Cabane de Coronas – Refuge d’Anglos (avant Espitau de Vielha)

Cabane de Coronas - Refuge d'Anglos (avant Espitau de Vielha) - Traversée des Pyrénées par la HRP

Focus Rando :Cabane de Coronas – Refuge d’Anglos (avant Espitau de Vielha)

Cabane de Coronas – Refuge d’Anglos (avant Espitau de Vielha)

+1625m/-1640m 9h30

Longue "étape". Ascension grandiose et limite de l’Aneto: grosses sensations! Redescente rapide, l’itinéraire jusqu’au refuge d’Anglos fut ensuite un mélange entre GR et hors-piste parmi des étangs magnifiques: Llosars, Ballibierna, Llauset, Anglos, Mig.

L’envers de l’Aneto et ses lacs
Quelle nuit ! Pas moins de 4 violents orages ont déferlés sur la minuscule cabane/abri. Ca commence par un gros "Brrrrraaouuuummmm" lointain, puis "plic plic" sur la tôle puis "plonk plonk", puis un son (surtout quand ça grêle) et lumière ininterrompu pendant 30min à une heure. Et on se dit qu’on est bien sous ce petit toit dans son duvet plutôt que dehors. Tout juste si on remarque que ça pleut aussi dedans! Nico en fait toute une histoire plutôt que d’en rigoler comme moi, mais c’est vrai que les gouttes tombent tout près de son sac. Lumière: pas de bol, il y a 4 fuites en tout et ça tombe sur lui! Plutôt que de nous couvrir avec la toile de l’abri, on se décale et c’est ok.

Je me réveille à 6h: "Nico, c’est l’heure, debout". Il marmonne quelque chose mais bouge pas. Je me rallonge. 6h30, nouvelle tentative, idem. Je me rendors pour voir à quelle heure il se lèvera si je ne suis pas le premier, pour une fois.
7h30, il décoince et à peine sorti il fixe le départ à 8h. Je dis rien.
Il fait beau, à nous l’Aneto! Enfin si mon talon va bien, si on trouve l’itinéraire et s’il est praticable sans crampons.
On termine les sacs en même temps, juste avant de partir, je prends 5min pour mettre un pansement sur mon orteil.
8h15 c’est parti, on commence très lentement, derrière je suis au ralenti, à 30%, mon talon ne me fait pas mal du tout à cette allure: il pourra mieux récupérer.
Les arbres ont disparus, les névés font leur apparition: on approche de étang intermédiaire de Coronas 2650m. C’est un carrefour: on redescendra par ici pour prendre vers l’est et passer la brèche de Llosars. Je regarde l’itinéraire qui y mène: c’est un couloir rocailleux plutôt raide qui fait pas très envie… On pourrait donc laisser nos sacs ici, mais on n’y pense même pas tant ils sont légers.
On poursuit l’ascension, le cadre est toujours aussi beau: voici les Etangs supérieur de Coronas (2750m), ils sont entourés de gros névés. Le chemin jusqu’ici était cairné et facile à suivre, mais maintenant on hésite un peu. En suivant des cairns douteux, on se retrouve à l’ouest des lacs. La carte indique les deux possibilités: contourner les deux par l’ouest puis le nord ou bien passer entre les deux. Ce sera donc la première solution pour nous.
Je rectifie Nico qui marchait devant en direction du col de Creguena: vers l’est maintenant, on distingue presque le col de Coronas, seule difficulté de cette ascension.
Il n’y a personne, l’envers de l’Aneto est vraiment sauvage et tellement beau. J’ose pas imaginer le nombre de pèlerins qui sont en train de se bousculer sur la voie normale, de l’autre côté. Notre itinéraire par le sud permet d’éviter la foule et le glacier, sauf sur la fin: après le col de Coronas il reste 200m de dénivellée à parcourir sur la voie normale jusqu’au sommet.

On a bien fait de s’arrêter au lac inférieur hier: à part la neige et de grandes dalles, pas vu d’emplacement pour un bivouac par ici.

