Pourquoi ce trek ? Il est vrai que nous sommes loin des Alpes. Loin des séracs qui craquent, des crêtes tranchantes et des sommets infernaux. Moins haut, moins raide, moins technique et pourtant… pas moins beau. La Lozère est le département dont l’altitude moyenne habitable est la plus élevée de France (1100m), avec une démographie comparable aux régions tribales de l’Afghanistan. Perché au sud du Massif central, ce désert humain est de ces lieux mystérieux qui donnent envie de partir à l’aventure. Il ne s’agit pas d’adrénaline, mais plutôt de quiétude et d’isolement savoureux dans une nature d’une remarquable beauté. C’est donc tout naturellement que j’ai eu envie de parcourir la Lozère à pied. Tout ce que l’on vit ne peut nous être retiré.
Ce trek a été réalisé en boucle, en suivant l’itinéraire du « Tour du Mont-Lozère ». Le GR (68) s’étend sur 117km et démarre, selon l’usage, de Villefort. Le sentier ne présente pas de difficulté particulière et est très bien balisé. En souplesse, il permet de découvrir l’extraordinaire patrimoine naturel du parc des Cévennes. Aussi, il peut être emprunté du printemps à l’automne, à condition d’adapter le matériel à la météo.
Par choix personnel, j’ai effectué ce trek seul, en bivouac et en autonomie en m’imposant 4 règles :
- N’avoir recours à l’argent sous aucun prétexte.
- Parcourir la boucle rapidement pour rendre l’aventure sportive.
- Ne pas utiliser de GPS, mais uniquement une carte et une boussole.
- N’utiliser le smartphone qu’en cas d’extrême nécessité.
A la frontale
- 10km
- 440 D+
Mon sac est prêt et je roule vers la Lozère en sortant du travail. J’arrive finalement à la gare de Villefort vers 20h00 et il fait nuit noire. Je tourne alors le dos à ma voiture et m’engage sur le GR. Ça y est, je démarre une nouvelle aventure et paradoxalement, je m’éloigne de mon objectif qui se trouve à peine 10m derrière moi ! La frontale vissée sur le front, je rentre dans un petit bois et le sentier grimpe jusqu’à un petit col (750m). Il n’y a pas un son, pas même le bruit d’animaux qui s’enfuient dans la broussaille. J’aime la solitude, découvrir par moi-même, me sentir libre de m’arrêter, de repartir, d’accélérer ou de ralentir.
« C’est fou ce que l’homme accapare l’attention de l’homme. La présence des autres affadit le monde. La solitude est cette conquête qui vous rend jouissance des choses ». Dans les forêts de Sibérie. S Tesson
Col du Montat
Comme il fait bon, j’enlève la polaire et ne garde que le coupe-vent puis je poursuis ma route. Le chemin s’élargit un peu et devient une large piste qui se glisse à travers les bois. Je n’ai pas prévu de point de bivouac, l’objectif de ce soir étant simplement de m’engager un peu sur le sentier. Mais je trouve l’ambiance grisante et je finis par arriver au hameau du Montat. Il n’y a que deux ou trois bâtisses de vielles pierres et je l’ambiance nocturne me donne envie de continuer. La piste, la « route Vielle » file plein ouest. Au moins, le suivi de cap est très simple et on ne risque pas de se tromper ! Je gagne ensuite un second hameau, Rabeyral, avant d’arriver plus loin à l’Habitarelle. Alors que je longe les murs de pierre d’une vieille bâtisse, je croise le regard de l’un des occupants à travers la vitre. Son étonnement est palpable et il me désigne aux autres convives en souriant. Je leur fais signe et je continue de marcher le long du GR qui suit désormais une route.
Chapelle
Par sécurité, je la longe à contresens, mais je ne croise pas une voiture. La nuit avançant, je commence à chercher une zone de bivouac. Mais le chemin ne s’y prête pas, car il traverse désormais une forêt très pentue. Lorsque je franchis un ruisseau je comprends en lisant ma carte que je me trouve sur le pont qui franchit le Lieyros. Sans surprise, j’arrive à Villespasses quelques minutes plus tard. Cette fois encore, il n’y a que quelques bâtisses et je m’engage dans une ruelle minuscule aux allures de tranchée. Ici et là, des vélos, des jouets d’enfants que personne ne songerait à voler. Soudain, des aboiements plutôt féroces résonnent et un chien fond sur moi. Encore un peu et il prenait une prolongation couchette. Mais il est plutôt amical et commence à marcher à côté de moi. Lorsque je quitte le hameau pour m’engager dans une châtaigneraie, le chien est toujours avec moi et court même devant, comme pour me montrer le chemin. Je marche pendant 10 bonnes minutes et il ne me lâche pas d’une semelle ! Je trouve alors une clairière sur la droite du sentier et je décide de m’arrêter là pour la nuit. En quelques minutes, je monte ma tente et commence à faire chauffer de l’eau pour hydrater mon repas. Le chien, un peu trop amical à mon gout, commence à venir se frotter. Ce n’est pas que je n’aime pas les bêtes, mais il sent vraiment mauvais. Alors que je tente de l’éloigner, je fais un geste brusque et je renverse mon réchaud, mon quart et mon eau. Ceci est très fâcheux, car comme je l’expliquais précédemment, mes réserves d’eau sont calculées au cl près. En une fraction de seconde, je viens donc de gaspiller un bidon d’eau. Comme j’ai faim, j’entame mon deuxième et dernier bidon en prenant soin de garder des réserves pour le petit déjeuner. Ce soir, j’ai des pâtes bolognaises au menu ! Le sachet est très bon et je pars me coucher bien rassasié. Alors que je ferme ma tente, j’entends le chien qui s’allonge et gesticule contre la toile. Décidément, c’est un vrai pot de colle. Pendant la nuit, je sors pour satisfaire une envie pressante et j’aperçois un magnifique renard un peu plus loin. Avec satisfaction, je constate que le chien est retourné chez ses maîtres. Je lève alors la tête pour contempler un ciel splendide.
Il fait frais et je suis en boxer, au milieu de nulle part. C’est peut-être le privilège des marcheurs solitaires ; pouvoir contempler un ciel étoilé en slip.
Pourquoi se contenter d’un hôtel 3 étoiles quand on peut les avoir toutes en même temps ?
Passionné de montagne, je pratique le trail, la rando ainsi que les activités hivernales.