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Estaing / Cauterets

La randonnรฉe peut รชtre assimilรฉe ร  l'existence, ร  notre vie professionnelle. A chaque obstacle correspond une solution, soit pour effectuer un dรฉtour, soit pour un retour en arriรจre. Bien reculer pour mieux rebondir !

Focus Rando :Estaing / Cauterets

Aprรจs un sommeil hivernal, mon rรฉveil le faut tout autant. Vite, je ressentis mes lรจvres gercรฉes. Bien qu'ayant pu fournir une particuliรจre chaleur grรขce aux couvertures et au fait d'avoir gardรฉ mes habits, le froid impitoyable me gagna rapidement. Un profond dรฉcouragement m'envahit. Nulle envie de prendre une douche, autant faire sa toilette dans un frigo !

Au rez-de-chaussรฉe, une fois toutes mes affaires prรชtes, je retrouvai la soeur du propriรฉtaire occupรฉe dans la cuisine. Sur la table du petit-dรฉjeuner, รฉtait prรฉparรฉ ce que je lui avais commandรฉ la veille. La digestion fut difficile, au moins cela me permit-il de boire du chaud. A 8h45, je quittai le gรฎte. Dehors, la gelรฉe matinale me frappa au visage. Le givre se rendait visible sur l'herbe sombre. L'unique spectacle qui ravissait mes yeux รฉtait le magnifique lever du soleil, au-dessus des crรชtes. Compensation toutefois relative lorsque l'air glacรฉ englobe le randonneur, le contraignant ร  maintenir sa route, ร  baisser la tรชte plutรดt que d'admirer le paysage.

En moins d'une heure, j'atteignis le lac d'Estaing (1163 m). Il s'agit d'un lac naturel accessible en voiture et donc trรจs frรฉquentรฉ en รฉtรฉ. Il a une surface de 8,6 ha et une faible profondeur de 4 mรจtres. Les versants boisรฉs avec ses sommets enneigรฉs se reflรฉtaient dans les eaux. L'herbe รฉtait saupoudrรฉe d'une multitude de particules blanches. Aprรจs avoir longรฉ le lac sur 250 mรจtres, je bifurquai vers la gauche. Une petite pancarte jaune signalait un sentier. Je m'enfonรงai dans la sapiniรจre de l'Escale, en suivant le GR10 balisรฉ de rouge et blanc. A mesure que le soleil prenait sa hauteur dominante, l'air se rรฉchauffait doucement. Depuis certaines coudes de la piste forestiรจre qui part du centre d'accueil communal, divers points de vue sur la vallรฉe d'Estaing invitent ร  la contemplation. A 1400 mรจtres, je parvins au niveau de la cabane d'Arriousec, occupรฉe par un berger l'รฉtรฉ.

Je quittai la piste et la sapiniรจre pour poursuivre sur des pelouses en pente douce. Ici, ร  ciel ouvert, la chaleur s'accrรปt. Une vraie fournaise ! L'absence de vent prรฉsageait une mรฉtรฉo trรจs clรฉmente mais inhabituelle en pareille saison. L'objectif du jour รฉtait, en premier lieu, de grimper au niveau de la cabane de Barbat (1850 m) en traversant des pรขturages vers le sud-est, puis de franchir le col d'Ilhรฉou (2242 m) avant de descendre dans la vallรฉe de Cauterets et rejoindre le village de Cauterets. Bel itinรฉraire en perspective. En thรฉorie seulement.

En effet, j'ai mal prรฉsumรฉ de mes forces. Sur le sentier me conduisant au fond d'un cirque, ร  la cabane de Barbat, je souffrais souvent de la chaleur. Face ร  moi, le soleil cuisait mon visage ruisselant et ralentissait ma marche. Un ร  un, j'รดtais mes vรชtements, depuis ma polaire jusqu'au sous-pull. Sur moi, ne restait qu'un deuxiรจme sous-pull rรฉgulant la sueur. Je fus contraint ร  plusieurs arrรชts, pour me dรฉshydrater ou me reposer, retardant considรฉrablement l'horaire originel. Au pied d'un grand ressaut, ร  14h45, j'atteignis enfin la mรชme altitude que la cabane de Barbat, distante de 250 mรจtres. Essoufflรฉ, je jetais un oeil vers la vallรฉe depuis laquelle j'รฉtais passรฉ. Deux heures au mieux รฉtaient prรฉvu pour gagner le col d'Ilhรฉou. Je ressentais alors le besoin d'aborder une rรฉflexion. Au vu de l'heure tardive, รฉtait-il possible de rejoindre mon hรฉbergement ร  Cauterets avant la nuit ? J'en doutais. Sur une centaine de mรจtres, j'empruntai ร  nouveau le GR. Dans l'intervalle, la rรฉflexion avait mรปri en moi. Je pris la dรฉlicate dรฉcision de cesser mon ascension et de descendre par le mรชme chemin qui m'avait vu ร  l'aller. Au lac, j'envisagerais de faire de l'auto-stop. Il fallait improviser.