Le contournement des lacs se fait au jugé et c’est sympa: tantôt sur d’immenses dalles inclinées, sur un peu de neige avec parfois de la grimpette. Cette option ne doit pas être la plus empruntée puisqu’on rejoint finalement des restes des traces qui viennent d’entre les deux lacs et qui montent droit vers le col. Mais pour arriver jusqu’ici elles empruntent à flanc un immense névé assez incliné ce qui ne nous fait pas regretter d’avoir contourné les lacs.
La neige est assez dure, on s’enfonce à peine et quand on regarde vers en haut on s’aperçoit que le haut du névé est à l’ombre, justement là où il est le plus incliné. Ca va être délicat, d’autant plus que nous sommes les premiers et que les marches des précédentes ascensions ont été quasiment effacées par les orages de la nuit…
Heureusement qu’on est partis tard finalement: la partie à l’ombre a diminué au fur et à mesure que le soleil montait.
Nous voici sur le névé menant au col. On progresse d’abord avec les deux bâtons, moitié en adhérence sur les pieds, moitié en accroche avec les bâtons, quand la pente s’accentue on range un bâton pour prendre le piolet, histoire de pouvoir enrayer efficacement une glissade si elle arrivait…

Puis la pente devient vraiment raide, les restes de traces qui nous servaient plus ou moins à prendre appui ne sont plus exploitables: le ruissellement de cette nuit les a gommées. Je prends alors le piolet par le manche et progresse en traction sur la lame plantée à chaque pas. On arrive alors à l’ombre et là, c’est une patinoire… Les semelles n’ont absolument plus aucune accroche et dérapent dans tous les sens.
On s’adapte: le pied aval calé sur le bâton planté jusqu’à la rondelle, je taille une marche à l’ancienne avec le piolet, puis une deuxième, pas trop haut. Planté de piolet, il tient béton, traction, je mets mes pieds dans les marches, planté de bâton juste sous le pied aval et je recommence l’enchaînement. Nico suit bien, plutôt à l’aise. On fait gaffe à pas tomber: vu la dureté de la neige, le piolet ne ferait probablement que ralentir la chute jusqu’à arriver sur de la neige plus molle…
Encore quelques marches, nous voilà parmi le chaos de blocs qui précède le col. La pente est encore plus raide et c’est une petite esclade qui nous attend.

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3

170m, l’ambiance est plutôt stressante: le terrain est visiblement croulant et les blocs nous surplombent. Un sifflement impressionnant nous domine: le vent doit s’engrouffrer au col et nous envoie parfois quelques tourbillons glacés. Sous nos pieds les cailloux roulent et dévallent le toboggan glacé qui nous donne maintenant le vertige. On trouve chacun un endroit stable pour changer de configuration: piolet et bâtons rangés, polaire pour Nico et blouson pour moi et sac bien serré sur le dos. On a froid aux mains mais ça va et puis il y a de la grimpette à faire, donc on ne met pas nos gants… (euh nos chaussettes de rechange en fait!). Alors qu’il sort sa polaire, je vois la cartouche de gaz bondir hors du sac de Nico, elle part en vol plané vers le bas, je me raidi… Un rebond un mètre sous ses pieds, un deuxième, puis miraculeusement elle s’arrête net au juste bord du bloc comme pour regarder la longue glissade de 450m de dénivellée qui l’attend si elle bascule. On se regarde… Sourires, puis on rigole. "Rho putain le bol !". Il descend calmement la récupérer.
La grimpette est pas rassurante mais pas difficile du tout techniquement si on prend les passages les plus faciles, mais Nico flippe un peu. Le contraste à l’arrivée au col est inoubliable: le soleil nous fait revenir dans un monde de lumière et de chaleur d’autant plus que le vent que l’on craignait est finalement faible. La pente est douce et après un petit névé sympathique, on découvre la vue sur le versant nord: saisissante. On est époustouflés. Une mer de nuages renforce encore cette impression de survoler le monde, d’être au dessus de tout…

Quelques personnes encordées avec piolet et crampons nous voient émerger, l’air de se demander d’où on vient avec nos basquets.
On n’a plus qu’à suivre la voie normale, la neige est molle et une ornière balise le chemin.
Peu de temps après, nous voilà face au fameux Pas de Mahomet. Plusieurs personnes attendent, se reposent (ou méditent!) là avant de le franchir! Il s’agit d’une courte arête rocheuse se trouvant juste avant le sommet. On pose les sacs, certains équipés d’une longue corde sont en train de franchir le passage. Je prends l’appareil photo et on va voir ça de plus près.

