Traversée des Cinque Terre à pied

Des maisons aux couleurs éclatantes, accrochées à flanc de falaise, en bord de mer, des promesses de séjour ensoleillé, le parfum des pâtes au pesto, des fruits de mer … Les Cinque Terre, en Italie, ont tout pour séduire les voyageurs, et a fortiori les Français, dont la frontière n'est qu'à quelques heures de transport. Mais au-delà de la carte postale méditerranéenne, la région est une véritable terre de trekking, pleine de surprises. Voici le récit de notre traversée des Cinque Terre en randonnée et tous nos conseils et astuces pour organiser votre séjour.

De Levanto à Vernazza

Nous sommes à la mi-octobre, aux premières heures du jour. La température est fraîche, d'autant qu'un vent fort s'engouffre par rafales dans la baie au fond de laquelle s'abrite la petite ville de Levanto. Notre itinéraire emprunte le sentier, bien balisé en rouge et blanc et marqué de panneaux directionnels. Nous abandonnons le front de mer et ses luxueuses villas pour grimper dans le maquis. Le soleil méditerranéen révèle le camaïeu de verts des pins maritimes et des arbousiers. Les vues sur mer affichent, quant à elles, tout le nuancier de bleus, allant du ciel azuréen jusqu'aux marines les plus sombres en passant par les turquoises de la mer ligure.

La randonnée “traversée des Cinque Terre” est un véritable bain de couleurs ! Un peu plus de 300 m de grimpée et nous voici aux ruines de l'église de Sant' Antonio qui domine la pointe Mesco. Quel panorama ! Une vue unique s'ouvre plein Sud sur notre programme à venir, jusqu'aux caps de Portovenere et l'archipel de Palmaria. La journée est loin d'être finie et nous ne nous attardons pas, préférant avaler quatre à quatre la raide descente jusqu'au village de Monterosso pour mieux prendre le temps d'une pause à une terrasse.

Monterosso est le premier des cinq villages, “cinque terre” en italien. Cinq villages isolés du reste de la Ligurie par une côte abrupte, une mer souvent violente et un arrière pays marqué par un relief atteignant les mille mètres d'altitude en seulement cinq kilomètres. Cet isolement a sans doute permis de préserver intact le charme incomparable des maisons teintes d'ocres, des petits ports de pêcheurs et des vignobles en terrasses. Nous prenons le temps de flâner dans les ruelles avant d'emprunter un antique chemin de croix. Il serpente entre vignes et châtaigneraie jusqu'au monastère de Madonna di Soviore. Puis c’est à nouveau une descente raide vers la côte avec des vues spectaculaires sur le terme de notre première étape, Vernazza.

De Vernazza à Manarola par Corniglia

Au petit matin du second jour, le calme du petit port de Vernazza contraste avec l'effervescence des terrasses prises d'assaut au coucher du soleil de la veille. Dès la sortie du village, c'est une jolie volée d'escaliers qui nous attend, nous faisant rapidement prendre de l'altitude. Concentrés sur la raideur du sentier nous en oublions presque de nous retourner pour profiter de la vue sur la baie et le port, encadré par les ruines d'un château et l'église Sta. Margherita di Antiochia. Nous quittons les ambiances littorales pour rejoindre le hameau de San Bernardino, perché dans les collines. Le sentier serpente alors quelque temps dans la pénombre d'un sous-bois de chênes verts et de châtaigniers jusqu'à atteindre les 611 m d'altitude. Six cents mètres qu'il faut redescendre aussitôt, par une sente pierreuse et ravinée puis un chemin pavé pour rejoindre le troisième village, Corniglia.

Les Cinque Terre ne sont pas des villages de pêcheurs, comme on peut parfois le lire, mais des terres de paysans, de vignerons améliorant, parfois, leur quotidien de quelques poissons capturés à proximité. Corniglia, accroché sur une falaise dominant la mer, ne possède même pas de port ! Pas de port, mais des ruelles tortueuses pleines de charme et débouchant sur la place de l'église San Pietro où quelques platanes offrent une ombre bienvenue pour la pause de midi. Pas de pique-nique tiré du sac, mais un frito misto acheté dans une des innombrables échoppes qui le proposent. Un cornet de papier kraft généreusement rempli de friture de poissons, fruits de mer ou légumes et qui devrait nous redonner l'énergie suffisante pour la suite. Nous reprenons alors le même sentier jusqu'à rejoindre la cote 320 m. L'itinéraire se faufile alors entre terrasses de pierres sèches et garrigue. La vue plongeante sur Corniglia laisse bientôt place à celle sur Manarola que nous rejoignons après une brève pause au monastère de Volastra.

