Jeudi 19 octobre : Summit day
En fait c’est à 0h40 que Janbu vient nous apporter le thé au lit. J’ai très bien dormi, de ce coté-là tout est OK. Par contre il ne fait pas super beau, quelques étoiles sont voilées par des nuages qui sont restés accrochés au relief, pas de quoi nous empêcher de monter. Cette fois, on ne peut plus reculer. On s’encourage mutuellement avec Gérard car on pressent que ça va être très dur.
Mingbma nous apporte un gros bol de muesli, je le mange difficilement et ne me sens pas très bien après, j’ai des relents de la soupe d’hier soir et un peu mal à l’estomac, il faut dire que le pauvre est sacrément noué tellement je stresse à l’idée de l’épreuve qui nous attend, là, juste au dessus de nos minuscules habitations de toiles. Prétentieuses petites fourmis que nous sommes, espérant gravir ce géant de pierre et de neige à l’atmosphère glaciale et raréfiée.
Lorsque les œufs et les toasts arrivent à leur tour, impossible d’y toucher, mais de toute façon Gérard non plus ne peut pas les avaler, il doit être aussi angoissé que moi. Seb nous entend et nous encourage depuis sa tente.
15 minutes avant le départ, afin de partir l’esprit et le corps le plus léger possible, et avant de revêtir la totalité de mon équipement de haute montagne, je file aux toilettes. Et là, catastrophe ! J’ai du chopper une saleté, car je me paie une bonne diarrhée, du genre qui vous met à plat pour la journée en vous déshydratant à toute vitesse. Et ce n’est rien, car j’ai à peine le temps de me retourner à l’intérieur du minuscule réduit qui sert de latrines que je vomis l’intégralité de tout ce que j’ai absorbé depuis la veille au soir : thé, soupe, spaghetti, thé, pomme (la coupable ?), thé, muesli, thé…
Je n’ai donc plus du tout le carburant indispensable à une ascension comme celle qui nous attend. Catastrophé, j’en fait part à Gérard, il semble tout à coup beaucoup moins confiant sur mes capacités à monter. Peu importe, je ne reculerai pas maintenant que tout est prêt, des mois de préparation, dix jours de voyage et acclimatation, 2000€ investis, 4 semaines de vacances, et un rêve à accomplir. Ce n’est pas un vidage intégral de mon intérieur à 20 minutes du départ qui va tout compromettre !
1h50 : nous partons. Heureusement que Seb a pu prêter sa frontale à Kadje qui n’en avait toujours pas, alors qu’il sait depuis Lukla qu’il en aura besoin. C’est ça aussi l’organisation népalaise : l’insouciance qui frise l’inconscience. En tout cas pour nos esprits rationnels, scientifiques, industriels, productivistes…
Départ donc à la frontale, l’air est glacé, le drap de la nuit noire est à peine déchiré par le halo des étoiles et de la lune estompé par un voile nuageux, et seuls nos vaillantes petites frontales osent trouer localement ce manteau d’obscurité par leur clarté qui se limite à 5 ou 6 mètres.
Nous traversons le camp de base où règne une atmosphère fébrile. Chaque nuit c’est la même chose, les expéditions se mettent en route et inlassablement se dirigent toutes vers cet objectif commun, si haut, si loin, si froid, si inhospitalier. Apparemment toutes les expés (une quinzaine peut-être au total) ont décidé de partir vers 2h. Certaines sont déjà assez avancées sur le chemin qui serpente dans les premières pentes, d’autres se réveillent à peine.
L’ambiance est tendue, on sent l’angoisse et la peur de l’épreuve tant espérée mais aussi terriblement redoutée chez chacun, sauf chez les guides népalais pour qui c’est une routine, y compris notre shirfa Kadje qui a gravi les flancs de cette montagne une dizaine de fois.
Les dernières tentes du camp de base sont à peine passées que le chemin s’élève en pente régulière pas trop prononcée. Nous somme partis depuis 20 minutes, et voilà que je suis repris de violents spasmes à l’abdomen. Je croyais avoir tout rendu avant le départ, manifestement il en restait un peu planqué au fond de mon estomac puisque je nourrirai les choucas 2 fois en 5 minutes en ce début d’ascension.
