Questionne le vent
quand il est à bout de souffle.
Il voyage loin
et revient souvent
avec les bonnes réponses.
Voici le récit au jour le jour de cette exploration minutieuse que la proximité relative des villages et refuges ne rend pas moins périlleuse et pleine de surprises. Un engagement total malgré le mauvais temps, la solitude, les éboulis innombrables, le silence des cartes…
Je travaille à présent à l’édition d’un petit ouvrage et d’une exposition itinérante qui regrouperont des peintures, photographies, une composition sonore et des poèmes personnels tirés de mon projet On my (Nor)way, à pied au pays d’Olav Hauge.
Je remercie l’équipe d’I-Trekking qui contribue à la rencontre du monde des arts et du monde des marcheurs sur la toile, pas si virtuelle.
Et pour les curieux qui souhaiteraient lire la poésie d’Hauge, je leur propose d’aller sur le site de son traducteur François Monnet : http://francoismonnet.free.fr/Au-bout-du-monde.htm.
Départ pour Ulvik le 16 août
…mais avant de m’engager sur le grand chemin vers Ulvik, d’abord le vernissage de l’expo "FRAGILE" à la galerie Liehrmann à Liège les 12 et 13 août avec Mike…et plein d’autres globeurs !
Depuis 2 jours…
Je commence seulement à prendre des notes, je remarque que je dois déjà compter les jours depuis mon départ d’Amsterdam pour trouver la date d’aujourd’hui. Le jour ? J’ai commencé à marcher le 18 c’était un mercredi, donc nous sommes vendredi.
Voilà, ce petit détail réglé –je vais devoir me le répéter plusieurs fois par jour- qu’ai-je fais en deux jours ?
Arrivée le 17 août au camping d’ Ulvik en pleine nuit après avoir voyagé en train depuis Oslo puis en car depuis Voss avec un petit groupe d’espagnols, j’ai planté la tente le nez au ras des clapotis du fjord et sombré dans un sommeil profond. Réveillée par le moteur d’un énorme bateau de croisière je me suis vite extirpée du duvet pour explorer le village d’Olav Håkonson Hauge et visiter sa maison à Rossvoll.
Entre le camping et l’office de tourisme où on me renseignera dès l’ouverture, le cimetière que je traverse en zigzagant sans trouver la tombe de notre poète, mais celle de ses parents, pierre dressée sur une pelouse impeccable, et sursauter au décompte de l’âge de sa mère décédée à 102 ans !
Je fais quelques courses pour un petit déjeuner sur le port puis, direction office de tourisme, une grosse bâtisse en pierre sur le port. Tone à l’accueil (prononcer Touné, c’est une dame), après un rapide coup de téléphone au propriétaire du lieu, décide de m’y conduire, prétextant une course à faire en ville et que ça irait plus vite que de m’expliquer le chemin.
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Bien, le ton est donné, on est dans un village de 1000 habitants, c’est presque la fin de la saison, la rentrée des classes c’est aujourd’hui, le bureau peut fermer un quart d’heure, on n’est pas stressé.
Le petit 4×4 suit le fjord sur notre droite puis grimpe très vite passant des maisons de bois rouges, jaunes, vertes. Une allée bordée de framboisiers hauts de 3 mètres, une ferme, un homme debout devant un panorama splendide amphithéâtre strié de pommiers qui domine tout le fjord et bordé de hautes montagnes. Stein Olav Kolås, l’un des neveux D’Hauge entreprend de m’expliquer ses terres, les migrations de la famille du bas du village vers Hakestad où nous sommes et Rossvoll où vivait Hauge. Une grande famille paysanne 9 enfants nés de cette femme qui vécu 102 ans et qui en perdit 2. La douceur et le calme de mon guide me mènent, par la haie de framboisiers irrésistibles, à Rossvoll, à 200m de sa ferme. Une cabane rouge sombre toute étroite, avec une bibliothèque à faire pâlir ma bibliophile de mère ! Des photos de famille sur les murs. Pas d’âme, rien, une maison morte.