Troisième jour, de Manarola à Riomaggiore

Randonner, c'est aussi savoir prendre le temps. Le temps de s'imprégner des ambiances, de discuter avec les habitants, d'observer la nature, de ne rien faire … Farniente, ce mot italien littéralement traduisible par “ne rien faire” est un art de vivre. Et cette étape y est consacrée. Nous flânons dans les ruelles de Manarola, nous attardons sur la jetée et son point de vue unique sur le village, gratouillons quelques-uns des innombrables félins qui lézardent aux premiers rayons du soleil. A la terrasse d'un café, savourant un espresso si serré qu'aucun barman français n'oserait même l'appeler ristretto, nous déplions notre carte. Trois petits kilomètres et 240 mètres seulement à grimper puis descendre. Mais les chiffres ne disent pas tout, courte étape mais quelle étape !! Des volées d'escaliers si raides qu'on peine à imaginer qu'ils aient pu être utilisés pour accéder aux vignobles, monter les outils et descendre les lourdes hottes chargées de vendange. Cœur à 178 pulsations par minute, il faut calmer le rythme de la montée. Et la descente ? Elle est plus raide encore et les genoux crient pitié. Mais l'étape est vite avalée et nous reprenons notre farniente au dernier village des Cinque Terre, Riomaggiore. C'est sans doute le plus célèbre, lové dans son vallon, avec ses barques de pêcheurs rangées sur le port et ses maisons d'ocre vive.

Dernier jour de Riomaggiore à Portovenere

Si Riomaggiore est bien le dernier village, il ne marque pas pour autant la fin de la traversée des Cinque Terre à pied, dont l'itinéraire se poursuit jusqu'à la petite ville de Portovenere. Une étape qui offre parmi les plus belles sections au cœur des terrasses, mais également de longues parties dans la garrigue et les forêts de chênes verts. Le sentier emprunte des balcons qui dominent, à pic, la mer Ligure. Sous les rafales d'un vent devenu fort, nous progressons toujours Sud-Est. Avant d'entamer l'ultime descente, nous marquons une pause au refuge Muzzerone, très légèrement à l'écart du sentier. Sa terrasse s'ouvre sur la baie de la Spezia et, au loin, la côte et les collines toscanes. Le sentier devient raide et caillouteux dans la descente et les bâtons nous aident à atteindre sans encombre le fort qui domine Portovenere puis, par une dernière volée d'escaliers, la ville et ses ruelles à l'abri du vent. Quelques pas encore et nous voilà à la chapelle San Pietro Di Portovenere, au bout de la presqu'île qui ferme la baie. Dans l'embrasure d'une fenêtre apparaît alors toute la côte des Cinque Terre, clap de fin sur une itinéraire exceptionnel.

Carnet pratique de notre traversée des Cinque Terre à pied

Quand y aller ?

Les sentiers des Cinque Terre sont praticables toute l'année. La très forte fréquentation touristique et les températures caniculaires font sans doute de l'été la moins intéressante des saisons. Le printemps fleuri et la douceur du climat automnal sont sans doute à privilégier. L'hiver, vous profiterez de plus de tranquillité, la fréquentation étant au plus bas. Mais il faudra parfois gérer des pluies intenses et une disponibilité d'hébergements réduite.

Comment y aller ?

L'accès au Cinque Terre se fait très facilement en train avec le réseau Trenitalia, via Gênes et les très nombreuses liaisons régionales sur la ligne de la Spezia. Comptez entre 9h et 10h au départ des gares de Paris, Lyon ou Marseille.

Avec qui partir ?

Nombreuses sont les agences à proposer la destination. Nous avons choisi, pour notre part, de la réaliser en autonomie. Les cartes topographiques sont de qualité et les infrastructures locales excellentes.

Où dormir ?

Il existe d'innombrables solutions d'hébergement, en camping, hôtel ou chez l'habitant. Le bivouac est interdit. Le bon réseau ferroviaire et la fréquence des trains permettent d'envisager prendre un hébergement unique et d'y laisser ses bagages pour randonner léger. C'est la solution que nous avons adoptée, en prenant un hébergement chez l'habitant à Levanto. Les tarifs y sont plus raisonnables que dans les cinq villages. Les navettes en train entre Levanto et La Spezia desservent chacun des cinq villages et ne prennent que quelques minutes. Attention Portovenere n'est desservi qu'en bateau (ligne Levanto – Portovenere) ou par les bus urbains de la Spezia.

Quelles difficultés pour cette traversée des Cinque Terre à pied ?

Les étapes mais aussi la grande quantité d'escaliers irréguliers et raides font de ce parcours une randonnée exigeante. Le parcours est coté difficile à l'IBP index. On l'appréciera d'autant plus qu'on arrive bien entraîné.