Gérard et Kadje sont livides, peut-être encore plus que moi ! Ils dirigent toute leur attention vers moi. Kadje me propose de redescendre si je ne me sens pas bien, mais j’insiste pour continuer malgré les doutes que je ne veux pas laisser s’installer dans mon esprit : je me battrai jusqu’au bout, je monterai jusqu’au point où mon corps m’interdira de continuer, mais dans ma tête cette idée s’impose comme une évidence : je n’abandonnerai pas tant que je peux mettre un pied devant l’autre.
Nous montons à peu près à la même allure que les cordées qui nous précèdent, nous nous offrons même le luxe d’en dépasser une avec laquelle nous ferons partie de « saute-mouton » tout au long de la montée, leur cordée rattrapant la nôtre au fil des pauses et inversement.
C’est Kadje qui dicte le rythme des pauses. A l’audition de son « OK, rest ! », nous savons que nous n’avons qu’à nous asseoir sur le bout de rocher qu’il nous indique, hagards, le regard dans le vide noir et froid de la nuit himalayenne, incapables de contester ou de décliner cette invitation qui sonne comme un ordre. Il prendra alors lui-même systématiquement la thermos dans la poche de mon sac à dos et nous servira à tous deux quelques gorgées de thé chaud indispensable à notre hydratation, avant de replacer la bouteille isotherme dans mon sac.
Le sentier s’élève en pente sablonneuse jusqu’à 5500m environ. Une irrésistible envie m’obligera à nous arrêter entre 2 rochers, et par -20° je devrai à nouveau me rendre à l’évidence : mon corps se rebelle contre cette accumulation d’agressions diverses. Je suis malade et certainement déjà fortement déshydraté de n’avoir rien gardé de liquide depuis hier soir. Mais dans ma tête je refuse toujours cette fatalité, et je reste concentré sur mon seul objectif, déterminé à continuer coûte que coûte jusqu’au sommet.
Et nous reprenons notre ascension dans le calme et les encouragements de Kadje, nous nous motivons mutuellement avec Gérard qui ne se sent pas au mieux de sa forme non plus. Lui qui m’avait habitué à me « laisser sur place » lors de nos sorties en ski de rando est incapable d’aller plus vite que moi, décidément c’est un jour sans…
La pente se redresse et nous arrivons dans une sorte de petit dièdre, où il est nécessaire d’utiliser les prises de mains pour progresser et franchir des pas de 50 à 80cm de haut. C’est du 2 maximum en cotation d’escalade, mais ce qui serait amusant aux altitudes qui sont les nôtres en France par une belle journée d’été est d’un tout autre ordre à 3h du matin et à 5600m d’altitude… avant chaque pas un peu « engagé », où il faut « tirer sur les bras » en même temps qu’on s’élève de 60 à 80cm sur la jambe, nous prenons 3 ou 4 longues respirations, puis à nouveau nous reprenons notre souffle et laissons redescendre notre rythme cardiaque une fois le pas franchi.
A 5700 m le sentier débouche sur une arête rocheuse un peu plus aérienne, avec la nuit et la difficulté de la progression nous n’en avons pas conscience, ce n’est qu’à la descente que nous constaterons qu’en dehors des 60cm de large qu’éclaire notre frontale, il n’y a que… du vide !
Au-dessus de cette arête Kadje perd son chemin, et nous nous trouvons dans des blocs et dalles instables qui approchent le niveau 3. Kadje nous demande alors de stopper, il grimpe ensuite comme un chamois pour retrouver un passage vers le chemin. Celui-ci nous sera indiqué par la cordée « saute-mouton » qui elle, ne s’est pas trompée.
