Tournant le dos au village same de Hetta, nous plongeons dans la tempête de neige. -22°C sous abri, vent force 7, nous voici tout de suite dans l'ambiance arctique que nous recherchions. Après notre périple, l’an passé, sur les hauts plateaux norvégiens de Dovrefjell-Sundasfjella, nous poursuivons notre découverte de l'itinérance par grand froid au cœur de la taïga finlandaise. Notre objectif ? Rejoindre, plein Sud, la rivière Muonio le long du parc national de Pallas-Yllästunturi. Une “balade” d’une centaine de kilomètres à parcourir en une semaine, ce qui devrait nous laisser le temps de la découverte.
Sommaire : Parc national de Pallas-Yllästunturi à ski-pulka
Pour nos premiers pas, c’est l’étendue gelée et sans repère du lac d’Ounasjärvi qu’il nous faut franchir. Bien que les températures et l’épaisseur de glace nous garantissent une traversée sans risque, nous ne pouvons réprimer une pointe d’inquiétude à l’idée d’un plongeon dans les eaux glaciales. Le bruit du vent nous enferme dans le silence. Sur la neige fine et poudreuse qui couvre la glace, les pulkas glissent, lentement. La neige tombe à présent à l’horizontale. Ne serait-ce la rive boisée qui se dessine au Sud que ciel et terre se confondraient en un paysage uniformément blanc ouaté.
Dans la taïga
Chaque jour dans le Parc national de Pallas-Yllästunturi, après un rapide petit déjeuner nous skions environ deux heures, marquons une brève pause repas d’un quart d’heure pour finir notre étape avec deux nouvelles heures sur les planches. En cette fin février, les journées sont encore courtes et cette organisation nous permet d’optimiser notre progression. Trois jours déjà que nous progressons dans la tempête. Nous avançons dans une taïga clairsemée au rythme lent de nos pas glissés. La faible luminosité et les chutes de neiges absorbent les couleurs et le paysage apparaît comme en noir et blanc. Les silhouettes fantomatiques de pins multiséculaires s'esquissent dans les brumes. Au travers des masques de ski, nos yeux scrutent le terrain, cherchent à lire les détails du relief qu’aucune ombre ne souligne. La taïga est un paysage paradoxal; à la fois d'une infinie monotonie et d'une beauté indicible. Et ces jours-blancs ne font que renforcer ce sentiment. A vrai dire, seul le report du point gps sur la carte, le soir, nous permet de constater notre progression.
Bivouac arctique
Avec des pulkas de plus de quarante kilos et une neige profonde et peu glissante, les efforts sont intenses. Bien que nous ne soyons habillés que d’un t-shirt laine, une polaire et la Gore-tex, ne pas transpirer est un véritable challenge. C'est pourtant un impératif car la sueur nous refroidirait très dangereusement. Cette gestion de l'effort nous maintient dans une concentration que seule l'arrivée au bivouac permet de relâcher. Une fois le site du camp choisi, généralement une demi-heure avant la nuit, nous enfilons rapidement les doudounes Béring et les chaussures Muskox.
Restent alors deux à trois longues heures d'activité. Damer avec les skis une surface portante pour la tente prend jusqu'à trois quarts d'heure. Le montage de notre tente Hilleberg Nallo 2GT est, quant à lui, largement ralenti par le risque de gelures aux mains qui ne permet pas de se passer des surmoufles plus d'une ou deux minutes. Deux arceaux par fourreau, 3 fourreaux, plus de vingt points haubanage et autant d'ancres à neige à ensevelir, … cette tente offre un abri à toute épreuve mais nécessite un peu de temps. Une fois ceci fait, il faut installer la toile aluminisée au sol, gonfler les matelas Thermarest NeoAir X-therm. Pendant que Fanny achève d'installer le couchage j'attaque la corvée d'eau. Entendez par là que je fais tourner, robinets grands ouverts, les deux réchauds essence Primus Omnilite-ti et fait fondre la neige pour préparer nos lyophilisés et thés du soir et remplir nos six thermos Primus pour le lendemain. Entre une heure et heure et demie, c'est le temps nécessaire pour produire les précieux 7,5 litres quotidiens. Le risque d'incendie et la condensation inouïe que produisent les réchauds nous font préférer réaliser cette opération à l'extérieur, dans une fosse creusée dans la neige, offrant un abri relatif du vent. Si l'opération se fait dans un relatif inconfort, le spectacle inoubliable des lunes arctiques ou la magie des aurores dansant au firmament le compensent largement.
