J’ai consacré mon été 2022 à une découverte approfondie des Pyrénées que j’ai rejoint à vélo depuis le Jura. Cette randonnée de 4 jours de Parzan à Bénasque est un petit bout de ma traversée des Pyrénées.
Jour 1 : De Parzan à la cabane de la montagne de la Plagne
+ 1240 m / – 150 m 12.9 km Aucune difficultéRien ne manque pour reprendre des forces ou poser une auto à Parzan, vastes parkings, restaurants, 3 supermercados… Je me charge pour 4 jours et pars de Parzan vers midi. Je marche d’abord sur la nationale avant de prendre une piste carrossable à droite, qui mène jusqu’à une petite retenue et une usine hydroélectrique. Jusque là, rien de très passionnant. Je surveille ensuite correctement ma carte, je dois quitter le GR11 dans la troisième épingle après la retenue d’Urdiceto et prendre la direction du Port d’Ourdissétou à 2403 m. La fin est raide et les nuages noirs s’amoncellent sur l’autre versant (celui où je vais). J’entends gronder, autant dire que je mets un peu le turbo.
J’ai repéré une cabane sur la carte mais ne sais même pas si elle sera ouverte et/ou occupée par un berger. Qui ne tente rien n’a rien… À ce col, je bascule côté français sur le bassin versant de Saint Lary Soulan. Je coupe ensuite en mode sanglier, le plus rapidement possible vers la cabane que je devine occupée. En effet, le berger, Gilles, est là, et m’indique une partie de la cabane dévolue aux randonneurs de passage. N’étant sur aucun GR ni sentier balisé, et vu les conditions météo, je peux espérer y passer une nuit tranquille. Le temps de me dessaper à triple vitesse, ma toilette faite dans le ruisseau, je rentre dare-dare alors que les premières gouttes s’écrasent, lourdes et serrées. J’ai encore eu de la chance aujourd’hui ! La cabane est sommaire mais c’est du grand luxe pour moi, et j’y suis seule.
Jour 2 : De la cabane de la montagne de la Plagne à la cabane Prat Caseneuve
+ 1485 m / – 1685 m 20 km Hors sentier sans difficulté technique puis sentier. Fin moins roulante.Je commence ma journée aux aurores car des orages violents sont annoncés dès le milieu d’après-midi. J’entame droit dans le pentu en mode sanglier derrière la cabane pour rejoindre la crête frontière au niveau du plan (ou Port) de Rioumajou à 2524 m. Je longe cette crête, toujours en hors sentier, passe par le Tuca Montarruego puis par une sente, dépasse le Pena Castillon par l’ouest. Je descends ensuite dans la Valle de Chistau. Une fois dans le fond, je prends vers le sud et le refuge de Tabernés, puis le refuge de Viados, retrouvant ici le GR11.
Je remonte alors le Barranco de Anes Cruces, laisse le GR11 filer à droite tandis que je me lance dans la rude montée qui aboutit au col frontière Puerto Viejo o de Auguas tuertas, à 2681 m. Le vallon d’Aygues Tortes est superbe, le début de la descente nécessite de l’attention mais je peux ensuite me laisser aller et allonger la foulée. Je m’arrête à la cabane de Prat Caseneuve à 2045 m, prends un bout d’orage sur le dos alors que je suis en train de m’essuyer après ma toilette à la source à 100 mètres de la cabane. Les bergers Louis et Alisson n’ont qu’un minuscule espace privé et doivent partager leur quotidien avec les randonneurs, les pêcheurs, les fêtards parfois… Dans la soirée, un violent orage éclate, les impacts tout proches font trembler trois fois la maisonnette en pierre, les bourrasques sont impressionnantes et je suis bien contente d’être à l’abri encore ce soir. Alisson, veillant à ce que les brebis restent dans le secteur prend une décharge électrique sans gravité.
Jour 3 : De la cabane Prat Caseneuve à un petit lac à 2610 m sous le collado de la Paul
+ 1610 m / – 1065 m 11 km Difficile, technique.Ce matin le ciel est dégagé mais les orages sont annoncés à partir de la mi journée donc c’est encore un départ bien matinal. Mon itinéraire monte d’abord au magnifique lac de Pouchergues où quelques pêcheurs taquinent la truite.
