La vallée du Lot en Occitanie est l’une des plus belles régions de France. J’en ai la ferme conviction après 4 jours de randonnée dans le parc naturel des Causses du Quercy, un géoparc Unesco, jusqu’au magnifique village de Saint-Cirq-Lapopie, en marchant de gîte en gîte à l’automne dernier. Une rando préparée par l’un de mes hébergeurs qui m’a permis de découvrir de magnifiques paysages et un riche patrimoine, de faire des rencontres sympas. Accompagné par mon ami Gil Giuglio, talentueux photographe, j’ai adoré cette parenthèse.
Belle assiette et tablée sympa ! Au gîte de Poudally, à Lalbenque, où débute mon circuit de 4 jours dans les Causses du Quercy l’ambiance est au diapason du décor : agréable. Dehors il fait déjà nuit. Personne ou presque ne se connaissait avant de faire étape ici, chez Elsa. Pourtant les conversations vont bon train autour de la longue table commune.
Mes compagnons sont des pèlerins qui marchent vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Comme ils se montrent très ouverts, je ne peux m’empêcher de les questionner sur leur choix. On me répond sans détour, m’explique. Mais ceci est une autre histoire… Les soirs suivants, je vais connaître d’autres soirées tout aussi mémorables. Et croiser -c’est le mot puisque je serai souvent à contresens- bon nombre de pèlerins sur ma route.
Je vais marcher durant 4 jours dans les causses du Quercy sur un circuit -prévu pour 5 jours mais, faute de temps, nous arrêterons avant- préparé par la propriétaire du gîte, Elsa Déléris. La quarantaine dynamique et enjouée, Elsa fait profiter de sa minutieuse connaissance de la région. Avec son compagnon Manu, elle a préparé cette boucle baptisée « panorama sur Saint-Cirq-Lapopie et le géoparc des Causses du Quercy ». L’itinéraire relie les plus beaux endroits du secteur et fait dormir chaque soir dans un autre gîte. Son initiative a tellement bien pris que plusieurs autres boucles identiques ont été mises sur pied dans la région.
Après le repas, on passe aux choses sérieuses. En petit comité cette fois, j’ai droit aux explications du circuit, à l’installation sur mon smartphone de l’appli ViewRanger qui sert de support à la trace GPX que je vais suivre. C’est donc très confiant que je gagne mon lit : tout devrait bien se passer dans les jours à venir.
Jour 1, de Lalbenque aux Mazuts
+ 304 m / – 258 m 24,8 km
Oui, tout se passe bien, au moins les premières heures… Le chemin est facile à trouver, en suivant le balisage du GR 65 puis celui d’un circuit VTT. Tant mieux, car sur cette première étape il n’y a pas âme qui vive sur les chemins pour nous renseigner. Les choses se sont pas mal gâtées par la suite : Gil et moi, nous nous sommes perdus à plusieurs reprises. Eh oui, on peut être un marcheur aguerri sans forcément maîtriser correctement l’orientation et le maniement des cartes…
Mais cela ne devrait pas vous arriver ! En fait, une nouvelle appli, beaucoup plus complète puisqu’elle comprend à la fois la navigation GPS et le descriptif touristique, est mise en service à l’été 2020. On peut donc totalement se laisser absorber par la quiétude et la douceur des paysages.
De temps en temps, certes on retrouve la civilisation, avec la proximité d’un lotissement ou la traversée d’une route fréquentée. Mais je prête plus d’attention à ces quelques vaches -heureuses d’avoir de la distraction, dirait-on- qui paissent avec leurs veaux, ou à cet antique tracteur en train de labourer un petit champ. Au passage, le paysan soulève sa casquette d’un geste lent et nonchalant pour nous saluer. Rien de dédaigneux, bien au contraire : rien ne presse, toute chose mérite qu’on s’y attarde !
Dans la matinée, on arrive à Laburgade, un bien joli village d’ailleurs, connu pour son chemin des puits. 13 puits, exactement, creusés sur une seule ligne les uns à côté des autres vers la fin du XVIIIe, maçonnés et couverts de dalles. Pas vraiment spectaculaire, mais pas commun non plus ! Un peu plus tard, à la sortie du hameau de l’Escalié, c’est un petit étang qui retient notre attention. Ou plutôt ses lavoirs « papillon ». Taillés dans la pierre, ils évoquent les ailes d’un papillon. C’est joli, du coup on décide de pique-niquer ici !
