Le GR®69 La Routo sur les traces de la transhumance
Le GR®69 La Routo est un sentier de Grande Randonnée transfrontalier créé en 2020 qui relie la plaine de la Crau dans les Bouches-du-Rhône à la vallée de la Stura en Italie en passant par les Alpes-de-Haute-Provence, soit 33 étapes au total pour 540 km de long et un dénivelé positif d’environ 17 500 m.
Le GR®69 La Routo n’est pas un GR comme les autres. Il emmène le randonneur sur les traces de la transhumance et du pastoralisme avec l’ambition de valoriser ces pratiques mal connues. Son itinéraire s’appuie sur les anciennes drailles et carraires de transhumance.
La sonnaille, la cloche attachée au collier des bêtes permettant de les repérer pendant la transhumance ou lors de l’estive, est le symbole du GR®69 La Routo. On la retrouve sur le balisage du sentier.
La vidéo de mes 3 jours sur le GR®69 La Routo dans la vallée de l’Ubaye
Avant de vous plonger dans les trois jours de mon récit sur le GR®69 La Routo dans la vallée de l’Ubaye, regardez la vidéo que j’ai réalisée.
Barcelonnette – La Condamine-Châtelard
+ 420 m / – 275 m 16,4 km Chambre d’hôtes La Condaminoise Chez VirginieJ’arrive à Barcelonnette la veille du départ de mes 3 jours à pied sur le GR®69 La Routo et je m’installe à l’hôtel Azteca situé dans le centre-ville historique. Resto dans le cœur de Barcelonnette avant de partir me coucher.
Je garde un excellent souvenir de la vallée de l’Ubaye et de mes 3 jours de randonnée sur le tour du Brec de Chambeyron. Et c’est en repensant à cette randonnée que je quitte Barcelonnette et ses maisons de style colonial construites au retour d’émigrants du Mexique.
Le sentier longe plus ou moins la rivière Ubaye qui prend sa source au lac Longet. C’est une rivière réputée pour l’eau-vive. Il y a quelques années, j’y avais d’ailleurs fait du rafting. Mais en ce début d’étape, ce sont les marnes noires de la vallée de l’Ubaye qui attirent irrésistiblement mon regard. Ces roches sédimentaires composées de calcaire, d’argile et de schiste se sont formées lors du Jurassique supérieur (-145 millions d’années) avant la création des Alpes.
Je traverse Faucon-de-Barcelonnette et sa tour de l’horloge du XVIe siècle puis je prends la direction de Jausiers où je m’arrête quelques instants à la Maison des produits de Pays. Si je n’ai pas encore croisé de troupeaux d’ovins, je découvre les produits à base de laine et les fromages des producteurs de la vallée issus du pastoralisme. A la sortie de Jausiers, pause pique-nique sur le bord de l’Ubaye.
Je reprends ma route. Le sentier grimpe un peu plus et s’éloigne de l’Ubaye pour rejoindre le hameau du Châtelard puis La Condamine-Châtelard, mon arrivée du jour.
Pour les sportifs qui trouveraient cette première journée un peu trop pépère, une alternative sportive et panoramique existe. Le sentier quitte Barcelonnette, rejoint le GR®56 et fait le tour du Grand Bérard (3046 m). 30,8 km, 1628 m D+ et 1475 m D- pour environ 10h30/11h00 de marche. Pour le coup, ça en fait une étape très costaud. Si cela vous intéresse, vous pouvez télécharger la trace GPS ici.
J’y rencontre Olivier Bonnet, ingénieur pastoral au CERPAM. On y évoque la transhumance et les bonnes attitudes que le randonneur doit avoir en croisant un troupeau et son chien de protection, le patou. Je vous invite à regarder la vidéo en début d’article à ce sujet. Hors caméra, nous avons aussi eu un échange passionnant sur le loup. Pour lui, les prélèvements de loups accordés par les préfets sont peu efficaces car en dehors du contexte d’une attaque de troupeau. Il est plus favorable à la position des chercheurs du réseau COADAPHT qui suggèrent que les éleveurs soient autorisés à défendre leurs troupeaux avec des tirs, sans avoir à attendre que se soient déjà déroulées plusieurs attaques (source). Selon lui, cela permettrait de diminuer les attaques et de voir la population de loups augmenter. Je suis pour la présence du loup en France. J’ai toujours pensé que la faune sauvage doit tenir une place importante dans l’écosystème. L’Homme ne doit pas se tenir au dessus de tout. Mais en même temps, je comprends tout à fait le désarroi des bergers et des éleveurs face aux attaques. Très honnêtement, je ne sais pas si la proposition du COADAPHT est réaliste et réalisable et quels impacts elle aurait si elle était mise en place un jour. Je maîtrise trop peu le sujet mais tuer un animal ne fait pas partie de mes valeurs. Et vous qu’en pensez-vous ?
