Rencontre avec Mathilde et Edouard Cortès, Un chemin de promesses

Rencontre avec Mathilde et Edouard auteurs d'un chemin de promesses. Mariés en juin 2007, ils partent une semaine plus tard en voyage de noces vers Jérusalem. Près de 6000 km à pied à travers 14 pays d’Europe et du Moyen-Orient, 232 jours de marche pour mieux se connaître dans le royaume de la foi.

Edouard, un an avant votre mariage, vous proposez à Mathilde un voyage de noce plus que surprenant. Racontez-nous…

Tout a d’abord commencé par une demande en mariage. Un jour j’ai amené Mathilde sur le parvis de Notre Dame à Paris, au Kilomètre Zéro des routes de France, et lui ai demandé si elle voulait bien m’accompagner pour toute la vie. Ensuite, est venue la seconde demande, celle de savoir si elle voulait bien qu’on s’accompagne mutuellement sur la route de Paris à Jérusalem en guise de voyage de noces. Peut-être que s’accompagner pour toute la vie dans le mariage me paraissait trop énorme et trop fou à vue humaine, pas très concret non plus. J’avais besoin qu’on pose concrètement et symboliquement un acte fort pour démarrer notre vie de jeunes mariés.

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Mathilde, comment accueille t-on une telle demande ?

J’ai dit oui à la première demande. Celle du mariage. Avec enthousiasme et vertige ! J’ai aussi dit oui à la seconde. Avec les mêmes sentiments. Je savais qui j’allais épouser, je savais que le rêve et l’aventure feraient partie de notre quotidien.

Qu’est-ce qui prépondérait dans votre approche du voyage ? Le pèlerinage religieux ou les noces de votre mariage ?

Ce voyage était d’abord un voyage de noces, fortement lié à nos deux personnalités, à nos attentes, à ce que nous voulions vivre et construire ensemble.
Mais nous avons choisi d’aller à Jérusalem, la Ville Sainte car elle avait du sens à nos yeux. Et nous l’avons fait à la manière des pèlerins du Moyen Age qui allaient à St Jacques, Rome ou Jérusalem ou comme les moines bouddhistes qui vont à Lhassa. Sans argent, cela implique qu’on s’est remis aussi à la Providence. C’est un acte de confiance. Nous croyons tous les deux en Dieu. C’est quelque chose d’important dans nos vies. Nous voulions que cette dimension spirituelle de notre personne ne soit pas mise à l’écart.

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Comment se prépare t-on à vivre une telle aventure ?

Au niveau matériel, nous avons davantage cherché à vider notre sac plutôt qu’à le remplir. Nous voulions voyager légers pour un meilleur confort physique mais aussi par volonté de simplicité. Mathilde avait un sac de 5 kgs et Edouard de 7 ou 8 kgs (il portait en plus le matériel photo et vidéo). Il nous fallait donc trouver des solutions techniques simples pour réduire le poids : par exemple, nous avons choisi de ne pas prendre de tente mais seulement une bache de 250 grammes qui, avec nos deux bâtons de marche, nous procurait un abri en cas de pluie ou de vent. Nous avions une seule tenue vestimentaire, une polaire, un coupe-vent imperméable, une cagoule, des sous-vêtements et chaussettes de rechange. Un demi-savon de Marseille, une brosse à dents pour deux, un petit tube de dentifrice. Un mini couteau servant de ciseaux, lame, lime et stylo. Un carnet de route en papier de riz, plus léger et moins encombrant. Une pharmacie de base (pansements, pastilles pour purifier l’eau, antalgiques, antiinflammatoires et un traitement d’antibiotiques au cas où).

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Une grande partie de la préparation a été mise au service du choix de l’itinéraire et à la recherche de cartes suffisament précises. Edouard a trouvé sur internet des cartes au 1/200 000 ou 1/500 000ème de l’Etat major soviétique, un peu datées, mais qui avaient l’avantage d’être d’une extrême précision topographique. Il a juste fallu emporter une transcprition des lettres en cyrillique !

Quatre étapes logistiques prévues à l’avance nous ont permis de ne pas emporter toutes les cartes et les cassettes pour notre petite caméra. Nous avions envoyé à Mostar, Istanbul, Alep et Damas chez des amis ou connaissances les cartes pour la suite du trajet, des cassettes vierges, du dentifrice. Et nous leur avons laissé les cartes utilisées (parfois, elles nous ont aussi servi d’allume-feu) et les cassettes filmées. A Istanbul, nous avons été rejoints pour une semaine par le frère de Mathilde avec une nouvelle paire de chaussures.

Physiquement, nous étions en bonne santé et nous ne nous sommes pas entraînés à la marche. Quand on part pour six, huit mois de marche au long cours, les premières semaines servent d’entraînement. Là où nous avons fait l’erreur du débutant c’est de ne pas avoir pris le temps de bien faire nos chaussures ce qui a valu à Edouard le plaisir de marcher une 30 kilomètres en chaussettes !