En fait, des lavoirs-papillons, on en verra encore quelques uns. S’ils sont assez rares, c’est cependant la spécificité du pays. A Aujols -autre charmant village, où je me verrais bien prendre des vacances-, il y en a pas mal. Les rives du petit lac, situé en plein centre, en sont garnies.
Mais Aujols, pour nous, ce sont les igues. L’une des curiosités de la région, que nous vantait Elsa en affirmant que peu de gens les connaissent. Ce sont des gouffres -igues est le terme local- nés de l’effondrement du « plafond » d’immenses grottes. Aujourd’hui envahis par la végétation, ils sont malgré tout impressionnants ! Ça valait le coup d’aller voir.
Jour 2, des Mazuts au relais de Pasturat
+ 194 m / – 220 m 12,5 kmCette deuxième journée, la plus courte de la rando, commence par un longue descente vers le Lot. Un premier méandre apparaît, devant une falaise de calcaire faiblement éclairée par le soleil qui se mire dans les eaux tranquilles de la rivière.
A la différence de hier, nous croisons beaucoup de marcheurs. Nous sommes sur le GR 36-46 -qui, malgré son appellation, comporte pas mal de portions en bitume et ça m’énerve!-, un axe très fréquenté par les pèlerins. Avec une coquille bien en évidence sur le sac à dos, ils marchent tous vers Saint-Jacques de Compostelle. Chacun à sa manière, seul ou en groupe, chacun à son rythme.
Croisé au détour du sentier, Grégory, un ingénieur de 44 ans originaire de Besançon, à qui je pose une question anodine sur « le » Chemin, n’hésite pas un instant. Il pose son sac. Sans se soucier de l’heure qui tourne, il explique les raisons de son choix, ses petites et grandes joies. A la fois simple, franc et émouvant. Le genre de rencontre qui me fait dire que peut-être, un jour, moi aussi…
Un peu plus loin, dans une autre trouée de la forêt, apparaît Vers. Le bourg s’étire de part et d’autre d’un vieux pont de pierre enjambant le Lot. Une belle terrasse s’étale là, et on ne résiste pas au plaisir d’un expresso bien serré. Puis s’en suit une boucle sur les hauts de Vers, pour chercher son « château des Anglais » et la grotte des contrebandiers. Des noms aguichants mais, en vérité, rien de bien émoustillant.
A la différence de la suite de l’itinéraire. On se promène entre sous-bois et pâturages clos par des murs de pierre sèche, c’est vraiment joli. Mais la grosse surprise survient en débouchant sur le bord du plateau. Nous sommes en haut d’une falaise -peut-être celle que je contemplais ce matin- qui surplombe la rivière. Une centaine de mètres plus bas, le Lot déroule ses anneaux sur des kilomètres, loin, très loin. Malgré la distance, me parvient le bruit de la chute d’eau, sous le bas mais large barrage en forme du U qui barre la rivière en contrebas. Un son apaisant. Je m’assois là un bon moment. Un panorama exceptionnel.
Le Lot, on le longera ensuite jusqu’à Saint-Géry. On y arrive tôt dans l’après-midi. Trop tôt, même. Je prends mon temps dans le hameau des Pasturats : l’église semble intéressante, mais elle est fermée, comme souvent. C’est là qu’un vieil homme, assis sous un auvent, se lève, entre dans sa maison et vient vers moi, une grosse clé à la main… Sympa, non ?
Tout autant que la soirée que j’ai passée au relais des Pasturats. Une bonne tablée, faite évidemment de pèlerins pas avares en anecdotes de tout genre. Et, encore une fois une bien belle assiette. C’est toujours meilleur en bonne compagnie.
Jour 3, de Saint-Gery à Saint-Cirq-Lapopie
+ 344 m / – 224 m 17,3 kmEncore une étape cool, doublement : il suffit de suivre le balisage GR, tout au long du trajet, qui de plus est relativement court. Dans un premier temps, l’itinéraire s’écarte du Lot pour gagner la ligne de crête, dans les bois. Ça monte et ça descend, pas trop, et c’est plutôt agréable. Puis on revient sur la rivière, un miroir où se reflètent les arbres de la berge. L’image même de la sérénité, à laquelle s’ajoute le gazouillis des oiseaux.
