Tres Cruces Sud : un chaos de rochers instables en guise de plat de resistance

Avec ses 6749 mètres, le Tres Cruces Sud est le gros morceau de mon expé.

Focus Rando :Tres Cruces Sud : un chaos de rochers instables en guise de plat de resistance

Quatrième jour

La sonnerie du petit réveil que j’avais glissé sous mon bonnet pour qu’il ne gèle pas me sort de mon profond sommeil. Il est 5h15 et il fait -13°c dans la tente. Je m’extirpe de mon duvet et m’habille rapidement. Je prends soin de m’alimenter au maximum et bois presque entièrement le litre de café que je m’étais préparé la veille. Les deux litres d’eau que j’emporte pour l’ascension étaient conservés bien au chaud dans mon duvet toute la nuit pour éviter le gel. Je décolle à 6h10 pour mon objectif du jour : le Tres Cruces Sud. Il fait très froid (probablement -20°c) et malgré le jour levé, je n’arrive pas à me réchauffer car je progresse à l’ombre.

L’ascension est évidente et je remonte une sorte de canaleta assez raide composée de petites caillasses, de sable et de neige dure. Je n’avance pas aussi vite que j’aimerais et il me faut 3 heures pour arriver à l’épaule, à 6400m. J’y trouve enfin le soleil et m’y prélasse assis sur une dalle. C’est réellement ici que commencent les difficultés.

L’énorme monticule sommital du Tres Cruces Sud est un immense chaos d’éboulis volcaniques instables, allant du plus petit caillou au rocher de plusieurs tonnes parfois en équilibre précaire. Je contourne, j’escalade, je glisse, je râle et j’ai surtout l’impression de me traîner, haletant. A 6626m, j’arrive à l’endroit de l’ascension où l’on se trouve face à une sorte de mur de plusieurs mètres de haut qui semble ceindre entièrement le sommet.

Là, je me mets à chercher « la Puerta » (S 27°05.824′ W 068°46.871), l’unique passage pour passer sans équipement. Je repère facilement ce petit goulet d’éboulis situé au pied d’une sorte de grande tour de pierre et m’y engouffre pour grimper cette dizaine de mètres raides et très glissants. A la sortie de ce passage, le paysage de pierres toujours plus grosses me donne l’impression de progresser maintenant dans un labyrinthe géant ! Au bout de longues minutes dans ce dédale qui m’oblige parfois à rebrousser chemin, il me semble apercevoir ce qui pourrait bien être le sommet avec son bout de bâton de ski Leki pour repère. A 13h30, 7h après mon départ du camp d’altitude, j’atteins le point culminant du Tres Cruces Sud, submergé par la joie et l’émotion.

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Je savoure une fois de plus la vue fantastique sur l’Atacama et sur les sommets environnants tout en pensant à l’exploit de la première expédition de 1937. A cette époque, les polonais étaient partis avec quelques mules pour de longues semaines en totale autonomie dans cette zone absolument inconnue et hostile. Quelle épopée !
Il ne fait pas très froid mais les nuages en provenance de l’Argentine sont de plus en plus nombreux et ils annonçent probablement de la neige.

Je me résigne à sortir de ma béatitude pour redescendre, non sans avoir laissé un mot dans le livre de cime. Fatigué, il me faut 2h30 de désescalade et de concentration pour ne pas me blesser avant de retrouver l’épaule.

Entre temps, j’aurai bien galéré pour retrouver le passage de « La Puerta » qui est moins évident à localiser à la descente qu’à la montée. Sur cette longue et large épaule, il me semble apercevoir à son extrémité – que j’estime à 800 mètres de moi – une sorte de gros monticule. Je ne sais pas si c’est mon imagination ou bien la réalité mais je me dis qu’il s’agit peut-être d’une de ces ruines incas circulaires, appelées pircas, que l’on trouve sur quelques massifs de la région. Je n’ai pas le courage d’aller jusque-là pour vérifier et ces nuages menaçants m’encouragent à continuer ma descente. Il est 18h00 quand j’arrive au camp d’altitude.

J’y retrouve Ricardo qui me félicite et qui me semble en meilleure forme qu’hier. Nous avalons rapidement un morceau avant d’aller nous coucher. Il est 19h30 et la neige se met à tomber doucement.

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