Pour rejoindre Botiza, un chemin part de derrière l’église et s’élance, raide et tortueux, à l’assaut de la colline. Bien vite, nous laissons derrière nous les toits du village pour nous enfoncer dans une mer bruissante de hautes herbes, de marguerites et de bleuets. Autour de nous, l’horizon s’inscrit en un cercle de croupes arrondies et douces et de fraîches odeurs jaillissent des haies et des bosquets de noisetiers. Un petit monastère se cache dans ce décor de paradis, son église toute neuve en bois à peine finie. Une paysanne se reposant près de là à l’ombre d’une meule de foin, nous dit qu’un moine vit ici dans la solitude, mais est absent en ce moment.
Nous faisons halte quelques instants pour nous imprégner de la quiétude du lieu et inscrire en nous ce spectacle de vie et de lumière. Une vie, non pas comme un fougueux torrent en perpétuel mouvement, en constante agitation, mais comme un ondoiement, quand le temps s’écoule simple et tranquille, à fines gouttelettes, et que l’on se contente du plaisir d’être là, d’exister. Jouissance sans hâte du temps qui passe, du silence : nous sommes loin de nos contraintes habituelles de bruit et d’urgence, loin d’Internet et du téléphone portable, symboles même de la hâte qui régente nos vies, quand il faut être joignable et disponible à tout instant et partout et qu’il faut réagir dans la seconde. Nous sommes ici dans un vieux pays rural, dans un monde de lenteur où s’égrènent au fil du temps les saisons, les travaux agricoles et les générations, dans un cycle toujours renouvelé qui donne de la solidité aux racines.
Randonner en ces régions, c’est une vraie cure de désintoxication.

Quelques jours plus tard au milieu de nulle part. Nous restons encore une nuit pour jouir à nous tout seuls du paysage grandiose, de la solitude et du ciel étoilé. Ramasser du petit bois, le mettre en place en une savante pyramide aérée : la préparation du feu est une leçon de patience pour Vincent qui débordant d’énergie, agit habituellement avec fébrilité. Ce soir, le dîner sera fait de tartines grillées et de fromage. Bientôt de hautes flammes montent vers le ciel dans la nuit sombre et nous mesurons le bonheur d’être là, en famille, dans ce lieu magique des Carpates, aux marches de la Moldavie et de l’Ukraine. A eux seuls, ces noms-là évoquent tant de mystère, tant d’histoires et de légendes, qu’ils nous font entrer dans la magie du lieu.
Après quelques chansons sans lesquelles il ne saurait y avoir de feu de camp digne de ce nom, les enfants réclament des histoires et j’épuise tout mon répertoire de contes sur les loups. Le lieu est on ne peut plus propice. Tout autour de nous, il n’y a âme qui vive si ce n’est sans doute quelque berger ayant son chien pour seul compagnon, et le silence n’est habité que par le crépitement du feu et le vent léger caressant l’océan des sapins. Puis nous ne disons plus rien, nous laissant pénétrer par la beauté de cette nuit d’été et nous sentant infiniment petits dans ce fabuleux décor de ciel et de montagnes. Perdus dans la contemplation du feu, nous nous tenons blottis les uns contre les autres, et le seul fait d’être là, tous les quatre, à vivre intensément ce moment simple, nous rend immensément heureux.

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