Tour du Cervin

7 jours de randonnée sur le tour du Cervin au départ de Saint-Niklaus en Suisse avec une arrivée à Zermatt en passant par un petit bout d'Italie. Superbe !



Focus Rando :Tour du Cervin
7 jours +6855 m/-7895 m 106 km 4
Randonnée Demi-boucle Refuge
Italie,Suisse Alpes Bus et Train
Montagne Juin, Juillet, Août, et Septembre

Le Cervin, pyramide naturelle quasi parfaite, géant des Alpes, est la montagne de tous les superlatifs. Le Tour du Cervin, dernière grande randonnée valaisanne, parcourt six vallées différentes entre Haut-Valais, Val Central et Val d’Aoste et deux pays, la Suisse et l’Italie. Ses 220 kilomètres de sentiers égrainent les paysages de montagne les plus fous au milieu de la plus grande concentration de 4000 des Alpes. Un itinéraire engagé qui côtoie aussi bien les fonds de vallées que la haute-montagne. Du Grand art !

Si la silhouette du Cervin inspire les alpinistes et randonneurs depuis la première ascension le 14 juillet 1865 par Edward Whymper, Lord Douglas, Peter Taugwalder père, Peter Taugwalder fils, Michel Croz, Charles Hudson et Douglas Hadow, elle est aussi la montagne la plus utilisée dans la publicité et le marketing. Toblerone, Paramount, Disney ou encore Zermatt utilisent la photo du Cervin dans leurs outils de communication pour associer les proportions idéales de la montagne à leurs produits.

Inauguré pendant l’été 2002, le tout du Cervin est le résultat d’une coopération entre le Valais Suisse et le Val d’Aoste italien. Un itinéraire de 200 km traversant six vallées entre Suisse et Italie par des chemins offrant des panoramas toujours plus beaux. Ajoutez-y deux traversées glaciaires, huit cols, des tronçons aériens et des 4000 à profusion. N’est-ce pas la plus belle randonnée des Alpes ?

9 à 10 jours sont nécessaires pour effectuer l’itinéraire dans son ensemble selon si le randonneur utilise ou pas les remontées mécaniques. Nous conseillons de les emprunter pour éviter des longueurs inutiles là où les tronçons présentent moins d’intérêts. Le récit qui suit relate une version légèrement plus light du Tour du Cervin en 7 jours entre Saint Niklaus et Zermatt réalisé avec Allibert Trekking.

Récit au jour le jour du Tour du Cervin, rapidement devenu un grand classique des parcours pédestres des Alpes…

Saint Niklaus – Gruben

+ 940 m / – 1080 m 13 km

Tôt le matin, nous prenons la télécabine de Saint Niklaus permettant d’atteindre le hameau de Jungu (1955 m) face aux dômes de Mischabel. Le brouillard omniprésent ne nous permet pas d’observer le moindre panorama.

Nous traversons une forêt pour rejoindre les alpages. Un peu plus loin, une horde de bouquetins perchée sur un éperon rocheux se distingue à travers le brouillard épais.

On prend à droite en suivant l’indication de l’Augstbordpass situé à 2894 m. Pour y arriver, on traverse une succession de pierriers et de névés. Depuis ce matin, la pluie nous tenaille et nous glace les os. Autant dire que le pique-nique a été rapide !

D’un pas rapide, mais sûr, nous descendons par les pâturages de Grüobu stafel (2369 m) puis à travers bois jusqu’à Gruben, terme de notre journée.

Gruben – Zinal

+ 1200 m / – 1360 m 21,5 km

De Gruben, nous traversons le pont et montons par le sentier qui mène aux alpages de Mitlere puis d’Obere Stafel (2334 m).
Si hier, la pluie nous a accompagnée toute la journée, c’est la neige qui se joint à nous aujourd’hui.

Nous atteignons le lac Meid (2691 m) entouré de son linceul blanc avant de poursuivre l’ascension vers le Meidpass (2790 m). Il faut rester vigilant car par endroit le balisage est recouvert par la neige.

Du col, paraît-il que le panorama est des plus époustouflants : de la Dent Blanche au Mont-Blanc…

Rapidement, on aborde la descente vers le Val d’Anniviers, riche vallée valaisanne dont l’appellation proviendrait, selon le sociologue Bernard Crettaz, de la migration saisonnière de ses habitants entre la montagne et la plaine.

La neige cesse et le soleil ose même faire quelques apparitions. Nous prenons le pique-nique près de l’hôtel Weisshorn.

Un sentier en balcon passe sous les pointes de la Nava 2760 m) puis à travers les alpages de Barneuxa. Le chemin offre de jolis points de vue en contre-plongée sur les villages de la vallée : Grimentz, Saint Jean, Mission, Ayer… Tout autour de nous, les prairies multicolores sont jonchées de fleurs.
Nous continuons le « chemin de montagne » jusqu’à Zinal et sa couronne de 4000. Enfin, des sommets s’offrent à nos yeux…

Zinal – Arolla

+ 1200 m / – 2100 m 21 km

Afin d’éviter une longue traversée à pied par la forêt pour contourner la corne de Sorebois, nous utilisons la télécabine pour prendre un peu de hauteur jusqu’à Sorebois (2438 m). Montée rapide au col de Sorebois (2835 m) où le lac de Moiry se détache majestueusement sous le chapelet de sommets enneigés.

