Un rêve un peu fou nous habitait. Une de ces choses que l’on note dans sa tête dans la liste des choses à faire avant d’avoir 30 ans, avant d’avoir des enfants, avant de ne plus pouvoir ou avant d’oublier… Traverser l’Europe à pied, c’était déjà quelque chose, mais inclure dans cette rando de 10 000 km la traversée des Alpes d’ouest en est, en était une autre.
Depuis le parc du Mercantour en France, nous avons rejoint la Slovénie en traversant le sud de la Suisse et les Alpes italiennes. Nous vous avons déjà raconté notre aventure en Suisse, voici donc le récit de notre traversée italienne.
Nous avons parcouru plus de 1000 km dans 6 régions italiennes et grimpé 69 500 mètres de dénivelé positif. Comme toujours, nous avons tenté de dormir aussi souvent que possible chez l’habitant (30% du temps en Italie) et de vivre avec un budget réduit. Les conditions de vie en montagne nous ont pourtant à dépenser le double de notre budget habituel, soit une moyenne de 20€ par jour et par personne pour notre traversée de l’Italie à pied.
Le Piémont
Après la Sicile, c’est la plus grande région d’Italie en superficie, c’est aussi l’une de celle qui présente une des plus grande variété de paysages du fait de ses différences de relief.
Nous connaissions déjà le Parco delle Alpi Marittime et l’avons retrouvé avec plaisir et émotion. Ses pics acérés, couverts de cette couleur verte unique, ses innombrables lacs d’altitude et surtout son extraordinaire vie sauvage… Cette nouvelle visite l’a confirmé, c’est l’un de nos endroits préférés des Alpes.
Le début de notre traversée des Alpes et notre arrivée en Italie se passe merveilleusement bien, après un passage difficile au Passo di Portette, nous arrivons au Rifugio Questa, chez notre ami Flavio qui tient le refuge depuis 31 ans maintenant.
Du début à la fin de notre traversée du Piémont, on aura été extrêmement gâtés par nos rencontres animalières. Des bouquetins et des marmottes en pagaille, quelques chamois aussi et beaucoup d’oiseaux. Probablement parce que l’on a croisé assez peu de monde malgré la saison (juillet-août).
Ce n’est pas dans le Piémont qu’on a vraiment pu apprendre l’italien, tout le monde parlait français !
Nous n’avions jamais pratiqué la “haute montagne” et ce n’est vraiment pendant notre traversée de l’Europe que nous avions prévu de le faire. Et pourtant… D’abord, c’est le Viso qui nous a fait du pied. Arrivés à son pied justement, la météo était trop mauvaise pour s’engager dans une telle expédition, on a donc décidé d’en faire le tour. Aucun regret, on a passé une nuit sublime dans le minuscule bivacco de la Punta Venezia, juste au-dessus de 3000m. Une chambre avec vue imprenable sur le Mont Viso !
Comme vous le savez peut-être, nous invitons des gens à nous rejoindre pour un bout de notre voyage. Dans les Alpes, nous avons dû faire une sélection rigoureuse des “candidats”. On pouvait difficilement accepter des personnes ne connaissant pas la montagne.
Jesse est arrivé des Pays-Bas à ce moment-là avec de solides références : une large section du PCT à son actif.
Val d’Aoste
C’est tous les trois que nous sommes entrés dans la seconde région de cette traversée : le Val d’Aoste et que nous avons fait l’ascension du Grand Paradis (4061m), réputé comme l’un des 4000 les plus accessibles des Alpes. Une magnifique expérience, que nous avons évidemment préparé avec le plus grand soin.
Quelques jours plus tard, Marie restera se reposer et travailler dans la vallée et Nil et Jesse s’élancent vers de nouveaux sommets. Après une nuit à la Capanna Gnifetti, ils grimpent la Pointe Parrot (4432), du Ludwigshöhe (4341), du Balmenhorn (4167) et de la Pyramide Vincent (4215). Rien que ça…
Après 3 semaines en Suisse, nous retrouvons l’Italie par la Lombardie. Nous n’y passerons que quelques jours avant d’atteindre la région suivante.
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Trentin-Haut Adige
Ici, surprise. Nous qui pensions mettre les bouchées double pour pratiquer notre italien, on a découvert que la première langue ici était l’allemand. On s’est sentis un peu bêtes de ne même pas savoir qu’une partie de l’Italie parlait allemand… Cette région a toujours eu une situation ambiguë dans l’Histoire, changeant de pays au gré des conflits. A la fin de la Première Guerre Mondiale, l’Autriche à cédé le Trentin-Haut Adige, ou Sud Tyrol, à l’Italie.
La guerre a laissé d’autres traces ici dans les Dolomites. Le Mont Lagazuoi est un gruyère, traversé de kilomètres de galeries creusées par l’armée italienne pour déloger les Autrichiens des positions qu’ils occupaient en altitude. Aujourd’hui, on peut visiter ces galeries, d’en haut jusqu’à quelques centaines de mètres plus bas.
Quelques jours avant, on s’était fait avoir par notre carte… Du Passo Pordoi, nous étions montés au pied du Piz Boè et nous pensions redescendre de l’autre vers Corvara. Une journée très froide et brumeuse où nous avions eu nos premiers flocons de neige de cette traversée des Alpes. Sur la carte, le sentier semblait descendre beaucoup sur une courte distance. Dans les faits, c’était une sorte de via ferrata qui disparaissait soudainement dans le brouillard quelques mètres plus bas. Impossible avec nos gros sacs, on a fait demi-tour, perdu 2 heures mais trouvé un passage beaucoup plus sûr.
Vous le connaissez sans doute, ses photos sont partout et les photographes étaient bien présents quand nous sommes arrivés, le lac de Braies. Tous les ingrédients sont réunis pour la photo parfaite : le lac bleu vert, la roche calcaire blanche tout autour, les jolies couleurs d’automne, les barques et la petite église dans le fond… Oui c’était cliché et il y avait trop de monde pour que ce soit réellement sympa, mais on ne va pas se mentir : c’était très joli.
Les étoiles dans les yeux n’étaient pas prêtes de s’éteindre. Nous approchions de la fin de cette traversée des Alpes mais ils nous restait quelques merveilles à découvrir. A commencer par les légendaires Tre Cime di Lavaredo. Fin octobre, nous étions seuls et nous avons profité des derniers jours de beaux temps avant longtemps.
Si depuis notre arrivée dans les Dolomites nous pensions qu’elles étaient sublimes, nous n’avons même pas trouvé de qualificatif pour décrire ce que nous avons ressenti aux Tre Cime. Une montagne brute, voire brutale, des pierriers redoutables et une lumière unique.