A l’entrée du beau village médiéval de Bouziès, c’est un… rhinocéros, en fer certes, qui m’accueille. Il est fermement campé à l’ombre d’un palmier, tout aussi métallique, devant une belle bâtisse retapée avec soin. C’est en fait la demeure d’un artiste, Patrick Méderic. Une telle sculpture, me raconte-t-il ensuite, lui demande tout de même la bagatelle de six mois de travail !
Quelques km plus loin, au bord du Lot, c’est le travail d’un autre sculpteur que je trouve. Et plutôt bien mis en valeur : un bas-relief d’une 30 aine de m de long, apposé sur la paroi rocheuse du chemin de halage. Car ce chemin est un spectaculaire livre d’histoire à lui tout seul. A coups de barre à mine -j’en aperçois encore les traces dans la pierre- et d’efforts incroyables, il a été creusé au pied du défilé rocheux qui enserre le Lot. Au milieu du XIXe s, plus de quatre ans de travaux ont ainsi été nécessaires. Le chemin terminé, les gabares -des bateaux à fond plat-, ont alors pu remonter la rivière, tractés par des chevaux.
Sous le charme de ce chemin, ainsi que des anciennes écluses qui suivent, j’avale les derniers km sans même m’en rendre compte. Me voici déjà à Saint-Cirq-Lapopie, perché sur sa colline. La transition est brutale. Au sortir d’une longue volée de marches, je débouche en effet sur une place bondée. Et je comprends vite pourquoi : quel endroit magnifique ! Il a d’ailleurs été élu « village préféré des Français » en 2012. C’est simple, pas une construction -ancien palais, église ou simple maison- qui ne soit une demeure historique vieille de plusieurs siècles.
Et Saint-Cirq-Lapopie grouille de vie : galeries de peinture, restos, marchands de glace ou de souvenirs occupent le moindre espace disponible. Plutôt étourdi par la foule, je musarde, le nez en l’air. Du château qui domine les lieux à l’église -d’ailleurs baptisée Saint-Cirq-et-Ste-Juliette- ornée d’un superbe cadran solaire, c’est un vrai plaisir.
Du coup, je suis vraiment content d’être arrivé de bonne heure ! C’est bien organisé, quand même. D’autant que l’hébergement est au top : c’est un gîte communal, ultra-moderne et bien équipé. Qui plus est, géré par le fils de mes hôtes de la veille. Le monde est petit, n’est-ce pas ?
Jour 4, de Saint-Cirq-Lapopie à Escamps
+ 381 m / – 316 m 20,4 kmLa journée débute par un crochet, en fait un aller-retour qui emprunte un vieux chemin de croix, jusqu’au cirque naturel de Vènes. A quelques encablures de Saint-Cirq-Lapopie, se trouve en effet une spectaculaire dépression s’ouvrant sur le Lot.
Après cela, nous tournons résolument le dos à la rivière. Pour nous enfoncer dans les causses. J’adore ce paysage fait de champs ou pâturages clos par des murs de pierre sèche recouverts de mousse, de petits bois et de chemins encaissés. Il y flotte un petit parfum de mystère, un je-ne-sais-quoi plein de charme. Ici, ce sont des réserves de chasse, mais aucun gibier se laisse apercevoir.
Parfois, le chemin passe au beau milieu d’une cour de ferme, devant les clapiers à lapins. C’est inattendu. Au moins autant que la découverte d’une carcasse de Traction Avant, pas si abîmée que ça d’ailleurs, quelques centaines de mètres plus loin. Les collectionneurs s’arrachent ce genre de véhicule, même dans un tel état. Ce qui me fait dire qu’il n’y pas y avoir beaucoup de monde à passer par là.
A Concots, le premier village que nous traversons, on se réjouit de prendre un café. Hélas, le seul bistrot est fermé, depuis des mois déjà. On se hasarde dans un restaurant, un gastro réputé. Non seulement les randonneurs poussiéreux que nous sommes sont bien accueillis, mais l’expresso est fort bon ! Et pas plus cher qu’ailleurs non plus. Je me promets d’y revenir un jour, pour goûter sa cuisine.
