- 31 jours – 700 km – +28.000/-28.000m
La frontière franchie à dix-sept heures, notre journée est loin d’être finie. Nous ne sommes pas à l’abri de croiser une patrouille. Comment justifierons-nous notre présence ici ? Que risquons-nous ? Je ne tiens pas à le savoir. Il nous faut rejoindre le circuit de randonnée balisé du massif des Munţii Maramureş. Nous pourrions l’atteindre facilement en suivant une ligne de crête, mais nous pensons que cet itinéraire est trop exposé. Nous risquons de nous faire prendre. Nous choisissons donc l’itinéraire le plus compliqué, descendre dans un fond de vallée pour remonter de l’autre côté tout en se cachant dans les bois et en surveillant nos arrières… La pression monte…
Nous finissons par l’atteindre après une journée de quasiment douze heures de marche pour une quarantaine de kilomètres et 2000 mètres de dénivelé. Nous plantons la tente à la lueur de nos lampes frontales, bien fatigués par cette journée forte excitante.
Quelques jours plus tard, nous atteignons les massifs des Munţii Rodnei et Suhard, bien loin de la frontière. Nous ne risquons plus rien. Aucun visa n’étant nécessaire pour les ressortissants Français, il est impossible de savoir de quelle manière nous sommes rentrés dans le pays.
La météo redevient épouvantable, elle est horrible avec nous… Nous avons du mal à nous orienter. Rémi a la carte et moi le GPS. Même comme cela, ce n’est pas évident de trouver notre chemin… Nous sommes obligés de quitter les hauteurs pour la vallée…
Rémi, désespéré des conditions que nous devons supporter, fait le choix de rentrer en France prématurément. C’est donc seul que je poursuis à longer le pied de ces massifs jusqu’à la ville de Vatra Dornei où je retrouverai un soleil resplendissant comme il ne l’a jamais été depuis mon départ.
A partir de maintenant commence la partie certainement la plus délicate de mon itinéraire, la traversée des Carpates Est Roumaines. La plus part des massifs que je vais passer sont tout en forêt. Il va être très difficile de m’y orienter. Les infos, cartes et topos à leurs sujets sont quasi inexistants. Je vais devoir me débrouiller seul.
Le premier figurant sur ma liste est le massif des Munţii Bistrietei. Je ne possède qu’une très vieille carte à peine lisible. Heureusement, au Salvamont (secours en montagne) de Vatra Dornei, j’ai rencontré un Roumain fort sympa qui a pu me donner quelques petites indications supplémentaires. Il m’a également souhaité « bonne chance »…
Même si j’erre par moment, je m’en sors plutôt bien. Il faut avouer que je suis tout de même aidé par les bergers, les forestiers et les gardes-forestiers que je croise. Tous trois ont des façons bien à eux de traverser ces forêts. En couplant leurs informations, j’obtiens un véritable circuit. Il ne me faudra finalement que trois jours pour franchir les Munţii Bistrietei où je me serais bien fait plaisir à les traverser. Cette réussite me met en confiance pour les prochains massifs. En plus, j’ai été très bien accueilli par les Roumains. Notamment au monastère de Piatra Tăieturii, où l’un des moines Orthodoxes me voyant passer, m’a invité à entrer dans l’enceinte. Même s’il a essayé de m’indiquer tout un tas de sentiers pour me rendre dans des directions qui ne sont pas les miennes, le partage du repas du midi à leur table restera un moment unique. Et la tarte aux myrtilles, un véritable délice. Le soir même, je serai hébergé par une famille Roumaine au petit hameau de Dârmoxa.
Voilà une semaine que je suis en Roumanie et je sens que le contact avec les Roumains passe très bien. En plus, contrairement au Slovaque, au Polonais et à l’Ukrainien qui sont des langues qui me sont incompréhensibles, le Roumain, langue Latine, me permet de me débrouiller et de converser. Je peux avoir un véritable échange avec les personnes que je croise.
Je rejoins les Munţii Ceahlãu, un petit et magnifique massif bien plus reposant. Touristique, il y a tout ce qu’il faut : point d’information, cartes, balisages, refuges, aires de bivouac… Ça change de mon quotidien. Je profite des Salvamont pour aller à la pêche aux informations pour mes prochaines montagnes sauvages. Mais en dehors de « Ca n’est pas comme ici, il n’y a pas de sentier balisé, ce n’est pas pour les randonneurs, il faut être un bon en survie pour y aller », je n’obtiens rien… Je suis pris pour un fou. Tant pis, je verrai bien.
Commençant à bien me débrouiller dans l’orientation forestière, je ne m’inquiète pas. Pourtant, le massif des Munţii Goşman, c’est plus de 100 kilomètres de long, 1500 mètres de haut et du 100% forêt !
Les seules indications que je trouve dans ces massifs, ce sont les panneaux indiquant parfois l’entrée d’une « drum forestier ». Il s’agit des pistes des concessions forestières qui s’enfoncent dans les forêts. En général elles portent le nom de la rivière qu’elles longent, du sommet dont elles prennent la direction… Cela permet de me donner le cap qu’elles suivent et de savoir si je peux les emprunter ou non.
