En solitaire

Les bivouacs dans la plénitude de l'altitude constituent des moments privilégiés dans la vie du randonneur itinérant. Dans le silence de la solitude, ils deviennent des expériences intenses où l'homme se fond dans le décor de la nature environnante. C'est ce que je réalise dans le vallon de la Pez lorsqu'une troupe d'isards vient me rendre visite tandis que mes pates cuisent à feu doux. Je décide de consacrer ma première journée seul à l'ascension du Lustou, un bel éperon bien marqué dont je rallieriai le sommet après un passage par les crêtes du Pic Guerreys. Un itinéraire voulu forcément sauvage pour n'avoir que pour seuls compagnons des isards de passage ou de lointains vautours. Je me régale toujours davantage de ces petits moments sans prétention d'escalade facile. Ce qui me motive pour me diriger vers le coeur du Luchonnais, fief de quelques uns des plus beaux 3000 de la chaîne. Jean-Marie m'en avait recommandé quelques-uns avant de partir. Je pose le bivouac sur les rives calmes et verdoyantes du Lac du Milieu. Un bivouac de rêve lors duquel j'essuierai un mémorable et fracassant orage. La journée qui suit est exceptionnelle. Un soleil éclatant brille dans un ciel lavé de toute résistance nuageuse. Dès l'aurore, une lumière fantastique donne la couleur d'une étape remplie de promesses.

Je vole littéralement en direction du sommet des Gourgs Blancs, puis de Clarabide, avant de prendre la direction du refuge du Portillon. J'y rencontre Olivier, un étudiant en sociologie travaillant habituelle- ment à son mémoire au Laos et un de mes futurs lecteurs. Ce que j'ignore évidemment encore ! Il m'accompagne tôt le lendemain matin sur les pentes de neige dure s'étirant sous le col de Literolles, col le plus haut à franchir de cette aventure. Il poursuit vers le val de Venasque tandis que je continue d'épancher ma soif de sommets en courant vers le Pic Perdiguère. Une belle ligne d'arête mène à son sommet via le Pic Royo. Là-haut le panorama sur les montagnes environnantes confine à l'immense et au beau. Je me sens diablement bien, hypnotisé dans la contemplation de la chaîne. Pourtant il ne faut pas traîner car le chemin est encore long jusqu'à Venasque. La neige qui subsiste rend la détection des indices de balisage complexe. Je finis d'ailleurs par m'égarer dans les barres rocheuses dégringolant vers l'hospice de Venasque. Après deux-trois coups de gueule isolés, je retrouve un chemin décent ainsi qu'Olivier avec qui je savoure un soda bien frais dans le vallon. L'endroit est blindé. Des cohortes de promeneurs et de candidats à l'Aneto inondent les sentiers du val. Je les évite du mieux que je peux en me dirigeant vers le Trou du Toro et sa tonitruante chute d'eau. Sur le petit plateau y faisant suite serpentent les sources de la Garonne que je traverse pour l'occasion à gué. Jean-Marie apparaît aux dernières lueurs du jour. Des retrouvailles heureuses avant l'ascension de l'Aneto dès le lendemain.

Cet ouvrage est davantage que le simple récit du périple hors norme que lui et son acolyte, Jean-Marie Meuret, ont effectué pendant 60 jours entre Hendaye et Banyuls : c’est aussi un magnifique témoignage sur les vertus de l’itinérance qui emmène le lecteur pour 900 kilomètres de marche entre la France et l’Espagne à la rencontre de la beauté authentique et abrupte des Pyrénées. Au fil d’un itinéraire tantôt classique, tantôt insolite, c’est par ailleurs un vibrant plaidoyer en faveur du rêve, un encouragement à aller jusqu’au bout de nos envies, qui se lit et se vit comme un ébouriffant roman d’aventures.

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