Je longe le lac par le nord-est, le terrain est difficile et j’avance lentement. Je suis la sente comme je peux, qui monte de manière très, très raide. Il faudra même un moment faire quelques pas d’escalade dans une partie éclaboussée et donc bien glissante. Il ne s’agit en aucun cas de se louper, la vigilance est de mise. Une fois passé ce pas délicat, la montée jusqu’au lac de Clarabide est moins difficile. Mais au dessus de ma tête, la pente se redresse, et je ne vois qu’un chaos de gros blocs dans lequel il va falloir trouver un cheminement. Je ne croise absolument personne, autant dire que si je me vautre, les vautours seront ravis. J’atteins cependant le Port de Gias assez vite avec parfois l’aide des mains, et constate avec soulagement que le versant opposé sera plus facilement négociable bien que restant difficile. Si des orages n’avaient pas été annoncés si tôt dans la journée, j’aurais fait l’aller retour jusqu’au sommet des Gours Blancs… Mais je descends, je laisse d’abord un lac sur ma gauche et par une sente chronophage, arrive vers midi au refuge d’Estos. Je me renseigne sur la suite de mon parcours auprès du gardien, qui après m’avoir toisée des pieds à la tête, a l’air de décider sans rien me demander de plus, que cet itinéraire n’est pas pour moi ! Soit ! Rien de tel pour exacerber ma motivation. Le ciel est déjà noir mais je décide de poursuivre.
La sente qui va en direction du Collado de la Paul n’est pas toujours bien marquée et je suis attentive toujours à ma position. Quelques gouttes me font sortir le poncho. J’ai repéré sur la carte un petit lac et un plat, j’espère pouvoir y passer la nuit. Le vallon n’est que caillasse. Je finis par arriver sur le plat convoité et constate qu’il y a des emplacements de bivouacs, avec des murs de protection contre le vent, qui d’ailleurs s’est bien levé. Je monte ma tente très vite. Une chose de faite, me voici à l’abri, je laisse passer la première averse puis pars chercher de l’eau au lac qui est… à sec ! Ce sera un bivouac avec un seul litre d’eau. Je tenterai bien d’en récupérer alors que les averses orageuses se succèdent, sans grand succès. Ceci dit, je me sens bien là où je suis, espèce de sauvage !
Jour 4 : Du petit lac à 2610 m sous le collado de la Paul à Benasque
+ 720 m / – 2100 m 18.5 km Hors sentier facile. Navigation.La montée au collado de la Paul à 3034 m dans la caillasse ne pose aucun problème, une sente et des cairns permettent d’arriver facilement au col. Etre totalement seule dans cet univers complètement minéral juste sous le sommet de Posets à 3368 m (Donc un des plus haut des Pyrénées, dans le Parc national Posets-Maladeta) est un fort bon moment. Le ciel est bleu, comme toujours en début de journée, la vue porte très loin. Je profite de ces moments où m’envahissent toujours les sentiments intenses et jouissifs de petitesse, de vulnérabilité, de fragilité, de n’être rien dans cette immensité, à la merci des éléments. Humilité. Malgré mon attention, je perds rapidement la trace et les cairns (existent-ils ?), et effectue donc la descente en navigation à la carte et à vue, avec pour objectif de rejoindre des lacs dont celui de Eriste à 2400 m.
Je retrouve à cet endroit un sentier balisé qui passe par le collado de la Plana à 2703 m, puis les lacs de Batisielles. Le secteur est truffé de plans d’eau tous plus somptueux les uns que les autres dont la couleur présente un contraste profond dans ce paysage très minéral. Je rejoins encore plus bas le val d’Estos, passe devant la cabane Santa Ana et atterris sur la route principale au nord de Benasque au niveau d’un nid de terrains de camping. Un sentier permet d’éviter de marcher sur la route pour descendre jusqu’à Benasque si besoin.
Veuillez toujours rester vigilants à être discrets en montagne, quelques soient les circonstances. Nous, humains, sommes des intrus de passage, la montagne n’est pas un parc d’attractions. Merci.
Après 16 ans passés dans l’industrie à rêver d’être dehors, m’y voila. Cela fait 18 ans que je suis accompagnatrice en montagne et que je partage mon temps entre cette activité et des voyages au long cours à vélo, à pied, à skis… Je suis également auteure.
Bonjour Nathalie
Bravo pour ce superbe périple dans les Pyrénées, beau, mais physique tout de même.
Je suis en train de parcourir ton site et pour faire simple, je dirais : respect !
Que de belles aventures (pas toujours simple), de belles rencontres probablement et de souvenirs…
Merci pour tous ces partages.
Merci beaucoup ! Un épisode encore reste à venir.