Ces 5 minutes d’attente à 5750m nous font prendre conscience du froid intense qui règne ici à 4h30 du matin. Le ciel s’est totalement dégagé durant notre ascension qui a débuté depuis 3 heures maintenant, mais nous étions trop assommés par l’effort pour nous en rendre compte. Tout ce qui compte pour nous est de savoir comment nous allons trouver l’énergie nécessaire pour le plus dur qui reste à faire. Où trouver la force de faire le prochain pas, puis ensuite le suivant, quand des milliers d’autres suivront encore, de plus en plus durs au fur et à mesure que nous nous élèverons ?
De temps en temps nous prenons des nouvelles de l’autre : « –ça va Gérard ? – putain, c’est dur ! –ouais, moi aussi j’en peux plus ! Mais on va y arriver. –ouais, on ira en haut ! On l’aura ! »
Kadje a trouvé un passage pas trop exposé pour rejoindre le sentier. Il dégringole vers nous pour nous l’indiquer comme s’il était dans son jardin. Comment font-ils ces népalais pour être aussi alertes malgré l’altitude et leurs conditions de vie difficile, sans parler de leur équipement : Kadje a choisi de grimper en baskets, alors qu’il a dans son sac à dos les superbes « La Sportiva » ultra-light avec chaussons thermiques et semelles vibram de Seb.
Moi-même dans mes Boreal G1 + énormes chaussettes thorlo « -30° » je n’ai pas si chaud, je ne sais pas comment il peut résister à la morsure du gel avec des baskets et des chaussettes fines, sans parler de ses gants usés jusqu’à la trame qu’il enlève régulièrement, alors que nous avons sous-gants thermiques + gants de laine + surmoufles en Gore-Tex (payées un prix indécent…), et que ce n’est pas de trop.
A nouveau nous nous faisons violence pour ne pas céder à l’envie de se pelotonner sous un rocher pour y dormir, oublier l’effort, le froid, et reprenons le chemin vers le haut. A 5800 m nous accédons à la partie neigeuse de la voie. Depuis quelques temps nous apercevions les séracs d’un glacier qui descend sur notre gauche en contrebas, cette fois nous rejoignons la partie supérieure de ce même glacier qui coiffe de son énorme bonnet de glace et de neige le haut de l’arête sur laquelle nous progressions.
Nous chaussons les crampons et les baudriers, et nous nous encordons pour nous engager sur la trace qui traverse une zone de crevasses. Il est 5h et le froid est à son apogée, -25°C peut-être. Je commence à avoir froid au pouce droit, celui qui est en contact avec l’aluminium glacé de mon piolet, impossible de changer de main car j’ai la corde à ma gauche et cela me gênerait. Je change alors la position de ma main sur la « panne » afin de ne plus avoir le pouce en contact avec le manche, et cela suffit à arrêter la morsure du gel. Comme quoi il me reste encore un peu de lucidité malgré les sollicitations que je fais subir à mon pauvre corps : maladie, déshydratation, effort physique intense, froid, stress, nuit, fatigue… Certains trouvent que c’est de la torture et ne comprennent pas les motivations que l’on peut avoir pour ce genre de loisirs, et franchement, parfois, je les comprends ! Pourtant à cet instant je suis heureux, j’existe plus que jamais, je partage avec mes 2 amis Gérard et Kadje ces sensations énormes d’intensité, et je ne voudrais pas passer à coté de ça ! J’aimerais que Seb soit avec nous, mais je sais qu’il est encore confortablement au chaud dans son sac de couchage en duvet et que c’est de cela dont il a besoin à l’heure actuelle.
Et nous repartons à nouveau dans la neige… L’effort y est plus régulier, moins saccadé que dans les blocs, et convient mieux à notre entrainement physique. Pourtant nous souffrons toujours autant et sentons que nous devrions progresser plus vite et plus facilement : ce n’est pas plus raide ni plus technique que les sorties que nous faisons dans les 4000 des Alpes, c’est juste 2000m plus haut… Et ça change tout !
