Si Napoléon choisit Elbe pour son premier exil se fut sans doute non seulement pour la beauté de cette île mais également pour ses similitudes et sa proximité avec sa terre natale, la Corse. Aujourd’hui située au cœur du Parc national de l’archipel toscan, avec un littoral particulièrement préservé, Elbe est une destination idéale pour une semaine de randonnée en kayak de mer.
Derniers préparatifs
Nous sommes en mai, le ciel semble peiner à se débarrasser de ses nuages. Pourtant la météo marine est formelle : un petit vent de Nord-Est devrait se lever, dégager le ciel mais aussi rapidement forcir à 3-4 Beaufort. Rien d’insurmontable mais parcourir les 6 miles qui nous séparent du cap Vita avant le gros du vent et finir la journée à l’abri serait sans doute une bonne idée pour cette première journée de la saison. Sur la petite plage de Marciana Marina, nous accélérons les préparatifs. La petite troupe n’en est pas à son coup d’essai, chaque chose trouve sa place rapidement au fond d’un caisson.
Bientôt deux heures que nous pagayons, plein Ouest, sur le bleu profond de la mer Tyrrhénienne. Nous savourons une navigation au plus près du calcaire de la côte. Les pins dominent le haut de la falaise et diffusent un « parfum de vacances » dans l’atmosphère. Ce n’est que parvenus au cap que le vent se lève réellement et souffle à présent dans notre dos. Le sommet des petites vagues blanchit, nous sortons les dérives et nous laissons glisser sans difficulté jusqu’à notre premier bivouac. Plage de galets blancs difficilement accessible depuis la terre, vue sur le soleil couchant sur le Cap Corse, instants magiques. Nous attendons la nuit pour monter la tente, que nous démonterons au soleil levant, question de discrétion et de respect vis-à-vis des autres usagers. C’est cette attitude (absence de feux, discrétion) qui garantit que le bivouac reste toléré, ici, au cœur du Parc national de l’archipel toscan.
Eaux turquoises et plage pour la sieste
Après une seconde journée passée au Sud de l’île, succession de caps sauvages et de grandes baies profondes, la troisième matinée consacre notre passage sur la côte Est. Peu après la Punta di Ballamorta, le paysage se métamorphose. Les schistes, ces millefeuilles de roche qui marquent une intense activité géologique, font leur apparition. Le vent a clairement forcit à l’ouest et nous naviguons au plus près de la côte pour bénéficier de sa protection. Seul le passage de petits caps nous soumet à un clapot haché et inconfortable. Mais ces passages sont brefs et ça et là, quelques « piscines » naturelles turquoises nous permettent de faire une pause, grignoter quelques fruits secs et savourer les détails de ce trait de côte qui n’en finit pas de changer, laissant découvrir des coulées de laves après Capoliveri.
La jolie ville de Rio Marina défile à notre gauche tandis que nous partons rechercher la tranquillité d’un coin de nature pour passer les heures chaudes. Le vent ne se fait, ici, plus sentir et le thermomètre grimpe au-delà des 30°C, diffusant dans l’atmosphère l’odeur douce et épicée des hélichryses en fleurs.
Eaux ferrugineuses et plage noire
Quelques miles nautiques après avoir réembarqué nous voici à la pointe de Rialbano. Des sources charrient ici des eaux riches en fer et colorent d’ocre rouille la côte. Décidément ce littoral ne cesse de nous surprendre et ce n’est pas le passage d’un rare goéland d’Audouin au-dessus de nos têtes qui viendra me contredire. Les conditions de mer sont excellentes, le rythme de progression satisfaisant et nous décidons de pousser un peu au-delà de ce qui était prévu pour bivouaquer juste après le passage sur la côte Nord où une minuscule plage de sable noir nous attend.
Il n’y a, à vrai dire, qu’elle qui nous attend et pour la petite troupe de sangliers et leurs marcassins, c’est la surprise de nous voir débarquer. Grognements d’alerte de la femelle dominante, fuite à la queue leu-leu, soleil couchant …fin du spectacle.