Quand le thermomètre plonge
Quatrième jour, le ciel se dégage enfin et dévoile, à l’Est, l’alignement des tunturis du Parc national de Pallas-Yllästunturi. Ces sommets arrondis, polis par les glaciations constituent le seul relief de l’immensité lapone. Le soleil fait naître un nouveau paysage où le blanc des sommets dénudés étincelle. Le vert des aiguilles de pins se mêle à l’orange des écorces, le blanc de la neige fait écho à celui des bouleaux. Mille et un détails se dévoilent à nous, les barbes de Jupiter, ces longs lichens sombres qui pendent aux branches et qu'agite la brise, les traces des animaux – élan, renard, tétras, glouton, … – sortis de leurs abris, les arabesques de la glaces des petits lacs que nous traversons …
Avec la disparition du couvert nuageux le thermomètre plonge et marque, en journée, un bon -30°C. Aussi étonnant que cela puisse paraître, un monde sépare la vie par -20°C de celle par moins trente. Avec ces dernières températures, la gestion du quotidien devient plus complexe. Tout, hommes et matériel, se couvre du givre en permanence. La respiration ensevelit capuches et fermetures éclair des vestes et doudounes dans une gangue de glace qu'il faut régulièrement brosser. La brosse devient l'instrument le plus indispensable, notamment au matin, quand la respiration nocturne à transformé le plafond de la tente en palais de givre. Il faut alors délicatement extraire les sacs de couchage pour leur éviter d'être humidifiés puis brosser ce givre pour l'empêcher de se transformer en glace qui rendrait la manipulation de la tente impossible. La brosse s'active également sur les peaux des skis, autour des réchauds nimbés de vapeurs aussitôt figées en concrétions immaculées, sur les pulkas aux harnais rigidifiés, …
Le chant du lagopède
Cinquième jour dans le Parc national de Pallas-Yllästunturi. Le paysage se referme en une taïga arbustive assez dense. Peupliers trembles et saules laissent à penser que nous avons rejoint le lit d'un cours d'eau. Le soleil est toujours radieux, nous savourons la progression dans sa lumière dorée. La faune reste invisible et hormis un grand tétras aperçu dans le fracas d'un envol maladroit seules les traces dans la neige confirme que la taïga est vivante. Le seigneur des lieux, l'ours brun, dort actuellement dans un gîte dont lui seul a le secret, anfractuosité de rocher, creux au pied d'un arbre renversé, … Mais loup, lynx et gloutons, bien que rares, pourraient nous surprendre à chaque virage. Nous scrutons chaque recoin, mais en vain et le croassement d'un grand corbeau nous rappelle à notre itinéraire. Celui-ci devient moins évident. Nous perdons de vue l'alignement des tunturis, zigzaguons à la recherche de notre chemin. A droite ou à gauche ? A gauche … Erreur, nous voilà dans un bois dense. Les pentes se font raides, la neige profonde, très profonde et peu portante. 2 heures, voilà deux heures que nous nous entêtons dans notre erreur. Deux heures pour parcourir … 750 mètres. Nous retrouvons la lisière de la forêt, le soleil descend sur l'horizon, il est temps de dresser le camp; ce bosquet fera l'affaire. Avec la fin de la journée, le thermomètre plonge de plus belle et nous regagnons avec bonheur notre duvet. Dehors, à quelques mètres à peine, le chant d'un lagopède des saules nous fait mesurer combien cette faune arctique est adaptée et combien nous sommes fragiles dans cet univers.