6h. 5922m. Cette fois j’ai battu mon record d’altitude. Le sommet du Kilimandjaro est 26m sous mes pieds. J’attendais ce moment depuis 5 ans, et surveillais mon altimètre plus régulièrement depuis quelques minutes. J’ai pourtant laissé passer le moment où il m’indiquerait les 5896m de mon précédent record. C’est une première victoire, un premier objectif que je m’étais fixé. Le prochain est le passage des 6000m. Je n’en suis plus qu’à quelques centaines de pas…
Le jour s’est levé vers 5h30 mais c’est seulement maintenant que les rayons du soleil passent au-dessus des sommets qui nous entourent et viennent réchauffer nos corps martyrisés par tant de difficultés. Il faut immédiatement se protéger la peau et les yeux du rayonnement, car à cette altitude l’atmosphère raréfiée (environ 48% de celle au niveau de la mer) laisse passer une énorme quantité d’UV nocifs, qui en plus se reflètent dans la neige et s’en trouvent doublement activés. Je choisis de revêtir mon masque de ski, qui me protège aussi du froid. C’est un mauvais choix, car l’air va se réchauffer très vite dans la combe orientée plein est où nous nous trouvons, et me fera transpirer abondamment du visage. Je devrai à nouveau m’arrêter pour le remplacer par mes lunettes d’alpinisme, perdant un temps précieux et une énergie qui l’est encore plus. Le simple fait de quitter mon sac à dos, fouiller dedans, changer de lunettes, ranger le masque, refermer le sac et le remettre sur mon dos m’essoufflera pour 2 ou 3 bonnes minutes à cette altitude. Au fait, entre temps nous avons passé les 6000m. Je prends une photo « à la Claude Soprano » pour immortaliser cette deuxième victoire. OK, je ne suis pas à 6000 pile mais à 6012, mais il est hors de question de redescendre pour la photo, ne serait-ce que de 12 mètres !
6040m. 7h du mat. Nous bataillons sans interruption depuis plus de 5h. Nous sommes maintenant au pied de cordes fixes installées dans une pente de plus de 100m de dénivelé qui s’élève à 40-45° vers l’arête sommitale. Un guide népalais d’une autre cordée est présent au bas des cordes, il attend la 2° partie de son groupe. Il nous aide à nous installer sur la première corde. C’est là que je me rends compte que Janbu, à qui j’ai fait vérifier mon installation de poignée « Jumar » ne m’a pas dit qu’il fallait aussi une « vache » pour s’assurer au passage des ancrages ou aux relais entre 2 cordes… Et c’est à nouveau le matos de Seb qui va nous sauver. Ses sangles et mousquetons nous permettrons de confectionner sur place l’équipement qu’il nous manquait, ouf, nous monterons en toute sécurité. Merci Seb, tu vois, t’étais avec nous sans le savoir !
Kadje passe en premier, je le suivrai puis ce sera Gérard, respectant l’ordre que nous avons mis en place inconsciemment pendant toute l’ascension.
Bizarrement, la cordée « saute-mouton » avec qui nous avancions à la même vitesse dans la partie rocheuse a pris beaucoup d’avance sur nous, et nous devance nettement. Elle est à peu près à mi-hauteur dans la pente. En les observant, nous constatons qu’ils passent leur temps à attendre, statiques, immobiles, comme des araignées endormies sur un seul et même fil, ou encore des skieurs sur un téléski en panne. Mais pourquoi ne progressent-ils pas le long de cette corde, pour s’élever dans la paroi ?