Il faut savoir reconnaรฎtre sa dรฉfaite, accepter une renonciation, afin de contourner la problรฉmatique d'une vision diffรฉrente. Le centre d'accueil communal (camping, cafรฉ, restaurant) รฉtait fermรฉ. En amont du lac, du monde peuplait ses rives. Le ciel clair et un vent inexistant encourageaient ร  nouveau une chaleur exceptionnelle ; j'รฉtais en nage quand je parvins au parking, ร  l'entrรฉe du lac. J'aperรงus un couple รขgรฉ rentrant d'une petite balade et se prรฉparant ร  s'engouffrer dans leur vรฉhicule. Je me dรฉmontais aucunement : ร  l'homme qui se dรฉchaussait devant son coffre ouvert, je lui demandai sa destination. Lui et sa femme comptaient se rendre ร  Argelรจs-Gazost, cela me convenait. Puis je devrais emprunter un autre transport pour descendre jusqu'ร  Cauterets. Je montais sans vergogne avec eux. Nous partรฎmes en route ensemble.

Aprรจs quelques jours de marche, le randonneur perd vite la notion temporelle. Cela engendre un manque de repรจre, un dรฉcalage horaire avec ses contemporains, une rupture avec ses propres habitudes. Ainsi, dans la voiture m'emmenant ร  Argelรจs, je jetai un oeil sur le cadran du tableau de bord : il indiquait une heure de moins que ma montre. J'hallucinais, au point d'en faire la rรฉflexion au couple. Voici leur explication : nous รฉtions dimanche, la nuit passรฉe nous avions passรฉ ร  l'heure d'hiver. Autrement dit, ce matin, j'ai cru me lever ร  sept heures, alors qu'il s'agissait de six heures ! J'avais donc une heure d'avance sur mon programme dรจs le dรฉbut, et je l'ignorais ! Sachant cela, aurais-je pu poursuivre mon avancรฉe jusqu'au col d'Ilhรฉou ?

A dรฉfaut d'Argelรจs, Le couple me dรฉposa ร  Pierrefitte-Nestalas, plus proche. Sur leur recommandation, je suivis une route menant ร  Cauterets, ร  7 kilomรจtres. Trรจs tรดt, j'agitais mon pouce. Pas un conducteur n'eut la gentillesse de s'arrรชter ; la plupart รฉtaient des gens du coin. Durant un kilomรจtre, j'รฉvoluais sur la mรชme route en lacets, sans trouver une รขme bienveillante pour me secourir. Dans une heure, la nuit allait m'envahir. Plus tard, enfin une voiture s'interrompit. Je regardais la plaque d'immatriculation : 22. Un nouveau couple รฉtait prรชt ร  m'emmener ร  ma destination. Ils รฉtaient ici en vacances, leur domiciliation รฉtant Saint-Brieuc.

Cauterets est une petite ville de montagne, ร  930 mรจtres d'altitude, bien nichรฉe au confluent de quatre hautes vallรฉes et au pied du massif du Pรฉguรจre. Sa vocation thermale est omni-prรฉsente dans l'appellation des hรดtels, des noms de rues, des hameaux. La citรฉ est รฉgalement rรฉputรฉe pour sa station de sports d'hiver et touristique. Prรฉcisons qu'elle se situe ร  la frontiรจre limitrophe du Parc National des Pyrรฉnรฉes et ร  une journรฉe de marche du Vignemale, le quatriรจme plus haut massif des Pyrรฉnรฉes (3298 m).

Quant ร  mon hรฉbergement, la dรฉception fut au rendez-vous. Une nuitรฉe avait รฉtรฉ rรฉservรฉ auprรจs du gรฎte Beau Soleil ; en m'y rendant je tombai sur une femme, ร  l'intรฉrieur, qui m'annonรงa l'absence du patron, en consรฉquence elle ignorait si ma rรฉservation รฉtait validรฉe ou non et quelle chambre m'avait รฉtรฉ attribuรฉ. Elle me conseilla de m'adresser ร  l'hรดtel “Au Montagnard” qui jouxtait le gรฎte. Curieuse faรงon d'accueillir les clients ! A l'รฉtablissement hรดtelier, l'hospitalitรฉ de la gรฉrante fut plus apprรฉciable. Il lui restait une derniรจre chambre. Dans l'attente du dรฎner, je pus finalement prendre une douche. Une douche chaude !

A table, nous รฉtions quatre : moi-mรชme, un couple รขgรฉ de 80 ans et une personne d'une cinquantaine d'annรฉes. Ils participaient ร  une cure thermale. Le menu รฉtait une bonne garbure, arrosรฉe d'une bouteille de vin. En fin de repas, une discussion avec l'hรดteliรจre a virรฉ ร  la prรฉsence des ours dans les Pyrรฉnรฉes. Un ours, me dit-elle, a รฉtรฉ aperรงu une semaine plus tรดt dans la forรชt de Lisey, probablement ร  la recherche d'une taniรจre pour hiberner. En principe, aucun risque de tomber nez ร  museau avec cette charmante bรชte. Je montai me coucher.

Puisque mes pieds souffraient le martyr depuis le dรฉbut de mon pรฉriple, ce soir je les massai, les dorlotai. Du pur bonheur !

Philippe Manaรซl
Je suis un passionnรฉ de montagne. J'aime prendre de l'altitude, ร  l'instar de ceux qui prennent du recul. ย Ma pratique du trek se compose en solitaire depuis de nombreuses annรฉes, en semi-autonomie sur plusieurs jours, souvent l'รฉtรฉ, rarement l'hiver. Photographe passionnรฉ, j'apprรฉcie de faire des reportage-photos pour exprimer la beautรฉ des paysages, ร  califourchon sur les plus hauts cols. Aussi, je retranscris par รฉcrit toutes mes aventures pรฉdestres, avant de partager ces dรฉcouvertes par le biais de mes sites dรฉdiรฉs au voyage.ย Nul besoin de consulter un spรฉcialiste en cas [...]
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