Récit d'un combiné trekking / randonnée glaciaire du parc national de la Vanoise en France à celui du Grand Paradis en Italie, entre alpages et haute montagne, pour atteindre les 4061 m du Grand Paradis. Ensemble, partons faire connaissance avec le royaume des marmottes, chamois et autres bouquetins et allons taquiner les glaciers…
La randonnée glaciaire a été effectuée avec l'agence Allibert Trekking. Elle se nomme « La haute route du Grand-Paradis (4061 m) ».
J1 : Val d'Isère- Refuge Prariond
+ 282 m / – 0 m 3,2 km Refuge Prariond15h00. Les dix membres du groupe Allibert se rejoignent au téléphérique du Fornet à l'extrémité est de Val d'Isère. Nous laissons les véhicules un peu plus loin au Pont Saint-Charles (2056 m).
Jean-Pierre, notre guide de haute montagne, distribue le matériel technique (piolet, baudrier et crampons). Nous les fixons à nos sacs à dos. Au moment de répartir les vivres de la semaine, Jean-Pierre se rend compte qu'ils en a laissé une partie dans sa cave. Nous nous nous rendons au refuge Prariond sans lui. Il nous rejoindra un peu plus tard dans l'après-midi.
Nous voilà partis pour le refuge Prariond. Le sentier monte en douceur pour surplomber les gorges de Malpasset. Dès la sortie des gorges, le sentier débouche sur le plateau du prariond, où gambadent de nombreuses marmottes. Au fond à gauche du vallon, j'aperçois déjà le refuge (2324 m).
Nous sommes au coeur du parc national de la Vanoise créé en 1963 pour la sauvegarde du bouquetin. Il possède une frontière commune avec le Parc national italien du Grand Paradis où nous nous rendons demain. Jumelés depuis 1972, ils couvrent ensemble une zone de 1250 km², soit l’espace protégé le plus étendu d’Europe occidentale.
J2 : Refuge Prariond – Refuge Savoia
+ 834 m / – 643 m 9,1 km Refuge Savoia7h30, nos semelles Vibram se posent sur le sentier, nos têtes se lèvent vers le ciel couvert. Le chemin est un peu abrupt au départ. Quelques marmottes pointent le bout de leur nez à notre passage et retournent aussi vite dans leurs terriers si nous sommes trop proches.
Un peu plus loin, c'est un chamois qui s'est immobilisé sur un petit promontoir herbeux. C'est enfin un bouquetin puis une horde de sept spécimens qui se montrent à nous. Le groupe s'étire selon le temps d'observation des uns et des autres.
La montée vers le col de la Lose est un véritable bestiaire. Face à nous, un magnifique cirque glaciaire où l’Isère prend sa source. Derrière nous, la vallée de Val d'Isère avec en toile de fond deux sommets mythiques de la Vanoise : la Grande Casse (3855 m) et la Grande Motte (3656 m) où l'été les skieurs s'adonnent à la glisse sur le glacier.
D'années en années, et surtout depuis 2003, les glaciers s'estompent à vue d'oeil. Que l'on ne nous trompe pas, le réchauffement climatique est en marche. Nous passons d'ailleurs le col de la lose (2970 m) sur les pierres en lieu et place du névé habituel.
Frontière naturelle entre la France et l'Italie, le col offre un excellent panorama sur le sommet du Grand Paradis (4061 m) et la vallée de val d'Isère. Au col, nous quittons le parc national de la Vanoise pour celui du Grand Paradis.
Premier parc national italien, il s'étend sur un vaste territoire montagneux de 70 318 hectares, compris entre les 800 mètres des fonds des vallées et les 4.061 mètres du sommet du Grand-Paradis. Avec ses forêts de mélèzes et de sapins, ses vastes prairies alpines, ses rochers et ses glaciers, le parc non seulement constitue l'habitat idéal pour la vie d'une faune riche et variée, mais il représente aussi le décor par excellence pour une visite à la découverte du monde merveilleux de la haute montagne. En route…
La descente vers le lac Serru est raide et zigzague dans les barres rocheuses. Il y a des équipements en excellent état : cordes fixes, câbles et marches qui facilitent et sécurisent le passage, mais ils sont inaccessible en début de saison souvent jusqu'à mi-juillet voir plus car pris dans des congères de neige. Dans ce cas, le passage du col de la Lose versant italien est impraticable et dangereux ! Dans ce cas-ci, une alternative consiste à passer par le glacier du col de la vache (équipement haute montagne nécessaire). Mieux vaut donc descendre vers le lac Serru par beau temps et ne pas être sujet au vertige.
