C’est avec mes amis Danaelle et Patrick que je pars en Autriche pour cinq jours de raid en splitboard dans le massif de la Silvretta, à la frontière entre l’Autriche et la Suisse. Décollage d’Annecy à 8:30 après un dernier café chez Pat en chargeant sa Tesla. La route se passe super bien et nous arrivons à notre hôtel à Zams en fin d’après-midi. Le départ de notre raid se trouve à 40 minutes de route, à Ischgl, mais c’est une station très huppée et nous n’avions pas trouvé une nuit d’hôtel à moins de 500€, nous avions donc décidé de loger plus bas dans la vallée. L’hôtel Jagerhöf est une merveille, le spa est immense et hyper propre, et on y mange très bien.
J1. Montée au refuge Heidelberger Hütte (2264m)
+ 810 m / – 0 m 13 kmNous profitons du gargantuesque et délicieux petit-déjeuner de notre hôtel pendant un moment, tout en discutant du réchauffement climatique et de son impact sur nos montagnes. Après quoi nous effectuons les 40 minutes de route pour monter à Ischgl que nous prenons le temps de visiter rapidement et d’y boire un café.
Le temps passe et il nous faut maintenant nous préparer. Nous enfilons nos tenues de snowboard de randonnée, et nous voilà partis en direction du refuge Heidelberger Hütte. La montée au refuge est longue, très longue. 13 kilomètres pour à peine plus de 800 mètres de dénivelé, autant dire que c’est quasi plat. De plus, la moitié de l’itinéraire longe les pistes de la station, tantôt dessus, tantôt à proximité immédiate. Personnellement je n’en vois pas le bout. Et avec nos sacs à dos chargés de matos, de nourriture, plus nos fioles de génépi et nos crocos Haribo, cette montée est une purge. Le temps se couvre au fur et à mesure de notre montée. Au refuge, nous sommes accueillis par une des charmantes gardiennes, il y fait chaud et la bière coule à flot, ajouter à cela que nous avons un dortoir de quatre seulement pour nous trois et qu’il y a un sauna, notre peine est vite oubliée.
Nous prenons donc possession de nos quartiers, allégeons tout de suite nos sacs à dos pour le lendemain même s’il n’y a pas d’urgence mais ça nous fait du bien psychologiquement, puis allons nous prendre une bonne douche chaude revigorante (2€/3min). S’en suivent de nombreuses discussions matos, équipements, itinéraires du lendemain dans la salle commune avec quelques pintes avant que le superbe dîner ne soit servi, avec amuse-bouche avant l’entrée et la chef qui vient nous saluer. Décidément, quel luxe dans ce refuge !
J2. Lareinferner Spitze (3009m)
+ 1150 m / – 1150 m 9 kmLe BERA suisse annonce un risque 3. Et un risque 3 en Suisse est à prendre avec encore plus de sérieux qu’un risque 3 en France. Nous décidons donc de partir vers le Lareinferner Spitze, un joli sommet culminant à 3009 mètres d’altitude, avec une voie normale côtée à seulement 2.2 et ne contenant que très peu de courts passages à plus de 30°. Parfait pour une journée risque 3 après des chutes de neige ventées.
Nous trouvons rapidement le topo sur Whympr et rendons les cartes hors ligne car le réseau ici n’est pas très sûr. Le cheminement pour monter au sommet n’est vraiment pas compliqué : il suffit de suivre le ruisseau qui se trouve à une centaine de mètres de distance sous le refuge en allant vers l’Ouest jusqu’à l’altitude 2720m, puis de bifurquer à gauche vers le Sud sur une rampe suspendue évidente avant de rebifurquer vers la droite au Nord-Ouest pour atteindre le sommet. L’itinéraire est bien visible depuis le refuge, nous sommes donc confiants même s’il est vierge de trace.
Une fois au sommet, nous descendons en face Sud jusqu’au col Lareinfernerjoch, puis du col sur le glacier Lareinferner vers le Nord. La neige est toute poudre et nous sommes seuls au monde !
