Je suis arrivé à Marrakech il y a trois jours pour découvrir les incontournables de la ville rouge. C’est mon dixième voyage au Maroc et le cinquième dans le désert marocain.
Il nous faudra 11h30 de trajet en minibus avec les pauses pour rejoindre le campement de l’agence locale Mélodie du Désert à 7 km à l’ouest de M’Hamid El Ghizlane, la porte du Sahara. Nous y arrivons alors que le soleil vient de se coucher derrière l’horizon.
Nous sommes un groupe de 8 voyageurs français et suisse. Nous partons nous coucher avec des rêves de Sahara…
Quelques photos sur le trajet entre Marrakech et M’Hamid.
J1 : Campement Mélodie du désert – Aïn Armte
+ 0 m/ – 19 m 14,8 km 4h00Il nous faut un peu de temps ainsi qu’à l’équipe chamelière pour nous préparer ce matin. Il est 9h15 quand nous quittons le campement. Nous marchons toute la matinée au milieu de petites dunes serties de tamaris, arbre typique des régions méditerranéennes.
Nous croisons quelques anciennes fondations de maisons nomades arabes. Les hommes bleus comme on aime les appeler. Elles sont assez récentes. Il faut dire que dans les années 60, le paysage était ici bien plus vert et le sable bien moins présent. A cause du réchauffement climatique ? Et bien non. La construction du barrage hydraulique en 1971 situé à environ 25 km au sud de Ouarzazate a asséché la zone. La région se désertifie, inexorablement.
Lentement, je m’installe dans le rythme lent de la caravane de dromadaires qui avance imperturbablement à l’amble. 6 dromadaires nous accompagne ainsi qu’une équipe marocaine : Bachir, le guide, Majoud et Hussain les chameliers, Youssef le cuisinier et Ali l’homme à tout faire de la team.
En début d’après-midi, nous arrivons au bivouac. Pendant que les chameliers montent le camp et que Youssef prépare la salade pour le déjeuner, nous buvons du thé à la menthe accompagné de quelques cacahuètes. Les discussions fusent à tout va, de çi de ça. De notre emplacement, nous observons aux jumelles (merci Fabrice pour avoir emporté une paire) des moineaux blancs, un pie-grièche méridional et des traquets halophiles.
Youssef vient nous servir la salade. On se régale comme des rois. Je suis toujours aussi surpris par la qualité des cuistots au Maroc. Ils savent faire des miracles.
Après le déjeuner, c’est l’appel de la sieste. Je ne m’y fais pas prier. Fabrice, AEM en vacances avec sa fille, passionné d’astronomie, est venu avec une lunette d’observation. Il nous offre l’opportunité d’observer le soleil dans sa lunette. Impressionnant, une première pour moi.
Puis, avant le coucher du soleil, petite balade entre les dunettes. Nous regardons le massif vers l’Algérie. Bachir nous explique qu’il y a 60 ans, la forêt de tamaris empêchait de voir les montagnes alentours. C’est dingue la vitesse à laquelle le désert se propage.
La soirée s’étale autour du feu jusque 23h30. Quel régal cette tagine au poulet !
J2 : Aïn Armte – Zmila
+ 24 m/ – 33 m 11 km 4h007h45. Excellente nuit à la belle étoile derrière un buisson pour me protéger d’un éventuel vent de sable. Il a dû faire 5°C au plus froid. Je suis resté bien au chaud dans mon sac de couchage RAB Ascent 500 que je teste. Repu aux voyages sahariens, je suis vite debout. Le reste du groupe met plus de temps à être prêt. Je ne le sais pas encore mais le rythme du groupe n’ira pas plus vite. Cela n’est pas plus mal. Inutile de se presser, le temps ne l’est pas dans le désert.
Nous petit-déjeunons au soleil. C’est hyper agréable un 24 décembre. Nous finissons pas quitter le bivouac vers 10h00 après avoir mis nos chèches ; direction la frontière algérienne plus au sud. La frontière est très largement visible, c’est un hamada qui sépare les deux pays.
Nous cheminons entre petites dunes et dépressions en terre sèche. Plus nous avançons plus les tamaris sont nombreux. Dès que je grimpe sur une petite dunette, je peux évaluer notre distance vers le prochain bivouac car Bachir m’a dit que nous dormions au pied de l’hamada.
En cours de chemin, les chameliers amassent du bois mort. Il le charge sur un dromadaire. Mais celui-ci n’apprécie guère. Il ralle et décide de rester assis. Les chameliers n’arrivent pas à le lever, encore moins à le faire marcher. Après quelques minutes de palabre, ils décident de le débattre puis de le recharger. Paris gagné, la caravane peut repartir.
