs heures de marche sous la pluie grรขce au Shelter Cove Resort. Resort que je recommande vivement pour son accueil agrรฉable et sa nourriture incroyable.
Je reprends la route seule, lโorage gronde et je remercie la technologie qui me permet de dormir au sec sous une bรขche dont lโรฉpaisseur est de moins dโun millimรจtre. La vie tient ร peu de choses parfois.
Le sentier se fait toujours plus facile, un peu plus sec, mais les kilomรจtres dรฉroulent facilement, dans la joie et la bonne humeur.
Crater Lake est lโattraction du coin. Cโest en effet magnifique. Cโest un lac formรฉ suite ร lโรฉcroulement du sommet dโun volcan. Lโeau y est un bleu profond et une รฎle se trouve au centre. Je retrouve un sacrรฉ paquet de randonneurs ici et nous dรฉcidons de faire un covoiturage jusquโร PCT Days, le festival des randonneurs. Cโest un รฉvรจnement un peu incontournable, de fรชtes et de retrouvailles.
Crater Lake ร Ashland : un peu d'ennui et de grosses journรฉes
Aprรจs plusieurs jours de fรชtes, le retour au sentier est difficile. La section qui sโannonce nโest pas difficile en terme de dรฉnivelรฉ, mais lโeau est une ressource rare. Tous les 30 km seulementโฆ Je me demande bien comment poussent les fleurs iciย ? Jโaimerais connaรฎtre leur secretโฆ Les paysages sont beaux, mais pas ร couper le souffle, alors je me divertie comme je peux, je chante et parle beaucoup ร voix haute, comme pour combler ma solitude, bien quโelle me soit joyeuse.
Jโesquive les campements oรน il nโy a que des hommes seuls. Et je dors mal, peur dโรชtre dรฉvorรฉe par un ours, sans compter que je ne me suis pas encore faite aux vrombissements des moustiquesโฆ Un jour peut รชtre ce son rรฉsonnera comme le ronronnement du chat ร mes oreilles. Mais ce jour nโest pas encore arrivรฉ.
Je dรฉcide de faire la plus grosse journรฉe de mon trajet, de ma vie mรชme : 36 miles, soit 57 km. Le sentier alterne entre roches plates qui sonnent dรฉlicatement sous mes pieds et forรชts dont le sol est tapissรฉs dโaiguilles de pins et dont une odeur dรฉlicate se dรฉgage. Je rencontre du monde durant cette journรฉe, quelle joie. Un trail magique me permet une pause agrรฉable ร lโombre et au bord dโune riviรจre avant de repartir avant le coucher du soleil. Je mentirais si je disais que cette journรฉe a รฉtรฉ facile. La fin approche et je me demande si mes jambes vont bien me porter jusquโร la cabane de South Brown Mountain Shelterโฆ Jโarrive ร 20h, รฉpuisรฉe. Je mange et mโรฉcroule dans la cabane. Fiรจre de cette journรฉe accomplie.
Le rรฉveil nโest pas facile, tรชte embuรฉe et jambes flageolantes, je reprends la route. Le paysage dรฉfile, et jโy prรชte moins attention quโavant. Seuls quelques dรฉtails semblent attirer mon attention : la ligne de dรฉmarcation de mousse sur les troncs dโarbres, mรฉmoire du niveau de neige qui sโabattra ici dans quelques mois, le regard mi-effrayรฉ โ mi-curieux des animaux rencontrรฉs, et puis le Mont Shasta que je vois se dessiner depuis Crater Lake. Une montagne gigantesque et hypnotique dont je tombe amoureuse.
Ashland, me voilร . On mโa parlรฉ dโun buffet indien ร volontรฉ. Il nโen fallait pas plus pour que je dรฉvale les derniers miles qui me sรฉparent de la grande ville. Jโy retrouve ร ma surprise Jake et Jane, ceux qui mโavaient secourus lors de ma chute dans la neige dans lโEtat de Washington. Nous partageons donc ce dรฉlicieux buffet, quelques biรจres, une chambre dโhรดtel et quelques fous rires. Le plaisir dโune douche et de draps frais est sans รฉgal.
Trรจs vite le lendemain, la journรฉe dรฉrape. Aprรจs un ravitaillement lรฉger โ deux jours seulement- une gentille dame nous amรจne ร un pub qui jouxte le sentier. Nous prenons un verre. Puis un autre. Et je suis ivre lorsquโil faut reprendre le sentier. Sans compter sur le fait de croiser deux dames qui campent en bord de chemin et nous offre du vin. Nous rions trรจs fort, avanรงons peu, nous rรฉjouissons de cette vie complรจtement folle que nous avons la chance de vivre et je vais me coucher.
Demain, poursuite du Pacific Crest Trail โ section Californie.