Certains endroits sont étroits c’est certain (surtout celui où j’ai pris mes pieds en photo!) et il y a des petits passages où il faut poser les mains, mais techniquement c’est très facile. La difficulté viendra d’abord du vide qu’il y a à gauche et à droite et qu’il faut arriver à appréhender. Plusieurs personnes se sont d’ailleurs arrêtées avant le passage.
Nous découvrons un sommet très religieux: une grande croix et une boîte contenant divers crucifix et autres "offrandes". C’est vrai que d’ici la vue porte loin… Surtout aujourd’hui où l’air est limpide: en regardant vers l’est, toujours pas la mer mais un océan de sommets, crêtes, vallées s’étalant jusqu’à l’horizon. C’est pas fini l’aventure!
Nico demande pourquoi on descend pas directement par là (face sud) pour arriver directement à l’étang de Llosars. Je lui décrit la falaise, la difficulté qu’on pourrait avoir à trouver la voie et le fait que c’est pas si facile que ça en a l’air. Apparemment il appréhende la descente, mais je le rassure: "T’inquiète, on fait comme d’hab’: on assure un max en analysant bien, si ça le fait pas on a des alternatives: la voie normale par exemple". On va glander exprès près des sacs pour que la neige du névé sous le col aie le temps de fondre.

On refait le Pas de Mahommet et on mange un peu en prenant le temps d’admirer le paysage. De retour au col, on est rassurés de voir que le haut du névé est au soleil. Comme prévu, la neige s’est bien ramollie, les semelles accrochent un peu, on descend très prudemment les premiers mètres qui nous ont posé problème à la montée en marchant sur quelques petits rochers qui ont dévallé des blocs au dessus. Après quelques moments tendus, la pente s’adoucie un peu, je me lance en ramasse. Mais comme un imbécile, j’ai oublié de sortir le deuxième bâton… Me voilà donc schuss dans la pente avec un seul bâton sur lequel m’appuyer pour ralentir. Je le sens arqué à rompre, ma vitesse augmente toujours, j’hésite à basculer sur le ventre pour m’arrêter avec le piolet et repartir avec deux bâtons ce qui me permettrait de mieux prendre appuie sur l’arrière pour contrôler l’allure. Finalement ma vitesse se stabilise, les jambes encaissent et le bâton tient bon, je continue donc ainsi, full speed !!!
Bien calé, je prends ainsi un plaisir intense à avaler 150m de dénivellée en une minute.
Nico me rejoint, "Putain j’me disais il va péter, il va péter (le bâton)… T’allais à une vitesse…".
On décide de ne pas refaire le tour du lac et d’emprunter le grand névé pour passer entre les deux, rebelotte, je pars en ramasse, mais avec les deux bâtons cette fois et sans piolet (la pente est modérée).

Finis avec la neige, nous revoilà au lac intermédiaire de Coronas, mes chaussures sont à peine mouillées au niveau du col: le bas du pantalon a empêché la plupart de la neige de rentrer. On bifurque à gauche direction la brèche de Llosars par un couloir rocailleux pas très engageant. "Quelle galère nous attend" on se dit… Finalement ça se passe bien, au flair et en suivant au mieux possible les quelques traces, tels des détectives, on évite de galérer dans ce terrain croulant.
Arrivés à la brèche, la suite de l’itinéraire apparaît: l’étang de Llosars au pied de l’Aneto et au loin le col de Ballibierna, mais avant d’arriver à l’étang, il va nous falloir traverser un immense chaos de blocs…
C’est parti… Nos chaussures montrent à cette occasion une redoutable efficacité: ce qui importe dans ces blocs c’est que la cheville reste parfaitement souple pour s’adapter au maximum de configurations et que les placements soient rapides et précis. La légèreté des trails est idéale dans ce cas.

