Happés par le fond de la vallée, le grondement de la rivière croit tandis que nous approchons de son lit. Nous la suivons désormais, prisonniers des gorges superbes. Nous devons bientôt changer de rive pour suivre le sentier. Nous empruntons une passerelle tandis que les chevaux, trop lourds et trop gros, doivent passer le guet. Il est déjà une heure avancée de la journée- aux alentours de 13h- et le débit est important. Il n’y a pourtant pas d’alternative, et les chevaux doivent traverser. Ils refusent dans un premier temps d’avancer, apeurés par l’obstacle.
Contraints et poussés par les guides, ils finissent malgré l’appréhension par s’élancer dans l’eau et franchir la dangereuse barrière. Mais l’un des chevaux, plus faible, peine à avancer. Un des guides a grimpé sur son dos pour le faire avancer, lui donner des coups sur les flancs. Le cheval avance difficilement. Il est déporté par la force des eaux, et l’animal est à la limite d’être renversé et entraîné. Quelques mètres surélevés, nous observons la scène avec angoisse. Dans un dernier effort, il réussit à s’extraire du piège pour atteindre l’autre berge. De notre côté, nous devons franchir un pas d’escalade à flanc de falaise, où la chute est interdite. Vincent est un peu réticent, mais passe sans grosse peine. Seulement un petit frisson pour se glisser le long de la paroi, et accéder au sentier ferme. Les gorges s’ouvrent sur la droite, et nous empruntons le passage qui s’élève et doit nous sortir de ce long couloir étroit pour retrouver la vue aérée des derniers jours.
C’est une longue remontée qui s’annonce, abrupte et escarpée, qui doit nous élever de 450 mètres. La montée est terrible, après une journée déjà longue en difficultés. Le sentier serpente en lacets serrés. Les guides sont derrières et semblent peiner, avançant moins aisément qu’à l’accoutumer. Un cheval apparaît clairement plus fragiles que les autres. Celui là qui faillit être entraîné par les eaux. Nous doutons sur sa capacité à arriver au sommet. Il peine horriblement. Je l’entends souffler anormalement. Sa respiration est poussive. Je fais la montée à ses côtés, l’encourageant, lui donnant des tapes pour le forcer à avancer. Parfois je le pousse pour lui donner un peu d’élan ou d’entrain. S’il devait s’affaisser, je suis prêt à prendre une partie de son chargement sur le dos. Je me sens bien physiquement.
Si Stéphane et Vincent semblent un peu moins à leur aise, je suis certain qu’ils feraient malgré tout de même. Une petite descente annonce l’arrivée proche. Le cheval part en courant, trop faible pour retenir sa course, et freiner sa masse qu’il ne contrôle plus. Enfin le camp est là, et le repos attendu pour tout le monde. La journée a été longue, et magnifiquement variée. Peut être même qu’il s’est passé trop de choses pour les apprécier à leur juste valeur.
Toujours est-il que le franchissement du col dans la neige, la communion au sommet avec l’équipe, la traversée des gorges et enfin la dernière remonté à pic resteront à coup sur comme une succession de paroxysmes de beauté et d’émerveillement. Dans la difficulté et l’effort, je retrouve une certaine exaltation qui m’apporte une récompense bien plus grande et intense.
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