Les premiers pas dans la pente à 40° qui ne cesse de se redresser jusqu’en haut nous donneront vite la réponse… C’est tellement dur ! Tous les 2 pas je m’arrête pendant 3 à 4 minutes pour souffler et faire diminuer mon rythme cardiaque, qui remontera immédiatement à son maximum lors des 2 pas suivants. Jamais je n’aurais cru qu’un effort pareil demande autant de volonté…. Qu’ils sont éloignés les points d’ancrage distant d’à peine 20m chacun ! Qu’elle est haute cette arête qui signifie la délivrance de cette partie terriblement éprouvante, que je vis comme une véritable torture et sur laquelle je n’arrive plus à trouver aucun plaisir tellement j’en bave…
A chaque relais c’est une autre gymnastique, tout aussi éprouvante : bloquer sa poignée sous le point, enlever sa « vache » de la corde du bas, la mousquetonner sur la corde du haut sans s’emmêler dans la cordelette reliée à la poignée, défaire le mousqueton de sécurité de la poignée (ne pas le perdre dans la pente !), défaire le cliquet du coinceur, dégager la poigné de la corde du bas pour la réengager sur la corde du haut AU DESSUS de la vache (sans entortiller les sangles qui les relient au baudrier !), faire sauter le cliquet et remettre le mousqueton de sécurité une fois la poignée bien en place… Tout cela en appui sur les pointes avant des crampons et avec 3 épaisseurs de gants. En dehors des premiers cafouillages du début, il me semble que nous y passons au minimum 3 minutes. Le temps est difficile à estimer tellement sa notion est faussée par l’altitude, et de toute façon cela importe peu : seul compte l’unique obsession de l’alpiniste, monter, toujours monter, jusqu’au but qu’on s’est fixé, en l’occurrence le sommet qui nous nargue du haut de ses 6189m depuis 6h maintenant. Il faut néanmoins toujours rester lucide et avoir un regard critique sur sa situation pour ne pas se mettre en danger si les conditions venaient à changer. En ce qui concerne la météo pas de problème, il n’y a pas de vent et aucun nuage à l’horizon, c’est du « grand beau » aujourd’hui.
J’arrive au dernier relais. Plus bas, Gérard est d’autant plus gêné qu’il n’y a personne au-dessous de lui pour tendre la corde, et donc elle coulisse mal dans les premiers mètres, avant que son propre poids ne lui applique la tension nécessaire à un bon coulissement dans la poignée. Dernier relais. Je reprends mon souffle. Je n’ai plus aucune force. Pour me donner du courage, j’estime le nombre de pas qu’il me faudra faire pour en découdre avec cette maudite pente que j’aurais pris tant de plaisir à gravir en « piolet traction » sous nos altitudes alpines, et qui me fait tant souffrir ici.
J’estime à 30 pas la distance qui me sépare de la délivrance. Allez, j’en fais 4 sans pause. 5 même ! Plus que 25 pas… récupération… 21 pas… je souffle…. 15… respirer, écouter son cœur battre à en faire éclater la poitrine… 15…. 10… non, je me suis trompé, il me faut encore au moins 20 pas, on recale le compteur… 17… 12…. La pente s’adoucit mais la corde surtendue coince mon mousqueton contre la neige durcie. Il me faut maintenant faire un effort pour me hisser puis tirer sur la poignée devenue un frein, mais indispensable à ma sécurité, car plus de 100m de pente raide s’ouvrent maintenant sous mes chaussures.
Kadje est là, il me serre la main… après une heure trente de bataille acharnée j’en ai fini de cette galère ! Gérard arrive quelques minutes plus tard. Il est totalement exténué lui aussi, nous ne disons rien, nos regards se tournent déjà vers l’arête sommitale qui constitue notre ultime épreuve.
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6120m à la montre. Il reste moins de 70m à gravir le long d’une arête de neige assez aérienne. A gauche, plus de 2000m de pente à 70-80°, pas question de faire un faux pas ! A droite, entre 100 et 200m de pente à 45-50° que nous avons eu tellement de mal à monter, hors de question de les redescendre involontairement dans une glissade peu maitrisable.
Heureusement l’arête est équipée elle aussi de cordes fixes, et nous progressons toujours grâce à nos poignées. Nous croisons une cordée qui redescend, victorieuse, mais sans un mot d’encouragement à notre égard. Toujours aussi sympas en montagne les allemands ou suisses ou autrichiens ou je ne sais pas et je ne veux pas savoir de toute façon… Les « saute-moutons », c’était eux ?