Le terrain se fait de plus en plus sablonneux et les dunes un peu plus hautes. Nous zigzaguons dans un petit erg jusqu’à apercevoir un bosquet de tamaris près de l’hamada.
J’interromps l’écriture de mon carnet de voyage pour aller pisser. La couleur de mon urine est la même que le thé à la menthe. Je pourrais vous dire que j’en ai tellement bu que j’en pisse mais je pense plutôt que je n’ai pas assez bu d’eau.
Il est presque 14h00 lorsque nous arrivons sur le site du bivouac. Nous voyons sur les hauteurs de l’hamada une tente. Elle appartient à une ONG quatarienne qui protège l’outarde houbara selon Bachir. Derrière c’est l’Algérie. Les moineaux blancs et les traquets à tête blanche qui vont et viennent proche du bosquet n’ont que faire de ses frontières et de la politique des pays. Le rythme s’installe vraiment. Nouvelle sieste après le déjeuner. Puis vers 17h30, petite balade en direction des plus hautes dunes avec Christiane et Mylène. J’aime particulièrement ce moment où les ombres deviennent plus denses pour marquer les lignes des dunes. Nous profitons des derniers instants de soleil sur les dunes puis retournons au bivouac.
Il faut alors installer son bivouac pour la nuit, se changer car le froid s’installe. Je rejoins le feu. Javier, Bachir et Youssef sont déjà là. A chacun de mes voyages au Sahara, je constate que le feu aimante autant pour sa chaleur que pour ses vertus de sociabilité. Autour du feu, les langues se délient.
Ce soir, je photographie la lune et son magnifique disque ainsi que Vénus. Fabrice a également sorti son télescope. C’est vraiment passionnant d’observer les détails de la lune, ses cratères, ses mers… Le monde me paraît alors si petit face à l’immensité de notre galaxie.
Je pars me coucher des étoiles plein les yeux.
J3 : Zmila – Erg Zahar
+ 65 m/ – 69 m 13 km 4h00Aujourd’hui, c’est Noël. Je me réveille tôt pour rejoindre le sommet de l’hamada avant le lever du soleil. J’en profite pour appeler ma femme car le réseau téléphonique passe à cet endroit précis. Puis, j’attends que le soleil vienne déposer ses premiers rayons sur l’erg et le campement avant de rejoindre le groupe et prendre le petit-déjeuner au soleil. Je ne vous ai pas encore dit ce que nous déjeunions chaque matin. Thé, café ou chocolat avec du pain ou des crêpes ainsi que de la confiture, du miel, de la Vache qui Rit ou de la pâte à tartiner.
Comme les jours précédents, nous quittons le camp vers 10h00. Direction l’ouest en longeant l’hamada. A l’abri d’un tamaris, nous croisons un bidon et de l’eau. Il a été installé par l’ONG quatarienne pour offrir de l’eau à l’outarde Houbara et lui permettre de survivre dans ces rudes conditions climatiques. Bachir nous fait gravir l’hamada jusqu’aux ruines d’un ksar. Derrière l’hamada, il y a une autre vallée puis un autre hamada. Là c’est l’Algérie.
Nous croisons nos premiers pommiers de Sodome, le Calotropis procera. Ils ne sont pas en fleur. Son latex blanc est un poison et présente si on l’ingère de graves problèmes cardiotoxiques. Il peut toutefois servir à nettoyer les plaies des dromadaires. Tout n’est pas blanc ou noir, y compris au royaume du Calotropis procera.
L’erg Zahar est en vue. Il semble proche et pourtant nous mettrons deux heures pour le rejoindre. Nous cheminons entre les dunes qui se font de plus en plus hautes. En plein midi, le sable semble presque d’un blanc immaculé. Je prends quelques photos. C’est presque irréel.
L’équipe chamelière installe le campement dans une petite dépression derrière une dune. Aucun arbre à l’horizon, ni tamaris ni acacia. Comme les jours précédents, nous déjeunons à 16h00. Mon estomac commence à s’y faire à cet horaire un peu décalé.
Peu après 17h00, nous partons gravir la dune du lion, appelé aussi la dune rugissante. C’est la plus haute de l’erg Zahar. Telle une procession divine, nous faisons son ascension en prenant soin de bien prendre la crête où le sable est plus dur. La lumière est dingue. Elle vient s’onduler sur les dunes telle une douce note de musique portée par le vent. Assis face au soleil, nous assistons à son coucher. A cette époque de l’année, il descend vraiment trop vite.