Nous arrêtons notre descente vers 2400 mètres lorsque la pente s’estompe, puis nous remettons les peaux pour remonter environ 400 mètres de dénivelé positif que je trace une nouvelle fois afin de remonter vers le col Heidelberger Scharte.
Enfin, nous redescendons vers le refuge, encore une fois dans la poudreuse vierge, où nous retrouvons un peu de civilisation.
Il est assez tôt, 14:00.. trop tôt pour la bière. Alors nous faisons quelques révisions d’exercices de sauvetage en crevasse. Cela ne nous fait pas de mal car Pat et moi encadrons un stage dans quelques jours. Presque deux heures se passent, en statique, et nous sentons bien le mordant du froid, alors nous rentrons à l’intérieur pour notre rituel de fin d’aprés-midi : douche et apéro.
J3. Spi d’Ursanna (2898 m) et Fuor Larein (2768 m)
+ 1400 m / – 1400 m 13,5 kmEncore une fois le petit-déjeuner n’a pas son pareil dans un refuge. Nous sommes remplis de force pour partir en rando.
Nous avions en objectif le Piz Mottana, qui se trouve à proximité derrière le refuge, nous nous dirigeons donc vers lui. Une fois en visuel, nous nous rendons compte qu’il y a peu de neige sur la face et qu’elle sera mauvaise, on se dirige donc vers le Spi d’Ursanna. Une fois là haut, un couloir raide s’offre à nous, mais pas mal de rochers affleurent et nous dissuadent de nous y aventurer. Nous rebroussons donc chemin vers le refuge pour y déjeuner. Autant manger au chaud, parce que ce vallon est clairement un congélo.
Une demi-heure plus tard nous revoilà partis en versant Est comme hier, là où nous sommes sûrs que la neige est bonne. Notre objectif, après une longue discussion car nous hésitons avec le col Ritzenjoch, est le Fuor Larein face Est. Au pire si on ne le sent pas, on pourra toujours bifurquer vers le col.
Encore une fois je fais la trace dans la neige fraîche, j’adore ça et les copains le savent, alors ils me laissent faire. Arrivés au point de décision, nous sondons la neige. 20 cm de neige poudreuse récente, sur 60 à 80 cm de neige compact avec quelques couches fragiles de faible épaisseur, le tout poser sur une vingtaine de cm de gobelets. Ok si ça part, ça part gros jusqu’au sol. La face Est du Fuor Larein est à 45°, nous décidons sagement d’aller au col par ses pentes à 30°, avec juste un petit passage à 35.
Une fois au col, nous avons quand même envie d’aller au sommet du Fuor Larein, nous laissons les splitboards au col et y allons à pied via la large arête rocheuse. Du sommet, nous avons un visuel sur la face initialement prévue et elle ne nous fait pas du tout envie. Par contre, une autre face, moins raide orientée Nord-Est nous semble safe. Ahhh la lecture de carte suisse ! Nous retournons donc au col chercher nos splitboards, pour remonter sur le sommet.
Une belle descente s’offre à nous, nous y allons un par un pour le début car la pente est forte. C’est tout poudre c’est génial ! Zéro trace, nous sommes heureux comme des enfants à Noël ! 500 mètres de poudreuse vierge, et une arrivée sur le chemin qui monte au refuge, le top !
Retour facile en une vingtaine de minutes pour un bon sauna que nous avions réservé le matin même. Perso le luxe des refuges autrichiens, j’adore ! Fin de soirée habituelle avec bière repas et jeux de cartes, entre autre préparation de la course du lendemain qui nous mènera au refuge non gardé Jamtalhütte.