Avec ces panneaux et les indications de forestiers, j’arrive à atteindre la crête. En théorie, je n’ai plus qu’à la suivre… Mais je ne vais pas bien loin. Cela fait belle lurette que plus personne ne passe par là ! La végétation a repris ses droits. Ronces, orties de deux mètres de hauts me barrent le chemin… Je me retrouve vite avec les jambes en feu… Je suis obligé de faire demi-tour pour regagner la vallée et la suivre… C’est comme cela, alors que je suis à la recherche d’un hébergement pour la soirée, que je me retrouve au monastère de Schitu Tarcău. Il est tenu par une dizaine de moines Orthodoxes, habillés tout en noir avec, pour certains, une longue barbe blanche. La vieille église en bois au centre du monastère est de toute beauté, aussi bien de l’extérieur, qu’à l’intérieur où se déroule la messe. J’ai l’impression d’être transporté dans une autre époque. Sauf lorsque je discute de chaussures avec le plus jeune d’entre eux. Il me montre les siennes, des Salomon, en me disant que c’est « the best » pour marcher.
Arrivé à Comăneşti, je prends un jour de repos. Voilà vingt-six jours consécutifs que je marche. J’en profite pour prendre soin de moi : douche brûlante, soin de mes pieds et des petits bobos. De mon matériel également : lavage des vêtements, cirage des chaussures, réparation du matériel abîmé. J’en profite aussi pour essayer de trouver quelques informations pour la suite du parcours… Sans succès.
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Pour rejoindre mon prochain massif, je dois franchir le Virful Lapoşu à 1337 mètres d’altitude dans les Munţii Tarcăului. Si la montée se fait sans encombre en compagnie d’un berger, lors de la descente je perds carrément toute trace du sentier dans la forêt. Heureusement le cap est facile à suivre, plein Sud en descente. Mais je galère pendant deux heures à me frayer un chemin entre les branches dans une pente bien raide où je manque constamment de glisser et de ma casser la figure… Quand d’un coup, j’entends un ramdam pas possible, à une centaine de mètres en contrebas, comme un bulldozer qui descendrait tout droit, défonçant tout sur son passage… C’est un ours ! J’en suis sûr, même si je ne le vois pas. J’ai dû le réveiller avec le bruit que je fais en me débattant avec la végétation.
Il y a de nombreux ours dispersés dans les différents pays des Carpates. Mais c’est en Roumanie où ils sont le plus présents, environ 5000 officiellement. Officieusement, ils seraient moitié moins… Depuis mon premier bivouac en Roumanie, je prends la précaution chaque soir où cela est nécessaire, d’aller accrocher mon sac de nourriture dans un arbre, loin de ma tente. Même si les rencontres sont rares, je n’ai pas envie d’en attirer un sous ma tente avec les odeurs de saucissons et de fromages.
Lorsque j’atteins le massif des Munţii Nemira, j’ai la bonne surprise de tomber sur un massif balisé, dont en plus je dispose d’une carte correcte. Pour autant, il est plus ou moins abandonné des randonneurs. Le massif est plus sauvage. J’y croise, chevreuils, vipères… Une empreinte de patte d’ours et quelques bergers accompagnés de leurs chiens plutôt agressifs. Ils ont plutôt l’habitude de voir des ours que des randonneurs dans la région… La Roumanie a cette particularité de m’offrir à chaque massif un environnement différent, une randonnée que ne ressemble pas à la précédente. C’est comme si j’ouvrais à chaque fois une pochette surprise.
Je rejoins le village de Breţcu pour me ravitailler, mais nous sommes dimanche matin. Il n’y a du coup pas grand choix. Je repars avec un sac de nourriture un peu léger en vue de ce qui m’attend, les Munţii Vrancei, le plus grand massif sauvage de mon itinéraire. Il me faudra bien cinq jours.
Je commence par errer dans les montagnes, les forêts. Je cherche à gagner un col routier qui marque le véritable point de départ du sentier qui traverse le massif. A ce col, je trouve finalement un panneau avec un plan schématique de la randonnée et le sentier est balisé pour la première partie des Munţii Vrancei. Une chance. J’y croise également un propriétaire accompagné par son fils âgé d’une dizaine d’années, qui se rend à sa bergerie perchée sur les hauteurs. Nous marchons ensemble jusqu’à la fin de journée pour rejoindre son domaine. Là, nous retrouvons les quatre bergers qui passent l’été dans cette petite bergerie, avec leurs troupeaux de moutons, un âne et dix chiens. Ils m’invitent à planter ma tente, me disant que les ours sont nombreux. Ça pourrait être dangereux de dormir loin des chiens. J’hésite. Meute de chiens ou ours ? Le choix est difficile… Je fais le choix de rester et de passer la soirée avec eux. Notamment avec le plus jeune, âgé de quinze ans, content d’avoir de la compagnie pour un soir.
Je continue mon chemin jusqu’au point culminant du massif, au Virful Lăcăuti à 1777 mètres d’altitude. Plus tard, je rejoins le col routier Delusor qui marque la limite entre la partie Nord et la partie Sud du massif des Vrancei.