Premières gelures
-37°C. Oui, moins trente sept sous tente. Et pour la première fois nous avons atteint les limites de notre matériel. Un second matelas aurait été nécessaire pour nous isoler et nous éviter de devoir s'activer toutes les heures pour se réchauffer. Une nuit peu reposante et la fatigue étant mauvaise conseillère nous avons commis quelques erreurs lors de notre sortie “d'hygiène” nocturne. Bilan ? Quelques doigts et orteils gelés. Des gelures au premier et second degré, rien de dramatique ni qui nous empêche de savourer cette magnifique sixième journée qui s'achève par la traversée d'un lac qui se jette dans la mythique rivière Muonio. Mais le vent se lève. La météo annonce une dégradation pour la fin de journée et surtout la nuit avec un maintien de ces températures et un vent jusqu'à force 8. La température ressentie pourrait atteindre les -55°C ! Notre itinéraire de la journée nous permet de nous rapprocher d'un axe routier. Nous décidons alors de renoncer à notre dernière demi-journée et de rentrer avec, plus que jamais, l'idée d'aller titiller prochainement le Haut Arctique Canadien.
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Informations pratiques
Créé en 2005 le Parc national de Pallas-Yllästunturi est le troisième plus grand parc national finlandais. Situé à 68° de latitude Nord, il préserve des milieux naturels sub-arctiques, avec des paysages de toundra rase (lichens, …), de taïga arborescente (pins, épicéas) et arbustive (bouleaux, trembles, …) ainsi que d’importantes tourbières et lacs.
Faune
Le Parc national de Pallas-Yllästunturi abrite une faune très rare et discrète. Si l'ours est indéniablement la vedette, seul le recours à un affût organisé vous offre quelque chance de l'observer… en été bien sûr. Quant aux loups, lynx et gloutons, pygargue, tétras et lagopède, ne comptez que sur le temps, la chance et un regard aiguisé pour espérer voir l'un d'eux. Élans, lièvres, écureuils et martres seront d'observation plus facile tandis que, côté oiseaux, vous observerez le grand corbeau, les mésanges (bleues, noires, huppées, charbonnières et lapones), les tarins des aulnes, sizerins, bouvreuils, becs croisés, grives et pics.
Formalités
La Finlande est membre de la communauté européenne, une simple carte d’identité vous permet de vous y rendre si vous êtes ressortissant de l’UE. Situé en zone euro, vous pourrez constater avec plus de facilité les écarts de niveau de vie avec la France. Le jokamiehenoikeus – droit fondamental de chacun à pouvoir se déplacer à pied partout dans la nature, bivouaquer et se nourrir de baies, … – s’applique au cœur du Parc National mais il est important de consulter la réglementation spécifique mise en place pour protéger ces milieux naturels et la faune très fragiles.
Accès
Le parc national est accessible par le réseau ferroviaire finlandais, quotidiennement via Helsinki et Rovaniemi. De là, des navettes desservent Kittilä, Muonio, Hetta et Ylläs par bus.
L'aéroport le plus proche est Kittilä avec des vols par Finavia.
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Quand y aller ?
Voyage réalisé fin février pour bénéficier d’une durée de jour acceptable et profiter du temps frais … Les conditions de neige s'améliorent en mars avec une neige qui offre plus de cohésion.
Sécurité-santé
L’accès facile au Parc national de Pallas-Yllästunturi ne doit pas masquer la réalité de l’aventure. Sitôt sorti du camp, on est en zone arctique. Météo et froids extrêmes se conjuguent pour offrir des conditions qui peuvent rapidement tourner au cauchemar, voire pire. Les risques sont ici ceux régulièrement recensés dans les zones froides : Hypothermie, engelures. Leurs causes peuvent être un passage à l’eau sur une couche de glace trop fine, un abri qui s’envole ou une tente qui se déchire, … Tout doit être minutieusement préparé en amont : Itinéraire, plans B, évacuation, maîtrise des techniques de base de soins et survie au froid. Sur place tout doit être rassemblé pour affronter ces conditions : Matériel d’expédition, kits de réparation, moyens de communication, …
On peut rappeler qu’un des dangers majeurs en expédition froide est … le réchaud. Erreur de manipulation, tente qui prend feu, …
Avec qui partir, préparer son voyage
Voyage réalisé en autonomie. Nous avons fait le choix de passer quelques nuit au camp de Rajamaa. Une excellente adresse pour mettre en place les derniers préparatifs, recueillir les informations de terrain des guides locaux, … et déguster l'excellente cuisine locale. Lars et Kaisu sont les chaleureux propriétaires. Passionnés par leur magnifique territoire, ils sauront vous guider dans votre projet. Vous pourrez même profiter de l'occasion pour faire un tour avec les huskies d'Anna.