L’arête s’oriente à l’Ouest pendant une dizaine de mètres en se redressant fortement, encore une galère en perspective… et à nouveau le même cinéma : 2 pas, on récupère, 2 pas, on souffle, etc…
Dernière inflexion de l’arête. Kadje arrive au sommet. Dans 20m c’est gagné pour moi. A ce moment je sais que rien ne pourra me priver de la victoire. A nouveau je compte les pas. 40 maxi. Il y en aura 60, mais une incroyable énergie me permettra de les enchainer sur un rythme inédit jusque-là. Je tombe dans les bras de Kadje. Il est seul sur la petite plate-forme de 4 ou 5 m² qui culmine à 6189m. Il est 8h52, j’en pleure de bonheur et de soulagement !
Je me « vache » et sors l’appareil photo de ma poche pour prendre des photos de Gérard qui en termine. Je n’ai plus mal. Je n’ai plus soif. Je n’ai plus froid. Je n’ai plus qu’une joie immense mêlée à un immense sentiment de satisfaction et d’humilité face à ce paysage qui me submerge de sa majesté.
Félicitations, accolades, photos. Nous sommes 3, seuls au monde sur notre belvédère de neige, dans la splendeur d’une magnifique journée d’automne au Népal !
On s’en met plein la vue, on engrange le maximum de ce qu’il est possible d’emmagasiner dans la féérie qui nous entoure. Il en vient de tous cotés, impossible de tout voir, de tout enregistrer. Presque à portée de main, le Lhotse nous nargue de ses 2300m supplémentaires, mais l’Ama Dablam est à notre niveau ou presque, le Baruntse nous salue, le Makalu se laisse voir sans pudeur, au loin le Kanchenjunga resplendit… tout en bas, tellement loin en dessous de nous la moraine du camp de base, à l’ouest le Pumo Ri, pyramide acérée de plus de 7000m…
Bonheur, ce n’est que bonheur et satisfaction !
9h20. Un dernier tour d’horizon et il faut déjà penser à redescendre.
Surtout rester vigilant. Les pentes qui encadrent l’arête sont toujours là, le danger aussi. Pas de poignée à la descente, nous prenons les cordes à la main, sécurisés par notre « vache ».
Dans la pente à 45°, nous laissons la priorité aux cordées encore engagées qui en bavent, avec un petit encouragement à chaque arrivée d’un de ces forçats à bout de souffle… Nous installons nos descendeurs sur les cordes pour le rappel. Même cet exercice, normalement si plaisant et facile, nécessite ici de s’arrêter pour reprendre son souffle.
Nous retrouvons les pentes de neige plus douces, et traversons la zone de crevasses sans corde, ce qui n’est pas des plus prudent, même si la température ne passe jamais au-dessus de 0° à cette altitude et donc ne fait normalement pas fondre les ponts de neige.
Nous nous accordons une petite pause « barre de céréales » au point de « décramponnage ». Nous n’avons plus de thé et c’est Kadje qui nous donnera de son « orange juice », apparemment il n’a rien bu dans la montée.
La descente dans les rochers est belle mais difficile et un peu exposée. Notre pas est rendu peu sûr par la fatigue alors que certaines zones nécessitent toute notre attention, de la souplesse et de la force pour amortir les chocs. Je ressens fortement les effets de la déshydratation, j’ai une furieuse envie de dormir, je me sens totalement vidé… Je m’en confie à Gérard qui me confirme que c’est aussi son cas depuis des heures.
Mais il nous faut continuer, ne pas céder à l’abattement qui nous minerait encore plus que l’accumulation des contraintes que nous ressentons tellement fortement.
5600m… les chiffres descendent aussi lentement qu’ils sont montés, c’est incroyable ! C’est dur. Trop dur. Pour la première fois depuis le début du trek je me laisse aller à des pensées négatives. Plus jamais je ne ferai ça, c’est sûr, c’est trop dur un 6000, on l’a trop cher payé ce sommet ! J’enrage d’avoir tout organisé pour faire l’Island Peak ET le Mera Peak, une seule galère, n’est-ce pas suffisant ?