La Condamine-Châtelard – Saint-Ours
+ 1060 m / – 555 m 12,3 km Auberge de Saint-OursPour cette seconde journée de randonnée sur le GR®69 La Routo, je ne tarde pas à quitter le fond de la vallée. Je passe le pont qui enjambe l’Ubaye et entame plus de 800 m de dénivelé positif en forêt, le plus souvent sur des portions raides. Quelques trouées permettent de profiter du paysage et notamment du Fort de Tournoux composé de plusieurs édifices s’échelonnant sur 700 mètres de dénivelé.
En atteignant le sentier en balcon qui passe sous la Crête de la Silve, elle-même sous la Tête de Siguret (3032 m), je croise plusieurs indices de la présence de chamois et d’écureuil roux.
Le sentier redescend sur l’autre versant par le bois de la Silve. A 1729 m, près d’une fontaine, un banc m’appelle pour la pause du pique-nique. La grimpette de la matinée, bien qu’à la fraîche, n’était pas anodine. Une fois l’estomac plein, je rejoins Meyronnes dominé par la tour carré de son Eglise. Le hameau de Saint-Ours n’est plus très loin. Sur le chemin, je croise mes premiers moutons. Les brebis sont redescendues d’estive accompagnées de leurs agnelets. Je prends soin de m’écarter du troupeau pour éviter de leur faire peur puis poursuis jusqu’à Saint-Ours. Le hameau porte le nom du Saint Patron du Val d’Aoste. Je tombe littéralement sous le charme de l’environnement qui entoure la chapelle Saint-Ours dite du Vieux Saint-Ours, puis je m’installe à l’auberge Saint-Ours, d’abord pour boire une Sauvage, la bière bio artisanale produite dans la vallée de l’Ubaye. Si les chambres de l’auberge sont modestes, le dîner était excellent et l’accueil tout autant.
La transhumance du latin trans, « au-delà », et humus, « terre », désigne les migrations saisonnières des grands troupeaux ovins, bovins, caprins et équins. Cette pratique ne date pas d’hier. Dès le XVième siècle et peut-être même avant, les troupeaux quittaient les plaines appauvries de la Provence pour rejoindre les alpages de la vallée de la Stura dans le Piémont en Italie.
Il pouvait y avoir jusqu’à 60 000 brebis qui transhumaient des plaines de Crau vers le Piémont. Saviez-vous d’ailleurs que de nombreux éleveurs installés aujourd’hui en basse Provence sont originaires du Piémont et plus particulièrement de la vallée de la Stura ?
Aujourd’hui, les troupeaux transhument par camion mais la pratique se perpétue dans les territoires montagnards et méditerranéens.
Plus d’informations sur transhumance : www.transhumance.org
Saint-Ours – Larche
+ 325 m / – 425 m 7 kmDepuis que je suis dans la vallée de l’Ubaye, les prévisions météorologiques annoncaient du mauvais temps. Il fallait bien qu’il arrive… C’est donc sous un ciel gris que je quitte Saint-Ours. Direction Larche. Le sentier s’élève jusqu’au fort de Saint-Ours Haut. Cet ouvrage de la ligne Maginot comprenait 5 blocs de combats, 5 cloches cuirassées, 4 mortiers, 5 créneaux de mitrailleuses jumelées et un équipage d’environ 240 hommes. Je ne verrais que l’extérieur mais son réseau de galerie souterrain se visite.
Alors que les nuages jouent avec la cime des montagnes tels deux danseurs qui s’attirent et se détestent à la fois, je reprends mon chemin sur le GR®69 La Routo. J’atteins la batterie de Mallemort située sur le plateau éponyme en dessous de la batterie de Viraysse (2238 m) complètement sous les nuages. Construite entre 1884 et 1886, elle servait à protéger le col de Larche. Aujourd’hui, le site est privé et son accès est interdit. Il n’empêche, cette forteresse pour hobbit un peu ermite est pleine de charme.