Nous passons le petit refuge du plan de Balleta dont le drapeau italien flotte au vent. Repas rapide en contrebas car le ciel menace. Une courte pluie nous arrose le temps de monter au col Agnel par un raidillon qui chauffe les muscles.
Le sentier se poursuit par un haut plateau, s'étendant à 2500 mètres d'altitude. La zone est très riche en eau : outre ses nombreux petits lacs enchâssés entre les rochers, la verte étendue des pâturages est parcourue par la la rivière Rosset dont les méandres forment des marécages et des tourbières, milieu idéal pour la grenouille temporaria et pour beaucoup d'espèces de plantes dont la linaigrette.
Nous tombons sur le dessus du refuge de Savoia (2534 m) au bord du lac de Nivolet et d'une route sans issus. Installation dans l'annexe. Excellents repas !
J3 : Refuge Savoia – Pont – Refuge Vittorio Emmanuel II
+ 765 m / – 578 m 12,8 km Refuge Vittorio Emanuel IITemps couvert au réveil. Démarrage peu après 8h00 à travers le haut plateau du Nivolet qui prolonge le plateau découvert la veille. Ce milieu humide est présent dans le parc du Grand Paradis sur des zones réduites. Il a la particularité d'être caractérisé par des plantes qui ont besoin de terrains imprégnés d'eau ou tout du moins humides. Très souvent, il constitue la bande de végétation qui entoure les lacs et les eaux stagnantes (canaux) ou le cours des torrents alpins (Eriophorum scheuchzeri); on considère également comme tel les marécages, les marais et les tourbières, ainsi que les sources, les rochers humides et les prairies humides. Les alpages regorgent de marmottes qui y trouvent en abondance nourriture et eau.
Nous bifurquons vers le nord est en direction de Pont (1960 m) en suivant une ligne de pylones, puis à travers une forêt de mélèzes. A pont, les randonneurs et les alpinistes trouveront un camping, un hôtel, un bar/restaurant et une supérette pour préparer l'ascension du Grand Paradis ou les balades du coin. L'arrivée à Pont me procure un choc : trop de monde et de voitures !
Nous prenons le pique-nique au bar et entamons les 775 mètres de dénivelé positif pour rejoindre le refuge Vittorio Emmanuel II (2735 m) par un bon sentier. Les premiers l'avalent en 1h30, les autres en moins de 2h00. Tout le monde est dans l'allure…
Situé en plein coeur du massif du Grand Paradis et au pied de l'épaulement Ouest du Moncorvé sur la rive droite d'un petit lac, le refuge Vittorio Emmanuele II est couvert d'une sorte de gros demi-cylindre en alu qui le rend visible de loin. Malgré cet attiraille, le refuge s'avère confortable et les gardiens d'une grande gentillesse.
J4 : Refuge Vittorio Emmanuel II – Sommet du Grand Paradis – Vittorio Emmanuel II
+ 1315 m / – 1315 m 9,1 km Refuge Vittorio Emanuel IILa veille du départ, Jean-Pierre est assailli de questions de la part des membres du groupe. Il rassure : “tout le monde ira là haut”. La météo peut aussi en décider autrement et il le sait aussi…
3h30, nous nous levons. Le premier réflexe est de scruter le ciel. Il est rempli d'étoiles. Nous voilà rassurer !
Petit déjeuner rapide et départ à 4h15. Quelques cordées dominent l'horizon par le va-et-vient rituel de la frontale pendant le début des courses de haute montagne. Je l'ai regarde, m'y projette pendant que le reste du groupe fini de se préparer.
Nous partons. Les regards sont perçants. On sent l'excitation de tous. Ce jour est ce pourquoi chacun est venu sur ce circuit Allibert. Me revient alors cette phrase de Mahomet : “Puisque la montagne ne vient pas à nous, allons à la montagne”. Partons sur les traces des premiers alpinistes à avoir gravit le Grand Paradis le 4 septembre 1860 : John Jeremy Cowell, W. Dundas, Michel-Clément Payot et Jean Tairraz.
Nous débutons dans une nuit noire par un long pierrier qui contourne un éperon rocheux pour arriver dans une combe. Nous remontons cette combe en allant en rive droite pour rejoindre l'itinéraire venant du refuge Chabod. C'est ici que nous cramponnons. Deux cordées sont nécessaires. La première part avec un guide italien, la seconde est orchestrée par Jean-Pierre.