5500m… nous retrouvons les pentes sablonneuses (poussiéreuses devrais-je dire…) du « bas ». Comment ai-je pu monter dans l’état où je me trouvais ce matin ? Cette pensée m’assaille alors que je suis contraint à une nouvelle « pause-toilettes » dans la descente… Quelles réserves mon corps possède t’il pour me permettre un tel effort, une telle dépense d’énergie sans rien dans le ventre depuis la veille à midi ? C’est dans des situations comme celle-là, où nous repoussons nos limites, où nous n’écoutons plus ni notre raison ni les alertes de nos sens, où plus rien ne peut faire dévier nos pensées de l’objectif que nous nous somme fixé, que notre vraie valeur se révèle, que l’accomplissement de soi atteint son paroxysme. Pour beaucoup, le motif peut paraître futile, quel intérêt y a-t-il à grimper sur ce tas de cailloux et de neige qu’on va redescendre juste après, alors que rien ne pousse ni ne vit en ces lieux inhospitaliers au possible… Ne vaudrait-il pas mieux mettre cette force, cette énergie au service d’une cause valable, comme la protection de notre environnement ou des droits de l’homme, de la paix dans le monde, de l’aide aux pays en voie de développement, ou de tout autre motif aussi louable que difficile ?
Je pense que le plus important est de trouver en chacun de nous une passion qui nous anime, qui nous donnera la motivation pour aller chercher au plus profond de nous ces forces insoupçonnées qui nous permettent d’accomplir de grandes choses. Ma passion à moi se vit en individuel, et correspond en ce sens à un de mes traits de caractère, elle n’en est pas moins ni plus belle pour autant.
Donnons-nous à notre niveau les moyens d’accomplir nos rêves, donnons cette envie à notre entourage, à nos enfants, partageons-là, faisons rêver nos proches, encourageons-les ! Notre meilleure contribution à rendre ce monde meilleur n’est-il pas de nous rendre meilleur nous-mêmes ? Alors vivons à fond nos passions, sachons outrepasser les défaitismes, les principes de précaution et les incitations à la fadeur qui nous découragent.
12h. Nous arrivons seulement en vue du camp de base qui est encore 200m en dessous de nous. Nous y serons vers 13h. Nous qui rêvions de dormir une heure ou deux avant de repartir, c’est impossible, arrivés au camp de base nous constatons que tout a été enlevé : tentes, matelas, matériel… Nos affaires ont toutes été transportées par nos porteurs de l’autre coté de l’Imja glacier, au pied de l’Amphu Lapste, col que nous devons franchir le lendemain pour nous diriger vers le Mera…
On nous installe dans la tente mess d’une autre expédition. A peine a-t-on constaté qu’elle contient une table et des chaises, que nous nous écroulons, la tête posée sur nos bras croisés sur la table, pour quelques minutes de sommeil réparateur, trop vite interrompues par l’arrivée d’une pourtant revigorante soupe chaude dont nos organismes ont bien besoin !
Nous avons du mal à avaler cet indispensable breuvage, et nous voilà repartis pour au moins 2h de marche. Je maudis Janbu d’avoir pris la décision de déménager le camp, je suis exténué et retrouve la marche de « zombie » de l’année dernière (et de Seb hier !) accompagnée de son mal de crâne caractéristique.
Nous redescendons à 5000m, traversons le torrent qui coule de l’extrémité de la langue glaciaire et remontons de l’autre coté du glacier. Le sentier n’arrête pas de monter et descendre dans les moraines, qui sont formées d’énormes « vagues » de sable et cailloux poussées par les glaciers. A 16h, le temps tourne au mauvais comme tous les après-midi, alors que nous arrivons au camp après 14h d’effort à peine interrompus. Nous nous écroulons dans nos tentes, heureux mais totalement épuisés, pour une sieste tant désirée, avant même d’avaler un bon repas chaud reconstituant.
Seb va mieux, et il n’est pas trop déçu d’être resté au camp. Toute l’équipe est heureuse pour nous.
Kadje a été fantastique jusqu’au bout. Gérard par sa complicité et ses encouragements m’a permis d’aller en haut, merci les gars, sans vous je n’y serais jamais arrivé.
Il neige beaucoup sur le camp à 5250m, ça promet pour la suite… Mais laissons à demain son lot de difficultés, aujourd’hui en a eu assez…