Quelles précautions de santé et dangers ?

Il n'y a pas de risque sanitaire particulier sur l'itinéraire, hormis le terrain évoqué ci-dessus qui peut être difficile aux périodes chaudes, bien penser à s'hydrater. Du fait de glissements de terrain très fréquents dans la zone et de l'érosion maritime, des portions de sentiers sont susceptibles d'être fermées ou déviées. Notre itinéraire évite la “vía del amore”, sentier le plus proche de la mer, quasi intégralement fermé. Le site du parc national affiche les données mises à jour en temps réel.

Quel équipement prévoir ?

Pour marcher on adoptera le traditionnel système trois couches (haut). On peut envisager de marcher avec des chaussures tiges basses si on ne souffre pas de chevilles fragiles. Personnellement j'ai préféré des montantes légères, plus protectrices dans les rares passages caillouteux. Chapeau couvrant, lunettes de soleil catégorie et crème solaire compléteront la protection contre un soleil qui peut être fort en toutes saisons. Les bâtons de randonnée sont d'une aide précieuse pour soulager les genoux très sollicités.

Comment voyager responsable ?

Se déplacer aux Cinque Terre en voiture est une hérésie, les routes étroites, la forte fréquentation, les parkings rares ne vous offriront que de longs et pénibles moments passés dans les embouteillages. Préférez le train !

Rester discret, ne pas cueillir la flore sauvage, ni approcher la faune, ne pas faire de feux sont des règles de base pour profiter durablement de la nature. Ici, la faune est très discrète. Amener avec soi une paire de jumelles pocket accroît les chances d’observations et minimise les interactions négatives.

Pour éviter guirlandes de papier toilette et autres restes peu sympathiques sur les sentiers, prenez vos précautions dans les villages. Les consommations aux bars sont peu chères et peuvent être l'occasion d'une pause WC responsable. Chaque village possède plusieurs fontaines d'eau potable, permettant de remplir sa gourde et de ne pas acheter de bouteilles plastiques. Les pique-niques peuvent également viser le zéro déchet en consommant, sur place, panini, focaccia, frito misto et autres délices à un tarif très abordable.

Que faire d'autre dans les Cinque Terre ?

L'itinéraire que nous avons parcouru est une composition réalisée à partir des 185 itinéraires existants et qui permettent d'innombrables variantes, l'une d'elles étant d'entreprendre un aller au plus près de la côte et un retour par les crêtes sur un total d'une semaine de randonnée.

Il n'y a pas que les Cinque Terre qui valent le détour sur la côte Ligure. Nous avons d'ailleurs élargi le panorama jusqu'à Levanto et Portovenere. Mais d'autres villages littoraux mériteraient, aux dires de nos hôtes, tout autant d'y user nos semelles. Pour notre part, c'est l'île de Palmaria que nous regrettons de ne pas avoir eu le temps de parcourir.

Les Cinque Terre invitent au farniente. L'apéritif du soir pris à une terrasse dominant la mer est un moment particulièrement apprécié par les habitants comme les touristes. L'occasion de goûter un des excellents vins de la région et particulièrement le Sciacchetrà, vin doux obtenu avec des raisins séchés à l'air libre jusqu'à la fin de l'automne pour en concentrer les sucres. A déguster avec quelques croquants ou les très gourmandes crostata con pistacchio.

Découvrir les Cinque Terre en Kayak de mer est une superbe aventure ! Loin de la foule et avec des vues uniques sur les villages et la géologie originale de la région, on peut même y découvrir des grottes secrètes et une cascade qui se jette dans la mer… Lisez notre récit !

Pour en savoir plus ?

La carte “Cinq Terres, Carte et Guide des sentiers” de l'éditeur italien Giacché présente, en français, les 185 sentiers, sur fond de carte au 1:25.000. Elle est indispensable et largement suffisante pour préparer sa randonnée !

En complément, les anglophones pourront lire “Walking in Italy's Cinque Terre: Monterosso Al Mare, Vernazza, Corniglia, Manarola and Riomaggiore” de l'éditeur Cicerone.

Les germanophones peuvent se procurer “Cinque Terre, Liguria Ost – Genua bis la Spezia” de l'éditeur Rother Wanderführer, également très bien fait.

En français, l'ouvrage “Cinque Terre, Porto Venere, Isola Palmaria. Guida e carta dei sentieri. Ediz. francese” ne nous a guère convaincus. Les informations sont datées et brouillonnes, la carte si chargée qu'elle en devient illisible.

Enfin, le site web officiel du Parc national est une mine d'informations accessibles en français.

L'Oeil et la Plume

Reportages d’itinérances à pied, à la pagaie et à ski-pulka