J4. Heidelberger Hütte – Zahnjoch (2944m) – Jamtalhütte
+ 1275 m / – 1380 m 13,3 kmAujourd’hui nous quittons le refuge Heidelberger Hütte pour aller passer la nuit dans un autre refuge, non gardé celui-ci, le Jamtalhütte dans un autre vallon. Pour cela, il nous faut passer le col Zahnjoch. La montée se fait très facilement malgré qu’il n’y ait aucune trace. Nous sommes vraiment étonnés de voir qu’il y a de la si bonne neige sur ce versant Est et que personne n’y va. Pourtant le refuge parait complet avec ses 150 couchages.
Arrivés au col, nous descendons de quelques mètres afin d’être au soleil et à l’abris du vent pour switcher nos splitboards du mode montée au mode descente, car il fait vraiment très froid. Le début de la descente vers le refuge Jamtalhütte est correct, mais très vite la pente manque. Nous devons déchausser et rechausser nos snowboards à de nombreuses reprises.
Arrivés au refuge, arrivent 4 allemands juste dernière nous. Nous ne serons pas seuls. Nous mangeons un bout, déposons du matériel, puis nous repartons vers le col du glacier Unterer Augstenferner, mais en cours de route, nous trouvons que notre objectif se trouve loin par rapport au dénivelé positif, et nous avons envie de davantage de pente. Nous changeons donc de plan pour aller vers une bosse sans nom culminant à 2700 mètres d’altitude. La neige est profonde, et nous laissons beaucoup d’énergie à la montée en faisant la trace. Perdu dans mes pensées, je me dis que ça fait trois jours qu’on trace à la montée et à la descente. C’est quand même génial !
À la descente, comme prévu la neige est excellente ! Chaque virage augmente la banane sur nos visages. Quelques sessions photos, puis nous sommes rapidement de retour au refuge. Le feu a été démarré par les 4 allemands qui sont aussi repartis faire un tour, mais la température intérieure n’a pas encore eu le temps de vraiment monter. Petit temps de rangement et d’installation que nos compagnons du soir sont de retour.
J5. Chalaus Joch (3000m) puis retour à Ischgl
+ 900 m / – 1510 m 18,8 kmAprès une nuit assez moyenne pour nous trois, et un petit-déjeuner plus que sommaire, nous voilà partis en suivant les traces de la veille de nos 4 compagnons de chambrée. Une succession de bosses et de traversées jusqu’à la fin de leur trace, puis nous poursuivons sur le glacier Chalausferner en pente douce au soleil jusqu’à la dernière pente plus raide et dans l’ombre.
À une dizaine de mètres du sommet de cette pente, nous laissons nos splitboards car cela devient trop raide et en rocher. Nous finissons donc piolet à la main en escaladant. Le rocher est bien délité et ce n’est pas évident, d’autant plus qu’il fait très froid. Le col sorti, nous retrouvons le soleil et admirons un panorama grandiose avec le Mont Rose au lointain. Instant photo puis nous repartons.
Désescalade, nous chaussons nos snowboards et nous voilà les plus heureux à faire des courbes dans la poudreuse. Cette descente est particulièrement belle et longue, avec peu de points de décision, elle est donc très fluide et c’est très agréable.
Mais toute chose à une fin. Une fois en bas nous remettons les peaux pour quelques dizaines de mètres de dénivelé afin de retrouver le refuge. Il est midi, l’heure de nous restaurer. Enfin, nous récupérons nos affaires et redescendons dans la vallée à Galtür par un chemin damé. Chemin à peine descendant, c’est donc long et nous devons parfois marcher.
Arrivés à Galtür, nous avons de la chance, seulement deux minutes d’attente avant que la navette gratuite nous ramenant à Ischgl n’arrive. Petite bière dans un bar tendance à grosse musique techno autrichienne pour changer de décor, nous ramener à la réalité et sonner le clap de fin.
Photo-reporter outdoor, c’est dans les Alpes autour d’Annecy que je passe mon hiver en splitboard ; l’été mon côté globe-trotter m’amène à pratiquer la plongée sous-marine à travers le monde. Aux inter-saisons, trekking, VTT, bikepacking, paddle, alpinisme et via ferrata viennent compléter ma passion pour les grands espaces !