Je redescends chercher mon sac à dos au bureau de Tone, envoyer des nouvelles par l’internet pigeon voyageur un peu raide. Et me préparer au départ. Aujourd’hui je prévois juste un petit tour de la presqu’île d’Åsen en passant par Hjeltnes, l’école d’horticulture où Hauge étudia, sur l’autre rive du fond du fjord d’Ulvik. Peut-être en hiver y allait-il en patins à glace ?
Deuxième nuit passée près d’une remise dans un creux avec une belle vue sur le fjord d’Osa (prononcer Oussa) et retenez bien ce nom, c’est l’un des seuls lieux cité dans la poésie d’Hauge, il faut absolument que je m’y rende.
Matinée magnifique, un peu inquiète avant de m’engager dans la très étroite vallée de Sisegili. Je passe plusieurs fermes, le chemin se transforme en sente à peine visible et monte dans un enchevêtrement de troncs et de fougères qui me chatouillent le nez. Je ne peux pas me perdre, mais au col je dois trouver la bifurcation qui me fera contourner le lac Solsævatnet et ses petits chalets éparpillés par le sud pour atteindre Sotenos et m’engager dans la vallée Lyssedalen et bivouaquer à 1100m. Première surprise : plus de végétation à partir de 500m, que des cailloux et des blocs de pierres énormes. De l’eau partout, des cascades. Je ne pensais pas être si vite en sensation de haute montagne. Le temps se couvre, le paysage s’assombrit de roches noires et dalles vert-de-gris. Je trouve difficilement un endroit sec où planter ma tente qui s’avèrera être un cours d’eau avec la pluie de la nuit… Bienvenue en Norvège, petite marcheuse française élevée aux GR des familles… Ai cauchemardé toute la nuit que le lac au-dessus de mon emplacement débordait et m’emportait. La façade de roches devant moi est un mini mont Rushmore où de drôles de têtes émergent de temps à autre, boudeuses et grimaçantes.
Je dois modifier mon itinéraire dès le lendemain où mon estimation de 3 heures de marche s’est allongée de 10 heures ! Je dois donc faire un bivouac intermédiaire à Mjøfell, impossible de rejoindre Grindaflethytta en une journée. Je dois faire sécher ma tente, je suis déjà fatiguée au bout de 2 heures. Il pleut, il fait frais. Un camp militaire fermé, un vague rayon de soleil et je sors mes affaires, je déjeune et regarde passer le train Bergen-Oslo avec un désir immense de monter dedans !
Mais je poursuis en comprenant que ce n’est pas un village mais un groupe de chalets qui semblent fermés pour la plupart. Je vais squatter la terrasse du dernier de la série après 5h de marche. Une vraie clocharde calée contre les murs et entourée de mes sacs plastiques qui sèchent, je me suis fabriqué un paravent avec ma cape de pluie. Il fait 12°C, quand les nuages se poussent un peu, le temps est agréable. C’est calme. J’aime réfléchir à ces petites astuces pour ne pas avoir froid, ne pas prendre la pluie, utiliser une chose au-delà de sa fonction.
Et voici la hauteur de mes pensées :
La tache sombre sur le mur, est-ce de l’humidité ? Si oui, d’où vient-elle ? Je vais y poser mes pieds cette nuit. Quelle heure est-il ? Avant de me bouger pour avoir des réponses à ces questions vitales, mon regard se balade sans s’agripper à rien. Il est 15h18, tout mon temps avant la nuit.
Un petit en-cas vers 16h c’est-à-dire un morceau de pâté de poisson, un morceau de fromage qui ressemble à du beurre de cacahuète au goût de caramel, quelques abricots et amandes.
La même chose vers 18h avec un bouillon en prime, la routine alimentaire s’installe.
Par l’espace entre la porte et le mur, j’aperçois des skis, de la graisse d’entretien qui sent fort…on doit aussi venir l’hiver ici. Un panneau annonce « her bor fam Njos », dommage que vous n’ayez pas laissé votre clé en évidence, j’aurai visité votre chalet sans rien salir.
Qui êtes-vous, chers hôtes malgré vous ?