Sur le plateau de Mallemort, des marmottes crient à notre arrivée. A l’extrémité du plateau, un troupeau de moutons remontent une draille sous la crête de Roir Alpe en direction du col de Mallemort. Les collets s’activent à diriger le troupeau sous les consignes du berger tandis que le patou suit tranquillement le troupeau puisqu’aucun danger ne le menace. Je me pose sur un petit promontoire pour les observer de loin.
Pour ma part, j’abandonne l’idée de rejoindre le col de Larche devant la météo qui se dégrade. C’est dommage j’aurais bien mis un bout d’orteil en Italie. Saviez-vous que pour les italiens le col de Larche était le col de la Madalena ? Au-delà du col, le GR®69 La Routo se poursuit dans le Piémont italien… Et si les transhumances pédestres d’antan n’ont plus lieu, elles se poursuivent bien aujourd’hui par voie de route, entre Piémont et Provence, par le col de Larche.
Informations pratiques
Comment s’y rendre ?
En transport en commun, accès en train jusque Gap ou Aix en Provence puis bus du réseau Zou!.
Topo-guides et cartes IGN
Si vous ne souhaitez vous engager que sur ces 3 jours du GR®69 La Routo, je vous conseille de prendre avec vous la carte IGN 3538 ET Aiguille de Chambeyron ou de télécharger la trace GPS en haut de l’article. Vous pouvez aussi télécharger la trace GPS du GR69 La Routo sur les 15 jours de marche dans les Alpes-de-Haut-Provence.
Transport des bagages
Vous souhaitez randonner léger ? Sherpa Ubaye pourra vous organiser cela. Contactez Gilles Adamek au 06 88 68 06 41.
Plus d’informations
- Sur l’Ubaye : ubaye.com
- Sur les Alpes-de-Haute-Provence : tourisme-alpes-haute-provence.com
- Sur le GR®69 La Routo : larouto.eu et la brochure sur le GR69 La Routo
La Routo et ce projet ont été rendus possibles grâce à :
Fondateur d’I-Trekkings et des blogs I-Voyages et My Wildlife, j’apprécie le rythme lent de la marche et des activités outdoor non motorisés pour découvrir des territoires montagneux et désertiques, observer la faune sauvage et rencontrer les populations locales. Je marche aussi bien seul, qu’entre amis ou avec des agences françaises ou locales. J’accompagne également des voyages photo animaliers qui associent le plaisir d’être dans la nature et l’apprentissage ou le perfectionnement de la photographie animalière.
Salut Greg,
c’est vrai que le sujet du loup, entre le travail des bergers et la protection de l’animal, est un sujet souvent sensible. Difficile de prendre position quand on n’est pas directement touché.
Très belles photos en tout cas, l’Ubaye !!!
++
Oui, c’est clair. La montagne doit se partager entre bergers et leurs troupeaux, randonneurs et faune sauvage.
Superbe itinéraire, ça donne bien envie ! Quant au loup, c’est évidemment un problème compliqué où se mêlent les difficultés réelles et le vécu sincère des acteurs sur place et l’instrumentation du problème. Pour certains, il est plus facile de crier haro sur le loup que de traiter des bien plus graves menaces sur le pastoralisme que sont la concurrence sur des marchés mondialisés et la compétitivité avec une industrie agricole de plaine largement subventionnée, elle.
Superbe région pour randonner
La question du loup n’est pas simple à traiter en effet. Après avoir eu la chance de croiser les yeux d’un loup une fois je rêve d’en revoir un autre mais c’est évidemment très rare. Pour les randonneurs les chiens de protection mal éduqués sont plus dangereux que les loups
J’ai croisé le loup à deux reprises. Je dois dire que c’était des moments magiques.
Pour les randonneurs les chiens de protection mal éduqués sont plus dangereux que les loups.
Certes. Mais certains randonneurs font aussi n’importe quoi quand ils croisent un troupeau… pour l’avoir vu plusieurs fois. Bref, c’est pas simple même si le bon sens devrait suffire.
Belle balade! En revanche, l’idée de croiser des troupeaux de moutons et surtout des patous qui les accompagnent ne m’enthousiasme pas plus que ça.
Voilà un sentier didactique qui conjugue parfaitement avec le plaisir de la marche ! Le côté sauvage avec le troupeau de moutons évoque celui du refuge du Mont Pourri (Vanoise) sur fond de paysage somptueux. La présence du loup doit être posée, dans un débat ouvert pour trouver la meilleure solution sans anicroche. Dommage que tu n’ais pas pu poursuivre jusqu’au Col de Ruburent et son lac, havre de paix à la frontière franco-italienne 😉