L'ascension continue par le glacier Laveciau. C'est une longue et belle ballade glaciaire (1300 m positif), pimentée par quelques belles crevasses à contourner. Nous passons un sérac décroché il y a quelques jours et poursuivons en nous disant que ça aurait pu être en ce moment. Nous assistons au lever du soleil sur le flanc sud est du Mont Blanc. Je pense alors aux Incas qui vénéraient le Dieu Soleil et je perce un soupçon de compréhension devant cette euphorie matinale. Nous poursuivons l'ascension en direction du Becca de Montcorvé pour contourner le mur de glace par la droite qui aboutit sur une épaule à 3850 mètres.
On rejoint ici l'itinéraire normal de l'ascension inaccessible car le glacier du Grand Paradis est tout en glace. Exposé nord, celui de Laveciau est encore praticable. Nous terminons les derniers 200 mètres par une partie un peu raide suivie d'un replat avant d'atteindre le col, ou l'on laisse le matériel technique pour les 20 mètres d'arête sommitale (facile mais aérien). Mais, les guides savent rassurer et pousser les limites de leurs clients. Les derniers 100m de parcours sont en PD+ mixte. Pause photo devant la Madone Maria Immacolata, mains ouvertes, pour immortaliser l'évènement et bref moment d'extase… Au loin le Mont-Blanc, le Cervin et les Grandes Jorasses veillent.
Là haut, la Madone occupe une grande partie de l'espace. Au-delà de 10 personnes la promiscuité invite rapidement à redescendre d'autant que d'autres groupes klaxonnent au portillon. Les places sont rares au paradis…
Nous croisons la seconde cordée de Jean Pierre et redescendons par le même itinéraire. 9h00 après notre départ, nous atteignons le refuge Vittorio Emmanuel II. Nous y prenons le repas avant de nous installer confortablement sur nos lits pour y effectuer l'activité préférée des français : la sieste !
J5 : Refuge Vittorio Emmanuel II – col du grand collet – refuge Savoia
+ 974 m / – 1161 m 13,7 km Refuge SavoiaA notre réveil, ,vers 7h00, je vais à la fenêtre et regarde le ciel. Vérifier la météo est la première des données que je prends au petit matin. Le temps est maussade. De nombreuses cordées ont pris la décision de ne pas tenter l'ascension du Grand Paradis. Seuls quelques iréductibles casse-coups s'y sont lancés au risque de leur vie. Bien que le Grand Paradis soit considéré comme un des 4000 les plus accessibles des Alpes, la haute montagne ne pardonne pas par mauvais temps. Être prudent, c'est savoir rester humble face aux éléments. Bref ! Finalement, nous avons eu de la chance de disposer d'une fenêtre météo pour gravir hier le sommet dans de très bonnes conditions.
Au moment du départ, nous observons les allers et venus de l'hélicoptère qui vient ravitailler le refuge toutes les semaines. Nous démarrons sous une pluie douce et insidieuse. Chacun descend à son rythme jusqu'à Pont où nous faisons une halte pour boire un verre à l'abri. Le temps de notre arrêt le ciel s'est dégagé, nous pouvons donc emprunter le col du grand collet (2832 m) pour rejoindre le refuge de Savoia.
Nous remontons la vallée Valsavaranche en direction du glacier du Grand Etret et bifurquons vers l'ouest pour passer le col du grand collet. Ignorés des randonneurs et alpinistes, le sentier est un excellent itinéraire, avec des portions bien raides, pour observer chamois et bouquetins. L'arrivée au col se déroule dans une ambiance de haute montagne où domine le gneiss, cette roche métamorphique contenant du quartz, du mica et du feldspath, dont la structure en feuillets est parfois marquée par l'alternance de lits clairs et de lits plus sombres. C'est d'ailleurs elle qui domine dans le parc national (75% des roches).
La descente sur l'autre versant s'effectue en douceur. De nombreux chamois fréquentent les alpages sous les contreforts du mont Roley (2996 m). Nous faisons une halte aux bergeries du Grand Collet (2403 m) et reprenons l'itinéraire pour rejoindre le refuge Savoia. La neige se met à tomber. Il est temps de se mettre au chaud.
L'après-midi et la soirée seront l'occasion de fêter l'ascension du Grand Paradis : le premier 4000 pour l'un, la première randonnée glaciaire pour un autre… Juste ce qu'il faut de bières et de gnôles pour rester au chaud. Tout le monde rit. L'ambiance est bon enfant et la nourriture une fois encore excellente.
J6 : Refuge Savoia – Col Rosset – Refuge Benevolo
+ 618 m / – 866 m 9,6 km Refuge BenevoloC'est avec quelques heures de sommeil en moins que nous débutons la journée. Le temps est instable une fois de plus. Le ciel bleu alterne fréquemment avec un tapis couvert.