Nous descendons au barrage de Moiry que nous traversons avant d’emprunter la route carrossable qui mène à l’alpage de Moiry. Le panorama est époustouflant : un des plus beaux jamais vus en montagne : un brin de vert d’alpage, de blanc des glaciers, de bleu des lacs et une architecture naturelle esthétique. Le summum des paysages alpins !

Court arrêt au lac des Autannes (2686 m) avant de s’engager dans les derniers lacets, assez raides, qui montent au col du Torrent (2918 m). Nouveau panorama de toute beauté que nous avons le temps d’apprécier le temps du pique-nique.

Nous basculons dans le Val d’Hérens reconnu pour ses vaches noires et massives qui font la fierté de leur éleveur. La race d’Hérens, peu rentable sur le plan laitier, est utilisée lors de combats qui ont lieu chaque année.

Côté hérensard, descente sur les Mayens de Cotter (2057 m) avec quelques arrêts botaniques (il serait dommage de ne pas profiter des connaissances de Brigitte et André, tous deux passionnés de fleurs), puis Haudères (1452 m) où nous prenons un car postal pour rejoindre Arolla et ses chalets typiques.

Arolla – refuge Prarayer

+ 1165 m / – 1134 m 16 km

Départ matinal pour le Haut glacier d’Arolla. Au terme de la piste carrossable, nous retrouvons un guide de haute-montagne Suisse qui va nous faire franchir le glacier en toute sécurité.

Avant d’atteindre le pied du glacier, nous remontons le sentier pour la cabane de Bertol et passons face au bas glacier d’Arolla, puis laissons le chemin de coté pour le plat en direction du mont Collon.

Nous nous engageons sur le Haut glacier d’Arolla, splendide langue glaciaire, en pente douce. Le rythme lent et progressif nous permet d’admirer cet environnement minéral. Quel fantastique paysage de haute-montagne !

Avec la réverbération, le soleil chauffe puissamment. Une halte s’impose pour ajouter de la crème solaire et éviter toute brûlure.

On aperçoit sur la gauche le refuge des bouquetins perché sur une épaule dominant le glacier. Par une pente plus importante, nous atteignons le col Collon (3087 m) après 5h00 de progression. Ce passage fut jadis fréquenté par les bergers et leur troupeau pour voyager entre Suisse et Italie. C’est ici que nous décidons de casser la croûte.

L’après-midi, nous entrons donc en Italie et descendons dans la vallée par de successifs pierriers qui demandent une vigilance accrue. Après le passage du refuge Nacameli (2830 m), nous cavalons à travers la combe d’Oren en franchissant une barre rocheuse bien équipée jusqu’à apercevoir les premiers mélèzes, signe avant-coureur de notre arrivée imminente.

Le refuge Prarayer (2005 m), magnifiquement situé face au lac des places du moulin, est enfin en vue. Au XVIIIe siècle, 18 familles vivaient ici mais le reste des habitations est désormais sous le lac.

8h00 de marche à un bon rythme : autant dire que pieds et jambes sont heureux d’être arrivés. Ah j’oubliais le gosier qui sait tirer profit de la situation en s’enfilant une bonne bière bien fraîche !

Refuge Prarayer – refuge Perucca-Vuillermoz

+ 1100 m / – 200 m 6 km

Courte étape sur le nombre de kilomètres, cette cinquième journée réserve quelques surprises que personne n’est prêt d’oublier. 35 ans, on ne les fête pas tous les jours !

On commence la journée en traversant le torrent Buthier, puis on monte en douceur sous la pinède en direction de l’alpage de Valcounera. Dans le tapis végétal, nous faisons une découverte étrange : des lys martagon blanc ! Albinos ? Adaptation ? Modification génétique ?

Nous longeons le torrent de la combe de Valcornière et le quittons pour grimper au col dans un décor minéral. La pente est raide ; certains passages sont équipés pour passer sans mal les portions délicates. Bien suivre le sentier sinon la progression dans les pierres devient vite galère.

Le temps change vite : le ciel s’est obscurcit et les nuages menacent maintenant que nous sommes au col (3066 m). Le refuge Perucca-Vuillermoz (2909 m) est tout proche, mais le versant est tout en neige doit être descendu avec précaution. La corde s’avère bien utile sur le haut du passage et les bâtons télescopiques sur la fin du névé.

