Ascension finale de l’Everest

Ascension finale de l'Everest - Ascension de l'Everest

Focus Rando :Ascension finale de l’Everest

J48 Mercredi 21.05.08 – Balcony (8250m) sommet (8848m) col sud (7960m)

Merci ô déesse de t’être laissée séduire et de nous avoir acceptés en ton mortel séjour sans déchaîner tes foudres pendant 36h.

Minuit… La marche reprend sur cette belle et raide arête, on pourrait se croire dans les Alpes si ce n’était notre accoutrement bibendique et cochonesque d’explorateurs de surface (de l’atmosphère).

Ca bouchonne. A chaque arrêt mon cerveau se perd dans des rêves subconscients qui doivent durer quelques fractions de secondes. Ca doit être ça dormir debout, et à tel point que ça commence à m’inquiéter, vais-je m’endormir vraiment ? Et puis le jour se lève et tout s’éclaire doucement, plateau tibétain à droite avec, à l’infini, brillance de lacs, de glaciers, de moraines, derrière nous l’arête plonge dans la nuit et nous indique le majestueux Makalu et à notre gauche, au delà de l’arête du Nuptse qui délimite la profonde combe ouest les sommets familiers du Kumbu : Ama Dablam, Thamserku, Kang Taiga, Mera Peak etc… Le tableau inversé de la vue sur l’Everest que je connais de certains de ces sommets.

L’arête se redresse, ressauts rocheux bardés de cordes sur lesquelles tout le monde se tire allègrement, les crampons crissent sur le rocher, les respirations raisonnent à travers les masques. Il y a la queue, ça permet d’admirer les changements provoqués par la montée du soleil et puis ces pauses forcées arrangent tout le monde finalement. Le sommet sud semble tout proche mais demande encore quelques efforts, nous sommes devenus patients, lents, mutants. Nous y sommes enfin, l’espoir gonfle, on voit le but : petite brèche d’où l’on peut voir au fond, dans l’ombre, les tentes du C2, puis ressaut Hillary et au bout de l’arête le sommet que l’on devine.

Petite pause, tout le monde a bien tenu le coup. On fait le point de l’oxygène avec les sherpas et on continue, célèbre ressaut Hillary qui ne laisse passer qu’une personne et cette arête qui n’en finit pas, mais quelle importance on sait désormais que la déesse nous accepte. Ca y est nous y sommes au point mythique et ultime de la planète. Jamais aucun de nos pas ne pourra nous porter plus haut. Il est 9h30, l’altimètre indique 8650m, il faudra revoir les altitudes ! Et le baromètre 280mb !

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Étreintes, photos, coups de téléphone, larmes, offrandes, émotion, le temps passe à toute allure et quand nous décidons la descente il s’est écoulé 40mn sans que personne ne se sente pressé par le froid ni par le manque d’oxygène, à l’arrêt à 8848m le masque n’est plus indispensable. Conditions rares je suppose en cet endroit, j’apprendrai par la suite que ce jour là 70 personnes sont arrivées au sommet.

Les sherpas filent devant sans demander leur reste et je guide Anne Garance, nous croisons de nombreuses personnes dont une attire particulièrement mon attention, je le félicite et le questionne car il n’est pas sous oxygène, il est Suisse et à ma demande me donne son programme préparatoire. Il me semble rapide, il m’impressionne d’autant plus, mais je ne connais pas ce Suisse…

Nous arrivons au dessus du ressaut Hillary. Depuis le sommet sud, Ang Tsering me demande l’autorisation de descendre avec Nima… Accordée, le guide deviendrait-il utile ? Il laisse le thermos de 1/2 litre de AG d’ailleurs vide qu’il a porté au sommet sud. Le thermos ne semble pas être la solution pour ce genre de sommet, comme dans toute course un peu longue il faut minimum 1 litre et c’est lourd. La gourde avec enveloppe iso style "Sigg" semble bien adaptée. Boissons et vivres font partie du matériel de survie indissociable de l’alpiniste qui ne doit pas être sujet à une économie de poids. C’est la leçon à retenir.
Notre descente continue. Cette descente qui a tant noirci de papier : je ne sais pas où j’ai lu que monter à l’Everest était à la portée de beaucoup, mais que la difficulté était d’en descendre… Certes.
Un peu inquiet sur nos réserves d’O2, je passe un coup de radio à Ang Tsering qui nous a laissé tomber au moment délicat. Il me parle des bouteilles du Balcony dont certaines ne seraient pas vides…

Finalement ça va très vite cette arête est si raide et, vachés sur les cordes en main courante, assurant les pieds pour éviter les déséquilibres, grands consommateurs d’O2, nous progressons bien.Au début de la descente nous croisons le sultan d’Oman. Cela fait plusieurs fois que nous le voyons souvent pas très bien mais là il est carrément inerte, le vase d’expansion de son masque ne bouge plus et je vais jusqu’à lui prendre le pouls pour vérifier qu’il est encore vivant, il l’est. Impossible de le réveiller, endormissement profond ou perte de connaissance ? Son sherpa a une radio, nous le prévenons de la gravité de la situation et le laissons gérer.

Moi qui était anti-arrêt en montagne, j’ai découvert à l’Everest ce que j’appellerai la pause népalaise : on plante bien toutes les pointes dans la neige face à la pente et on pose les fesses tout contre les talons, puis le sac à dos qui libère les épaules… Deux minutes de ce traitement et le souffle revient… Au delà de 7000 le simple fait de charger un sac dépassent 10kg essouffle c’est aussi pour cette raison que les sherpas qui portent notre O2 (4kg/bouteille) doivent prendre de l’oxygène.

Et nous sommes assez vite au Balcony devant le cimetière de bouteilles. La première que je choisis contient encore 10l, de quoi descendre sans problème jusqu’au C4, Anne Garance en a suffisamment dans sa bouteille. Nous voici dans la face sud qui domine le col sud, elle est très sèche cet année et les raides éboulis de petites pierres donne quelques difficultés en crampons à tel point que Anne Garance dans un grand écart réussit à déchirer sa salopette en duvet à l’entre jambe. C’est à peu près à cet endroit, à quelques mètres du chemin que nous avons fait la rencontre macabre : un corps allongé là, qui était-ce ? Depuis quand ? Que lui était-il arrivé, il garde son histoire de mort momifié de l’Everest, et nous continuons notre route…

La pente s’élargit redevient neige quelques rappels et nous arrivons au col sud. Nos sherpas nous préparent de l’eau, quelques soupes, nous sommes déshydratés et nous nous installons pêle-mêle dans la tente, chacun sa bouteille d’oxygène réglée sur bas débit pour un sommeil sécurisant, heureux et réparateur. C’est vrai, nous avons du mal à réaliser nous l’avons fait et c’est bon de retrouver la conscience avec cette idée.

  • M/D: 900m
  • Du C4 au sommet 12h30
  • Du sommet au C4 6h

 

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