Eaux agitées et plage blanche
Matin du quatrième jour. Il faut admettre que nous avons une sacrée veine. La météo annonce que le vent a basculé dans la nuit au Sud et souffle à présent 5 à 6 Bft. Dans notre dos, derrière le cap Vita passé hier au soir, la mer est blanche d’écume et ne nous aurait laissé aucune chance de poursuivre. La navigation contre la côte qui nous protège ne pose aucune difficulté pendant les premières heures mais nous restons sur nos gardes lors de la traversée de la baie de Portoferraio. Immense, magnifique avec sa vue sur le sommet de l’île culminant à plus de 1000 m, elle doit être passée au large. La législation italienne interdit aux kayaks de pénétrer dans les zones portuaires. Mais s’éloigner c’est perdre la protection de la côte qui nous abrite du vent, prendre le risque d’être poussé au large. Nous nous rassemblons pour la traversée, la vhf est allumée, sur le canal de détresse en cas de besoin ou de passage de ferry sortant du port. L’amer est fixé sur le cap Bianco, pile 270° au compas et nous ne perdons pas de vue cet alignement pour rapidement corriger la dérive due au vent. Un peu plus d’une heure plus tard, nous passons le cap et débarquons sur la plage blanche pour une longue pause sous les tamaris.
La suite de la navigation se déroule sous des falaises de calcaire blanc immaculé, joue à rase cailloux avec le relief littoral, prend le temps d’admirer quelques mouflons avant enfin, de trouver refuge dans le golfe de Biodola. Le vent se glisse désormais au travers des vallons orientés Sud-Nord et vient nous chahuter un peu. A l’abri des bruyères arborescentes et des arbousiers, nous savourons ce dernier bivouac.
Eau de Seltz sur la plage
Le vent est tombé durant la nuit. Le ciel bleu a laissé désormais place aux nuages. Quelques gouttes de pluie crèvent le miroir de l’eau, parfaitement lisse. L’étape du jour est courte, une heure et demie à peine, en flânant, pour boucler ce tour de 65 miles nautiques (120 km environ) et rejoindre la plage de Marciana Marina.
Six centilitres de Prosecco, quatre de Campari et un trait d’eau de Seltz … la recette du véritable Spritz que je savoure sur la plage en me remémorant chacun des détails de ce tour d’Elbe en kayak de mer, indubitablement un des plus beau que l’on puisse rêver en Méditerranée. A votre santé !
Informations pratiques
L’île d’Elbe est la plus grande des îles de l’archipel toscan. Au cœur d’un parc national, elle est aussi la seule où l’on puisse découvrir en kayak sans autorisation préalable. Un certain nombre de restrictions s’appliquent néanmoins et il est important de consulter la réglementation pour ne pas nuire à une faune et une flore soumise à une importante pression touristique.
Formalités
L’Italie est membre de la communauté européenne et même de la zone euro, une simple carte d’identité vous permet de vous y rendre si vous êtes ressortissant de l’UE. Pas de réglementation nationale italienne concernant les kayaks de mer qui relèvent des autorités portuaires locales. Pas de restrictions notables sur Elbe hormis l’interdiction absolue de pénétrer en zone portuaire.
Accès
L’île est facilement accessible par transports en communs. Ceux transportant leurs kayaks arriveront en ferry à Portoferraio, capitale de l’île.
Sécurité-santé
Le kayak de mer est une activité de pleine nature qui ne doit être pratiquée, si on le fait sans guide, qu’en pleine conscience de ses propres capacités physiques et techniques et avec une solide expérience de la mer. La mer Méditerranée, sans marées ni courants forts se prête parfaitement au kayak mais ses sautes d’humeur, la capacité de ses vents à se déchaîner en peu de temps en impose même aux meilleurs. Prise régulière de la météo, port permanent des équipements de sécurité et maîtrise des techniques de secours sont indispensables. En Italie, le 112 est le numéro de secours pour le téléphone. A la VHF, c’est le canal 16.
Quand y aller ?
L’île, offrant de belles plages, est une destination très appréciée des italiens et des allemands. Le printemps avec son maquis en fleur et un calme relatif est sans doute la saison à privilégier à conditions de surveiller les ponts et jours fériés en Italie. L’automne est sans doute également un choix intéressant.
Avec qui partir, préparer son voyage
Ce circuit réalisé en autonomie, peut être organisé avec l’appui logistique d’Unghalak, seule agence française spécialisée dans les séjours à la pagaie.
A lire
« Elba 1:30.000 randonnée et carte # 650 ». Editions KOMPASS. Carte topographique et livret de randonnée pédestre pour exploiter pleinement le potentiel de l’île qui s’avère aussi un paradis de randonnée pédestre, de snorkeling.
Reportages d’itinérances à pied, à la pagaie et à ski-pulka