L'objectif de la journée est de rejoindre le refuge Benevolo (2286 m) par le col Rosset (3023 m). Le sentier commence par un raidillon, le temps d'atteindre la corniche qui surplombe le lac de Nivolet. Nous entrons dans le plateau de Rosset perché entre 2600 et 2800 mètres d'altitude. Nous apprécions la douceur des plateaux où miroitent les lacs de Chanavey, Leita, ou Rosset. Les paysages ont ce je ne sais quoi qui me fait penser aux pays nordiques.
A l'entrée des lacs de Chavaney, nous retrouvons la caillasse qui caractérise les espaces hostiles de haute montagne. Un dernier raidillon à passer pour atteindre le col Rosset. Pause casse-croute.
La première partie de la descente au coeur d'un jolie pierrier est délicate mais nous sommes finalement heureux de ne pas la monter car la pente est bien raide. Nous croisons des visages hagards, des souffles courts…
Puis, les alpages remplacent les pierres, le terrain s'adoucit de fleurs et de marmottes et la pente devient moins raide. Nous atteignons les bergeries du Grand Vaudala (2338 m) où nous birfurquons vers l'ouest. Pendant que nous attendons l'ensemble du groupe, Jean-Jacques tente une approche auprès d'une vache. Elle lui sort sa langue, preuve que ça marche…
Le sentier se poursuit sur un sentier en balcon qui domine la vallée de Rhême Notre Dame jusqu'à atteindre le rustique et spartiate refuge Benevolo tenu par le CAI (Club Alpin Italien). Beaucoup de monde grouille autour du refuge dont la route n'est pas très loin. Par beau temps, vue sur le Grand Combin.
J7 : Refuge Benevolo – Col de Rhêmes Calabre – Val d'Isère
+ 766 m / – 997 m 10,1 kmDépart matinal vers 6h45 accompagné d'un guide de haute montagne supplémentaire pour passer le glacier de Sotze. La haute vallée de Rhêmes s'ouvre sur un décor de moraines et de glaciers qui descendent de la Granta Parei et des autres sommets de la zone : le blanc des séracs des glaciers de Lavassey, Fond, Sotze et Tsantelèina contrastent avec le vert des alpages qui entourent le refuge.
Nous débutons sous un ciel couvert par un bon sentier qui contourne par la droite le truc de Saint Hélène (2640 m) apprécié des chamois et bouquetins. Nous poursuivons par la moraine qui longe les falaises de Granta Paray (3387 m) et passe à proximité du lac Saint Hélène. Sur les moraines, seules la linaire des Alpes et la renoncule des glaciers poussent aisément. Au loin, une petite harde de trois chamois escalade les flancs de Granta Paray. Il se met à neiger.
On rejoint alors le glacier di Sotze au pied du sommet principal de Granta Paray. Nous nous préparons : passons le baudrier autour du bassin, chaussons les crampons, sortons le piolet. Les deux guides nous encordent. Nous remontons intégralement le glacier sous d'épais flocons de neige et dans le brouillard. Plutôt plat, le glacier s'avère crevassé (crevasses bien visibles) dans son cirque sommital. Si le danger est présent, c'est à la phrase de René Char que je pense : « Un homme sans défauts est une montagne sans crevasses. ça ne m'intéresse pas ! ». Et d'ajouter, une montagne sans danger, ça ne m'intéresse pas non plus…
Après le passage du col, nous sommes de retour en France dans le parc national de la Vanoise : quelques névés débonnaires avant d'entamer une longue descente vers le Pont Saint-Charles par un pierrier plutôt raide puis un bon sentier.
Un éboulis de roche se fait entendre depuis le secteur des pointes du Couart. Les voitures garées au parking du Pont Saint-Charles ont failli se faire engloutir. La randonnée se termine dans un café pour se saluer une dernière fois. Peut être peut être pas…
Merci à Jean-Pierre, guide de haute montagne pour Allibert, et à Marie-Astrid, Jean Paul son mari, Jean-Pierre, Xavier et son père Jean Claude, Jean Jacques, Eric, Frédéric et Guy pour les bons moments passés ensemble. Un jour peut-être, nous nous croiserons de nouveau sur un massif de France ou d'ailleurs.
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Hello Greg !
J’ai déjà fait l’ascension plusieurs fois en splitboard mais jamais le grand tour en rando, et ça donne bien envie ! Je me le note pour le faire en trail parce que ce n’est pas (trop) loin de la maison 😉
++
Faudra adapter un peu l’itinéraire car on a passé des glaciers le J7 pour rentrer sur Val d’Isère.