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Au niveau des langues, nous nous débrouillions avant le départ en anglais et en allemand. Les deux langues nous ont été fort utiles avec le français en particulier pour se constituer dans chaque nouveau pays un petit lexique de « survie ». Par ailleurs, nous avons la chance d’avoir passé relativement longtemps dans des zones linguistiques : 1,5 mois dans les Balkans où le serbo-croate à quelques nuances près est compris de tous puis deux mois en Turquie. Assez vite, nous avons pu nous débrouiller pour tenir une conversation tournant autour de notre voyage, de la famille, des enfants, du métier des uns et des autres, etc.
Enfin, au plan administratif, nous n’avions pas besoin de visa de la France à la Bulgarie car nous étions en Europe. Pas de visa non plus pour la Turquie quand on a un passeport européen. Nous avons du prendre à l’avance notre visa pour la Syrie à l’ambassade syrienne à Paris, valide 6 mois. Pour la Jordanie, on obtient le visa à la frontière et pour Israël, pas besoin de visa pour les détenteurs d’un passeport européen.

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Enfin, nous avons rencontré des personnes qui avaient fait la route vers Jérusalem : FX de Villemagne, Karen Guillorel, Robert et Josy Fontana, Raphaël Stainville, Sébastien de Fooz…

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5788 km à pied pour 232 jours de voyage. C’est long. Qu’est-ce qui vous a paru le plus difficile ?

Physiquement, il y a eu quelques longues étapes, notamment celle de 60 km qui nous a menés jusqu’au centre d’Istanbul. Ce n’était pas une partie de plaisir que de traverser voies rapides, autoroutes et échangeurs pour entrer dans cette ville tentaculaire de 15 millions d’habitants. Ce n’est pas rare non plus que nous n’ayons rien mangé pendant 36 heures, même 49 heures une fois. Et il fallait tout de même marcher !
Mais, pour tous les deux, le plus dur n’a pas été d’avoir faim ou froid ou d’être fatigués par l’étape. Ça a été d’être rejetés.
Pour Mathilde, un des pires souvenirs est l’agression qu’on a subie à l’entrée de la Turquie. Il lui a fallu plusieurs semaines pour retrouver courage. Pour Edouard, ce furent ces enfants en Syrie qui nous ont jetés des pierres. C’était la 5ème fois dans ce pays.

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Vous avez fait de nombreuses rencontres joyeuses ou difficiles. Quelle est celle qui vous a le plus marquée ?

Sami, Albanais du Kosovo de 72 ans, francophone. Il nous a accueillis chez lui en plein ramadan pour un dîner et une nuit et le lendemain nous a déclaré : « Je vous accompagne ! ». Il a marché avec nous toute la journée. 35 km dans ses chaussures vernies trop neuves qu’il a échangées avec Edouard pour finir l’étape. Il nous a alors lancé : « Je piétonne comme un jeune homme ! ». Le soir, il nous a conduit jusqu’à chez sa nièce à Skopje pour passer la nuit. C’est la première fois que quelqu’un marchait une journée entière avec nous pour nous conduire chez quelqu’un qui nous accueillerait le soir.

« 1er octobre. 107e jour. 2 859 kilomètres.
Il marche en costume. Quinze kilomètres depuis sept heures du matin. Il a soixante-dix ans. Ses pieds lui font mal. Cela nous rappelle notre première semaine de douleurs après notre départ de Paris. Il se déchausse pour la deuxième fois et cherche en vain à atténuer ses souffrances. Il enfile une autre paire de chaussettes espérant qu’elles le protégeront mieux. […] Il s’arrête pour souffler un peu. Délace ses chaussures. Se cache derrière un arrêt de bus pour fumer une cigarette loin du regard des autres. Nous sommes en plein ramadan. »

 

On rentre forcément différent d’un tel voyage. Avec du recul, que nous diriez-vous ?

Nous avons le sentiment d’avoir vécu quelque chose de très précieux dont nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences. Nos pas ont démontré, parfois aux grands cris de nos ventres, que l’on peut vivre de peu sans être malheureux. On n’est pas que quand on possède. Nous avons aimé nous retirer pour quelques mois du prêt-à-porter et du prêt-à penser. Nous faisons désormais plus attention à notre « ligne intérieure » et nous apprécions d’autant mieux d’avoir un toit quand il pleut et une douche chaude à disposition. Si ce voyage a ébranlé nos certitudes, il a diminué nos doutes. Pas à pas, nous avons expérimenté que nous ne vivons pas seulement de pain, que nous ne sommes pas que des êtres de chair. Cette marche a réveillé en nous une musique intérieure, le chant de l’âme. Et elle nous a appris à avancer dans la vie avec plus de confiance et d’abandon

Bibliographie

Un chemin de promesses aux éditions xo

Site internet des auteurs : www.enchemin.org

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