En quelques minutes, nous atteignons le refuge. A notre arrivée, c’est la messe. Les villageois célèbrent la mort de six alpinistes (dont Perrucca et Vuillermoz) le 17 septembre 1985 dans le massif du Mont Rose. Ils avaient entre 18 et 22 ans. En cercle devant le refuge, familles et amis chantent en voix de ténor pour rendre hommage à ses gamins de la vallée. Emus, touchés au plus profond de nous même, nous assistons avec respect à ses chants. Dans le refuge aussi la fête bat son plein. On y chante, on y joue de l’harmonica, on y mange et on y boit aussi, sans doute un peu trop !
35 ans aujourd’hui, je l’ai déjà dit. Emu à vif devant cet hommage, je bois ma grappa à leur mémoire.

Refuge Perucca-Vuillermoz – Refuge Teodulo

+ 1250 m / – 1400 m 16,5 km

Du refuge, nous partons tôt sous un vent glacial vers le bivacco Manenti (2790 m), une cabane très sommaire pour 2/3 personnes perchée au-dessus du lac de Balanselino. Les petits lacs sont nombreux dans la descente. Nous passons à proximité d’une belle chute d’eau et entamons la montée pour la fenêtre de Tsignanaz (2445 m).

Derrière, on commence la descente dans le Valtournenche, chef lieu historique italien de la vallée du Cervin. Pour la première fois, le Cervin nous apparaît. Pas aussi beau que nous l’imaginions car dans les nuages mais face à nous quand même !

Nous rejoignons Breuil-Cervinia où nous faisons le plein de nourriture pour préparer nos derniers pique-niques. Après le repas, plutôt que d’emprunter la télécabine jusqu’à Testa Grigia (3479 m), nous optons pour la marche à pied au départ de Plan Maison pour le Teodulpass. Une partie de la progression se déroule près des pylônes des remontées mécaniques. Ce n’est pas le paysage le plus extraordinaire de la semaine. Toutefois, l’ambiance est bonne et les retardataires sont accueillis au col par des boules de neige.

Le Cervin, montagne mythique des Alpes, a été gravi pour la première fois le 14 juillet 1865 par Edward Whymper, Lord Douglas, Peter Taugwalder père, Peter Taugwalder fils, Michel Croz, Charles Hudson et Douglas Hadow. Dans la descente, Douglas Hadow glisse et emporte avec lui, Michel Croz, Charles Hudson et Lord Douglas. Les quatre hommes se tuent. Aujourd’hui, le record de cette face nord, la voie Hörnli, est détenu par le Suisse Ueli Steck en une heure et 56 minutes.

Au refuge Teodulo (3317 m), passage clef entre le tour du Cervin et le tour du Mont Rose, autre grande randonnée classique valaisanne, on retrouve l’ambiance des refuges alpins d’altitude : dortoir spartiate, restaurant panoramique, chaussettes puantes et autres débauches nauséabondes. Le soir venu, on fête mon anniversaire avec un jour de retard en buvant quelques groles. De quoi calmer l’odorat pour un moment !

J’en aurais presque oublié le coucher de soleil derrière le Cervin.

Refuge Teodulo – Zermatt

+ 0 m / – 1700 m 12,2 km

Au petit matin, on découvre le majestueux Cervin sous un autre jour. Un guide de haute montagne italien nous rejoint au refuge et nous accompagne pour franchir le Teodulgleshter, un glacier qui sert en partie de pistes de ski l’été.

On ne compte pas les sommets de plus de 3 000 mètres tant ils sont nombreux. Dommage que les remontées mécaniques gâchent un peu le paysage !
Au Trockener Steg (2939 m), on quitte le glacier et les pylônes. Le Cervin apparaît encore plus beau d’ici. Il est possible d’emprunter la télécabine pour Furi mais en toute sincérité, le parcours qui suit est de toute beauté et assez court. Pourquoi s’en priver ?

Nous descendons par un bon sentier tout en caillasse traversant plusieurs petits ruisseaux. Magnifique panorama de la Dent Blanche au Weisshorn. Dans la descente vers Furi, nous entrons dans les alpages. Derrière nous, le Cervin offre son profil le plus altier. Mais franchement, il a de quoi se la jouer !
Michel Marthaler, géologue, a publié en 2001 un ouvrage des plus intéressants dont le titre en forme de question intrigue : « Le Cervin est-il africain ? ». Il nous démontre que l’origine du Matterhorn est bien africaine. Explications. Il y a quelque 250 millions d’années, la plaque continentale africaine a en effet chevauché le bord de la plaque européenne. Les masses rocheuses se sont comprimées et ont fait surgir le Cervin ! Avant cette date, le Cervin était donc bien africain, mais c’était à la fin de l’ère primaire, alors qu’il n’était pas encore une montagne, mais une roche enfouie profondément dans la croûte continentale.

Le paysage s’adoucit jusqu’au hameau de Furi parsemé de chalets et de mayens de toute beauté. Encore quelques minutes et nous sommes à Zermatt pour y prendre le train pour Saint Niklaus.

Une semaine de randonnée qui s’achève… Un tour vraiment mais alors vraiment mythique !