Dans ce deuxième tronçon, je ne trouve aucune trace de sentier. Je suis un peu perdu, je ne sais quelle direction prendre. En plus, je commence à fatiguer physiologiquement à être toujours à l’affut de trouver mon itinéraire. A tourner en rond, je perds du temps. A ce rythme, je n’aurai pas suffisamment de nourriture pour atteindre l’autre bout du massif. Surtout que j’ai mal aux pieds depuis quelques jours, mon rythme de marche en subit les conséquences. Je finis donc par retourner au col routier et je me décide à contourner ce passage par la route afin de rejoindre mes prochains massifs.
Les Munţii Siriu, Ciucaş, Grohotiş , Baiului sont de petits massifs qui se succèdent et qui se traversent rapidement. Ils sont tous quatre magnifiques, avec leurs belles crêtes dégagées, sans forêt, qui se parcourent très agréablement. Comme je suis en avance pour mon prochain rendez-vous et que le panorama vaut le détour, j’en profite pour faire un petit bout supplémentaire. En plus il fait toujours un ciel magnifique… Et cela, depuis le départ de Rémi.
Dans ces massifs, seule une partie des Munţii Ciucaş est fréquentée, dû à la présence d’un refuge et du balisage. Pour les autres, je n’aurai pour compagnie que les bergers et leurs chiens qui sont nombreux dans le secteur.
Les chiens des bergers peuvent être un vrai fléau pour le randonneur en Roumanie. Nombreux, les meutes se composent en générale 5 à 12 chiens. D’un aspect parfois fort agressif, ils vous arrivent dessus pour vous encercler, tout en aboyant et en montrant les crocs. Les premières rencontres sont impressionnantes. Il faut savoir garder son sang-froid. Mais depuis, j’ai trouvé la parade. Je garde sur moi quelques cailloux afin de leur balancer dessus pour les tenir à bonne distance. Cela fonctionne plutôt bien, je m’en sors sans aucune morsure…
Arrivé à la petite ville de Buşteni, qui marque la frontière avec la Roumanie touristique, je trouve enfin quelques cartes à acheter. Je grimpe directement sur le massif des Munţii Bucegi, que j’aperçois depuis hier. Il semble être grandiose et très différent de ce que j’ai pu voir jusqu’à présent. C’est un des massifs réputés de Roumanie.
Mais lorsque j’atteins le plateau quelle déception… Le massif est plus proche du parc d’attraction que du parc naturel… Pour ceux qui n’aiment pas la marche, les télécabines sont là, où encore il est possible de faire un circuit en 4×4 et même en hélicoptère ! La touche finale qui vient gâcher ce magnifique et exceptionnel panorama sont les déchets abandonnés encore plus présents que dans le reste du pays, surtout à proximité des refuges gardés. Par contre, parc naturel oblige, le bivouac est interdit. Lorsqu’environnement ne rime pas avec argent, il est vite oublié… Heureusement, une fois passé le Virful Omu, culminant 2505 mètres d’altitude, le massif est bien moins fréquenté.
Dans la descente, je râle tout seul, en me disant que je n’ai vraiment pas de chance. Voilà déjà un mois que je suis en Roumanie et je n’ai pas vu d’ours. Il y en a forcément. Le coin est une nouvelle fois idéal : une forêt dense, très peu fréquentée…
C’est là que j’entends une grosse respiration, un peu comme un chien bien essoufflé. Je regarde autour de moi et j’aperçois deux oreilles qui dépassent d’un buisson… puis un museau. Il est là, juste en face de moi, à une vingtaine de mètres en train d’humer l’air ! Il m’a senti ! J’attrape mon sifflet d’une main et mon appareil photo de l’autre. Je me cache derrière un arbre pour observer sa réaction. Cela fait six jours que je ne me suis pas lavé, je me dis : « Pourvu que mon odeur couvre celle du dernier Snicker qu’il reste dans le sac à dos ». Il ne me reste plus que ça à manger… Puis, au même moment, il s’en va.
Je poursuis la descente jusqu’au village de Şimon, où je trouve une pension pour me reposer, me remettre de mes émotions, et prendre une douche…
Je traverse Bran, un village connu pour son magnifique château, celui du comte Dracula. Les commerces autour du personnage mythique sont florissants. Je suis dans une toute autre Roumanie désormais.
Je quitte les montagnes pour le plateau Transylvanien. Je vais patienter quelques jours dans la ville de Braşov, en attendant l’arrivée de Célia. Voilà trois mois que nous nous sommes quittés.
Voici quelques années, je me suis échappé d’une vie qu’il faut souvent suivre au pas…
Aujourd’hui je déborde d’énergie que je dépense dans la marche afin de parcourir des milliers de kilomètres pour découvrir les merveilles de la nature. Mes terrains de jeux préférés étant les montagnes et les zones désertiques, là où poussent les cairns. Mais je suis ouvert à toute la planète.
Je n’ai ni l’âme d’un écrivain, ni d’un photographe, mais j’ai un grand plaisir à faire partager mes aventures par l’intermédiaire de mes sites afin d’offrir un peu d’évasion.
Simon Dubuis
Carnets d’aventures : www.dubuis.net