Mercredi 18 octobre : La galère de Seb
Encore une nuit agitée, mais pas à cause des clochettes. A 2h du matin Gérard est venu me réveiller : « –Seb est super malade ! ». Il a vomi, a de la fièvre, délire, a mal à la tête et tient des propos incohérents à propos de sa maman… Je le plains, je pressens qu’il va souffrir dans les prochains jours pour avoir vécu une nuit semblable l’année dernière. Je m’improvise docteur et lui donne immédiatement de quoi faire tomber la fièvre et un début de traitement antibiotique. Apparemment c’est une infection qui est partie de ce qu’il a mangé, car il n’a ni toux ni rhume. La conjugaison de l’altitude, de l’effort, du froid, du changement de régime alimentaire, du stress de l’ascension future a eu raison de la résistance de son organisme, et il lui faut un coup de « booster ». Janbu est parti chercher un caisson par sécurité, on le garde jusqu’à demain matin au cas où il en aurait besoin.
Tout se passe bien jusqu’au matin. Seb n’a pas trop la frite, pas d’appétit, mais se sent d’attaque pour monter jusqu’au camp de base situé à 5150m d’altitude. Il mettra 3h pour franchir les 400m de dénivelé qui nous en sépare, ce n’est pas trop mal pour un convalescent. Je me revois tellement l’année dernière, la même démarche hagarde, des pauses fréquentes, pas de motivation, et ce terrible besoin de dormir… Je ne sais pas trop quoi faire pour l’aider, Gérard et moi essayons d’être très attentifs à ses réactions et l’encourageons du mieux que nous pouvons. Nous sommes bien démunis dans cette situation, et sentons avec angoisse que ses chances de tenter le sommet sont minces. Mais rien n’est perdu et nous verrons ce soir au camp de base s’il souhaite attendre un jour pour se retaper, ou si c’est définitivement foutu pour l’Island Peak en ce qui le concerne.
Le chemin qui mène au camp de base traverse des moraines et est essentiellement constitué de sable, dans une ancienne vallée glaciaire froide, désertique, aride, sauvage, pure, même pas traversée par le moindre ruisseau (l’eau se fait rare au-delà de 5000m).
Nous arrivons au camp de base à 12h et passons l’après midi à préparer la journée du lendemain, car ce sera le grand Jour.
Nos porteurs ont presque tous mal à la tête, les cachets de paracétamol filent à toute vitesse hors de nos trousses de secours. Ils ont beau être sherpas, ils sont comme nous soumis aux contraintes physiologiques de la haute altitude, ils ont froid, faim, mal aux pieds, sont malades eux aussi. La différence, c’est que si quelque chose de grave nous arrive, on enverra un hélicoptère jusqu’à 5000m pour nous chercher, alors que pour eux…
Le soir nous faisons le point sur notre situation. Nous nous rendons compte que Kadje n’a pratiquement pas de matériel pour l’ascension : jumar, crampons, chaussures, il faut tout lui passer. Comment aurait-il fait si Seb avait été en état de monter et n’avait pas pu lui prêter son matos ? Car l’état de faiblesse de Seb ne lui permet pas d’envisager le sommet. Encore plus dur que de renoncer au Kala Pattar l’année dernière, j’ai les boules pour lui… venir jusqu’au pied de la montagne et ne pas pouvoir s’y attaquer, dur… Janbu qui n’est pas bien remis de sa grippe restera avec lui au camp, nous monterons donc à 3 : Gérard, Kadje et moi. Seb sera présents dans nos cœurs et nos pensées, et nous lui dédierons le sommet si nous réussissons.
Il faut que je retourne aux toilettes une 5° fois depuis midi, avec les 4 litres de thé chaud que l’on boit chaque jour, c’est une vraie manie que d’aller pisser.
J’espère que la nuit sera bonne, on aimerait partir à 3h pour être dans les premiers à monter, il faut convaincre Janbu qui verrait plutôt 5h.
Faux, Janbu nous annonce qu’il nous lèvera vers 1h30 pour partir à 2h. On a intérêt à dormir tôt, ce soir ce sera à 18h30.
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