Rencontre avec Gérard Guerrier, Directeur Général d’Allibert Trekking

Rencontre avec Gérard Guerrier, Directeur Général d'Allibert Trekking et responsable de la commission sécurité de ATT-ATR. Il s'exprime sur la question de la géopolitique et de la sécurité, les consommateurs d'aventure, l'arrivée de l'industrialisation et de la grande distribution dans l'outdoor.

C’est dans les locaux d’Allibert Trekking à Paris qu’I-Trekkings a rencontré Gérard Guerrier, Directeur Général d’Allibert Trekking et responsable de la commission sécurité de ATT-ATR (Agir pour un Tourisme Responsable).  Nous abordons le premier thème de la rencontre : Géopolitique et sécurité. Les autres thématiques (les consommateurs d’aventure, l’arrivée de l’industrialisation et de la grande distribution dans l’outdoor et les itinéraires d’aventure de masse) sont publiés à la suite de cette page. Une rencontre qui vient complétée les propos déjà recueillis en octobre 2011 sur la situation politique et sécuritaire au Sahara et au Sahel.

Le Pays Dogon en zone rouge selon le MAE

Un constat s’impose. La sécurité individuelle des voyageurs a globalement régressé dans le monde par rapport aux années soixante. Un voyageur occidental pouvait alors arpenter, en toute sérénité, les espaces les plus sauvages à condition d’éviter les zones de guerre ou interdites. Au même moment, la guerre froide faisait rage. Avec la fin de la bipolarisation – capitalisme contre communisme, ce fragile équilibre a été rompu.

« Le site du Ministère des Affaires Etrangères français est infantilisant »

Aujourd’hui, je vous défi de partir à vélo jusqu’au Tadjikistan sans vous faire dévaliser. C’est impossible ou alors vous avez beaucoup de chance. Faites le tour de la mer noire à pied, vous allez comprendre votre douleur.
Face à cette explosion de l’insécurité individuelle, le principe de précaution s’impose. Ce principe de précaution, sous les projecteurs des médias et de la politique, est trop souvent, hélas, poussé jusqu’à l’absurde. Nous vivons ainsi une époque contradictoire où l’on vante les valeurs de l’aventure, de « l’authentique », alors que l’on nous prépare un futur aseptisé où les touristes se déplaceront, en convoi, d’une bulle parfaitement sécurisée à une autre.
Si les gouvernements jouent leur rôle en publiant des « avis aux voyageurs », ces avis, amplifiés par la très subjective loi Kouchner, par le « panurgisme ambiant », prennent un poids démesuré par rapport à la réalité du terrain. Si elle n’a jamais été appliquée, elle existe bel et bien. C’est une épée de Damoclès qui ne nous rend pas très serein.

Carte de la sécurité au Sahel du Ministère des Affaires Etrangères au 26/11/2011. Téléchargée le 11/01/2012

Le site du Ministère des Affaires Etrangères français est le plus infantilisant après celui des Etats-Unis. Le modèle du genre reste celui des anglais qui expose les faits et place les voyageurs face à leur responsabilité.
Notre ministère nous déconseille ainsi « formellement » de voyager dans des régions pourtant très sûres : Chinguetti en Mauritanie, sud de l’oasis de Siwa en Egypte, l’ouest de la péninsule de la Guajira en Colombie, couloir de Wakhan en Afghanistan, etc. Voire même le Sud de Douz en Tunisie parce que : « les régions désertiques sont difficilement contrôlables ».
Face à cette situation, on se prépare à un avenir sans désert sur les cinq prochaines années.

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Abusant de même du principe de précaution, les grands tours opérateurs s’alignent, pour les petites destinations, sur le « moins risquant » et donc sur les positions du quai d’Orsay. Quelle que soit la réalité du terrain, en effet, l’éventuel gain économique ne pèse rien face à l’énormité de la menace juridique (merci monsieur Kouchner) et médiatique ! A quoi bon se battre pour quelques pelés en Mauritanie, quelques galeux en Colombie, etc. ? Pour « faire » une cinquantaine de clients ? N’avons-nous pas mieux à faire ? A l’inverse, pour les destinations de masse (Louxor, mer Rouge, Kenya, côtes tunisiennes, Tozeur…), ils déploient un lobbying certain pour tempérer les ardeurs des rédacteurs du quai d’Orsay.

Gérard Guerrier, Directeur Général d'Allibert Trekking

Chez Allibert Trekking, nous refusons ce fatalisme économique et juridique. Il y a dans ce refus obstiné une trace de nos gènes ; ceux d’une boîte créée par des guides de haute montagne. Nous appliquons, en effet, à la sécurité géographique, la même approche qu’à la sécurité en montagne : nos décisions, en matière de sécurité, sont le fruit d’une analyse fine à base d’expérience, de récolte d’information de sources différentes, de logiques rationnelles… Et surtout pas le résultat d’un marchandage économique !

Si nous prenons en compte l’avis du préfet ou du maire de Chamonix (ou du MAEE), nous prenons en compte bien d’autres facteurs, parfois plus pertinents, parce que pris sur le terrain. Les avis officiels, le juridisme ambiant ne doivent pas nous empêcher, en conscience, de prendre nos responsabilités pour la satisfaction et le bien de nos clients mais aussi de nos équipes locales. Nous l’avons fait par exemple en Syrie où nous avons fermer la destination bien avant que le Quai d’Orsay ne passe le pays en rouge. A l’inverse, nous allons en zone rouge si nous considérons que c’est « safe» comme à Chinguetti en Mauritanie, Siwa en Egypte.

Par contre, si un jour il nous arrive un pépin en zone rouge, nous fermons la boîte. C’est aussi simple que ça. Imaginons le pire des scénarios. Un groupe de voyageurs avec des enfants se fait enlevé. Là vous avez l’ouverture du journal de 20h00 qui titre : « Allibert Trekking, les inconscients qui envoient leur groupe en zone rouge » sans compter que le MAE nous dira « on vous l’avez bien dit ».

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