C’est déjà l’heure de retourner au campement. La descente sera bien plus rapide. C’est droit dans la pente. Courir dans le sable n’est pas sans rappeler les descente en raquettes à neige. Qu’est-ce que c’est fun. Pendant que la nuit s’installe, chacun vaque à ses occupations : un brin de toilette, montage de la tente ou de son bivouac à la belle étoile…
Comme les soirs précédents, le dîner a lieu dehors près du feu sous le regard du ciel étoilé qui scintille. Depuis quelques soirs, l’équipé réalise son pain dans le sable. Il est exquis, bien meilleur que le pain de M’Hamid.
Fabrice a sorti sa lunette d’astronomie et nous montre la lune, Saturne et Jupiter. J’ai l’impression qu’un nouveau voyage commence. Je me couche en regardant les étoiles. Je suis le capitaine Kirk et je pars explorer la Galaxie.
J4 : Erg Zahar – Ladihate
+ 24 m/ – 12 m 13,9 km 4h00Ce matin au crépuscule, je me lève pour assister au lever du soleil. Comme à chaque fois, j’ai l’impression que la vie renaît avec l’arrivée du jour. Les dromadaires finissent de manger le fourrage qu’un 4×4 est venu apporter hier soir et entame l’orge. Pour la première fois, le campement ne disposait pas de buissons pour nourrir les camélidés.
Nous quittons le camp en milieu de matinée. J’éprouve des difficultés à quitter l’erg Zahar. La nostalgie pointe déjà le bout de son nez. J’ai trouvé ici du réconfort dans les courbes parfaites des dunes. Je m’y sentais bien, en paix.
Puis, c’est le désert plat ou le plat désert. L’atmosphère change radicalement. Le paysage beau et reposant de l’erg Zahar a fait place à un désert plus rude, plus dur, plus austère. D’autant que le vent s’est levé. Nous avançons machinalement, le visage protégé par nos chèches.
L’arrivée au puits de Smar rompt la monotonie. Nous regardons les dromadaires avaler des dizaines de litre d’eau en une fraction de seconde. Nous reprenons la marche où de petite dunes font leur apparition. Le vent semble danser sur le sable. Il nous reste environ une demi-heure de marche avant d’arriver sur le lieu de bivouac. Les chameliers installent le camp à l’abri du vent. C’est bien là le principal. Second miracle : Youssef arrive à cuisiner une salade sans aucun grain de sable. Chapo l’artiste !
Le soir après le dîner, Hussain assure le show en jouant des percussions sur un bidon ; ça chante, ça danse autour du feu. Sacré soirée !
J5 : Ladihate – Oued Draa
+ 17 m/ – 0 m 12 km 3h45La nuit dernière a été la plus chaude. J’ai dû retirer mes chaussettes pour ne pas transpirer dans le sac de couchage. Sur la fin de la nuit, le vent est venu effleurer mes pieds annonçant une journée sous le signe d’éole.
Pendant que l’équipe démonte le camp, nous prenons le petit-déjeuner. Je prends toujours autant de plaisir à déguster les crêpes de Youssef le matin. La logistique du voyage est vraiment top.
Nous nous mettons en route un peu avant 10h00. Nous marchons vers le nord-est. Le vent s’est vraiment levé et nous fait face. Engoncé derrière nos chèches, on en prend plein les mirettes. Rapidement, mes oreilles sont pleine de sable, tout comme le visage et les poils des avants-bras. Aujourd’hui, Scott porte son masque de ski. Il a eu la bonne idée d’en emporter un.
L’ennui s’installe dans ce paysage hostile balayé par le vent. Sur ma gauche, un dromadaire solitaire semble nerveux. Il blatère comme un long gémissement. Nous nous approchons et découvrons au sol un jeune dromadaire né durant la nuit. Il est allongé, sans énergie, plus près de la mort que de la vie devant soi. Les chameliers lui donnent de l’huile. Suffisant pour survivre ? J’ai bien peur que non.
Cette rencontre me plonge dans une certaine mélancolie. Je remarque que les oiseaux ont déserté le désert depuis que le vent s’est levé. Ils doivent se tenir dans un bosquet bien à l’abri. La fin de cette semaine de randonnée dans le désert marocain approche et cela m’attriste. J’aime profondément le désert, esthétiquement parlant mais cela va bien au delà.