On saute donc de bloc en bloc après avoir rangé les bâtons sans vouloir imaginer quelle galère ça aurait été pour des sacs lourds…
Quelques tentes sont plantées près de l’Etang, je m’arrête un instant regarder la face sud de l’Aneto et la désigner à Nico qui voulait descendre par là. J’observe aussi la secrète petite arête sud que j’aimerai grimper un jour.
D’après la carte, l’itinéraire continue au sud-est en passant près de l’Etang Petit de Llosars pour rejoindre le GR11 près du col de Ballibierna, mais on décide plutôt de couper en prenant à flanc (2450m) vers le sud pour rejoindre le GR11 directement. Après les émotions intenses vécues jusqu’à maintenant, ça nous permettra de longer les Etangs de Ballibierna et de retrouver la paresse intellectuelle que permet le balisage d’un GR ! On est vite rendu après une session de grimpette/saut de blocs/traversée de buissons hors piste et on s’accorde une pause bien méritée près d’une rivière idyllique au bord du GR.
Petit bilan de santé. Dans l’excitation de l’ascension, j’avais complètement oublié mon tendon d’Achille, je m’aperçois pendant la pause que malgré avoir bien forcé, je n’ai pas mal du tout. A croire que je faisais une fixation… pas impossible. Quelques ampoules aux orteils me font un peu mal, mais c’est pas grand chose. On est cool, allongés sur des blocs chauffés par le soleil, on blague mais quand Nico dit:
"Quand même si on dit départ à 8h, ce serait bien de partir à 8h", je me dis l’enfoiré, il ose dire ça.
"Ce matin on devait partir non pas à 8, mais à 7h comme convenu ensemble hier soir. Pour UNE fois je ne me suis pas levé en premier pour voir quand tu décoincerais et ce matin c’est toi seul qui a fixé 8h, j’ai pas dit ok. Deux raisons qui font que t’as pas à dire ça".
"T’as pris 20 minutes pour mettre ton pansement"
"Arrête un peu, ok". Ca dure ainsi 5 minutes puis on se calme et on recommence à rigoler.
Après deux petites disputes les jours 10 et 14 concernant l’itinéraire à suivre, celle-ci concerne l’heure du lever. Je me rends compte qu’il s’agit à chaque fois de divergences sur des points importants qu’on n’avait pas pris de le temps de fixer avant de partir… Au moins, après c’est plus clair! Remarque: encore une fois on s’engueule quand tout va bien!
On repart après 1h, bien reposés. Les lacs de Ballibierna sont jolis, mais le balisage du GR11 est mal fait et pas clair au point que par moments on doit l’ignorer…
2720m, col de Ballibierna
On enchaîne, un peu fatigués quand même, en descendant vers l’Etang du Cap de Llauset, près duquel on découvre les restes d’un crash d’avion, puis en remontant de l’autre côté pour passer un petit col entre le pic de la Solana et le pic de Soubiron. Là la vue sur les étangs de Cap d’Anglos nous saute aux yeux, les nuages qui passent créent un jeu d’ombre et de lumière fascinant. On a hâte de voir à quoi ressemble le refuge d’Anglos que le randonneur rencontré après Parzan nous a décrit comme "saccagé".

D

e loin il paraît très mignon et occupé puique la porte est ouverte, mais il n’y a personne et effectivement la table, le banc, l’armoire, le plafond, les murs et les montants des lits ont été vandalisés, quel dommage. Mais pour nous c’est un hotel: il y a des murs, un toit hermétique , des lits et même des matelas! Bon un peu pourris quand même, mais avec la couverture de survie par dessus et dans notre sac de couchage on devrait pas risquer grand chose.
Il est 19h, on finit les restes de bouffe de la journée, puis on va se laver. "Elle est chaude!" me dit Nico en revenant. Effectivement, surtout après une telle journée, c’est un régal de se laver avec cette eau chauffée au soleil toute la journée alors qu’elle s’écoulait tranquillement dans ce cadre idyllique.
On s’endort fatigués et heureux dans notre hotel après cette super journée, une bonne soupe, un délicieux riz au curry et deux desserts dans le ventre.

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