Nous arrivons au bivouac près de l’oued Draa complètement asséché à cause du barrage de Ouarzazate. L’équipe Mélodie du Désert monte les khaimas à l’abri du vent. L’après-midi s’étire entre lecture et écriture. Au Sahara, le temps passe différemment. J’aime cette sensation de distanciation temporelle.
Ce soir, une fois encore, nous regardons le ciel étoilé avant de nous plonger dans le sommeil.
J6 : Oued Draa – Campement Mélodie du Désert
+ 8 m/ – 0 m 4 km 1h00C’est déjà le dernier jour de cette randonnée dans le désert marocain. C’est étrange, je l’ai déjà dit, le temps s’écoule ici différemment. Tout est plus lent et pourtant la semaine a passé si vite. Une belle parenthèse enchantée.
Après à peine une heure de marche, nous nous disons au revoir. Inch Allah ( إِنْ شَاءَ ٱللَّٰ), on se reverra…
Informations pratiques
Comment s’y rendre ?
Vol international jusque Marrakech ou Ouarzazate. Mélodie du Désert organise des transferts en taxi ou minibus depuis ces deux villes jusqu’au campement à quelques kilomètres de M’Hamid.
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Avec qui partir ?
Cette randonnée a été organisée avec Mélodie du Désert, une agence marocaine basée à M’Hamid spécialisée dans les voyages à pied et en 4×4 dans le désert marocain. L’agence propose des départs toutes les semaines en saison. Karen, la cogérante est basée en France, et pourra répondre à toutes vos interrogations avant le voyage.
Quelle difficulté ?
La randonnée ne présente pas de difficultés particulières. Elle est accessible aux enfants.
Quand s’y rendre ?
L’été, il fait trop chaud au Sahara. La meilleure période s’étend de novembre à avril.
A lire
Smara, carnets de route d’un fou du désert : une œuvre majeure qui se déroule dans le sud marocain. Si la littérature saharienne vous intéresse, lisez notre article qui vous suggère 10 livres à lire au désert.
Fondateur d’I-Trekkings et des blogs I-Voyages et My Wildlife, j’apprécie le rythme lent de la marche et des activités outdoor non motorisés pour découvrir des territoires montagneux et désertiques, observer la faune sauvage et rencontrer les populations locales. Je marche aussi bien seul, qu’entre amis ou avec des agences françaises ou locales. J’accompagne également des voyages photo animaliers qui associent le plaisir d’être dans la nature et l’apprentissage ou le perfectionnement de la photographie animalière.
Super , Grégory, ce trek dans les dunes …. Personnellement , j’aime profondément le désert ….
Toujours avec Saïd , bien sûr !!!!
Déjà 9 voyages au Maroc , et sans se lasser ……
Merci pour tous tes récits , tellement intéressants .
Il est déjà bien loin , le temps de nos retrouvailles , avec Saïd et toi , Emilie … au refuge de Moëde , sur le chemin du tour des Fiz !!!
Belle continuation , et fais nous encore rêver …
C’est tellement varié le Maroc qu’on découvre toujours de nouveaux horizons. Et puis le désert, quand on aime, on ne rêve que d’y retourner…
C’est vrai que ça fait un bail maintenant notre voyage avec Saïd et notre rencontre dans les Fiz. A une prochaine peut-être…
Étrange l’existence, Grégory. Encore une fois, je me répète. Mon père disait : lorsqu.on le fait, c’est qu’on est vieux ! Tant pis ! Vos chroniques sont toujours extra bleues ciel ! Et comble de la surprise, j’écris depuis novembre dernier un roman de SF qui contient une partie dans l’antiquité, dans des déserts de la Méditerranée et des traversées en mer avec des Phéniciens. Votre journal tombe à point. Comme une bonne grappe de raisins que le soleil a aimés ! Vous êtes tout un aventurier ! Vous lire c’est entrer dans l’exploration et ouvrir une porte privilégiée sur notre planète (encore bleue ?). Un voyage de rêve dans cette zone désertique. Et ce petit dromadaire, a-t-il survécu ?
Merci Daniel. Ecrire un roman de SF, voilà une entreprise qui doit vous emmener voyager loin… C’est personnellement un genre de littérature qui m’a toujours fait rêver et je pense que si je voyage aujourd’hui, je le dois en partie à mes lectures de SF de jeunesse qui m’ont ouvert l’esprit vers un ailleurs.
Pas de nouvelles de ce jeune dromadaire 😖
Hors des sentiers battus.
Très intéressant.bravo
Très belle photos merci