Retour dans les causses profondes. Maintenant les champs sont seulement plus ou moins cultivés, plutôt moins que plus d’ailleurs, les murets de pierres souvent à moitié éboulés. De temps en temps, une caselle -une antique et petite construction ronde, en pierre, servant d’abri au berger- qui ponctue le paysage. Parfois une maison très isolée. C’est romantique à souhait. Et voici que, juste devant nous, un chevreuil franchit le sentier d’un bond.
Enfin, c’est l’arrivée à Escamps. Un riche village, à en juger par ses demeures, quelques une fort anciennes. Il y a aussi un beau château, abandonné -avis aux amateurs- et passablement délabré, mais un château tout de même.
Escamps doit son opulence à l’eau, que l’on trouve ici en abondance contrairement au reste des causses. Les majestueux puits, sompes et autres dolines en contrebas du village, en sont le témoignage. Plus récemment, l’exploitation du phosphate dans des carrières de la commune, ont aussi beaucoup participé à sa prospérité. Et aujourd’hui, c’est tout simplement un endroit où il fait bon vivre.
Faute de temps, pour nous la randonnée s’arrête à Escamps. Mais avant de repartir, nous faisons un crochet aux phosphatières du Cloup d’Aural, près du village de Bach, non loin d’Escamps qui figurent au programme du dernier jour. Une bonne idée, car c’est un endroit étonnant. Car c’est un air de Jurassic Park qui flotte ici. En fait, il y a de ça ! Tout y est : la végétation, avec des fougères et des mousses, ainsi qu’une lumière très particulières, et un environnement un peu mystérieux. En tout cas, c’est un passionnant voyage dans le temps qui est proposé. Car le Cloup d’Aural est comme un livre de géologie grandeur nature. On descend à une trentaine de mètres sous le niveau du sol, par de larges escaliers très praticables. Pour y trouver les traces de l’évolution du monde. Au travers notamment de fossiles : antilopes, lions, rhinocéros… qui vivaient ici voici quelques dizaines de millions d’années, à l’ère tertiaire. C’est une ancienne mine de phosphate, une phosphatière donc. Ce minerai, beaucoup utilisé comme engrais mais aussi dans des produits aussi différents que les détergents ou les sodas, se trouvait en abondance ici. Comme en maints endroits des Causses du Quercy, devenus l’eldorado du phosphate à partir des années 1870. Le Cloup d’Aural est aujourd’hui à ciel ouvert. Mais il s’agit du lit d’une rivière souterraine, coulant dans une grotte dont la voûte s’est affaissée. Une configuration très favorable pour une carrière. L’endroit a ainsi été beaucoup exploité. Plusieurs dizaines de personnes y travaillaient, jusqu’en 1906. Puis la phosphatière a été abandonnée. Recouverte par la végétation, oubliée, la phosphatière était devenue une décharge sauvage. Jusqu’à ce que des passionnés mettent en lumière ses richesses. Pour en faire, au fil des années, cet endroit fascinant et captivant qui mérite vraiment qu’on s’y attarde. On l’a fait avant de reprendre notre train. Nous n’avons pas regretté.
Informations pratiques des 4 jours de randonnée dans les Causses du Quercy
Ce circuit est une randonnée en liberté qui s’effectue en 6 jours, dont cinq de marche avec des étapes de 15 à 19 km, soit 4 à 5 h de marche chaque jour. Au total, il fait faire une boucle de 88 km à travers le parc naturel régional des Causses du Quercy, labellisé Geoparc Unesco, la vallée du Lot et le village médiéval de Saint-Cirq-Lapopie.
Le départ et l’arrivée se font au gîte de Poudally, à Lalbenque. Sa gérante Elsa Déléris est à l’origine du circuit qu’elle a composé avec d’autres hébergeurs dynamiques de la proche région. Chaque soir, vous dormez ainsi dans un gîte ou une chambre d’hôte. Et chaque matin est fourni le panier repas du jour. Les bagages sont acheminés à chaque nouvelle étape et vous ne portez que les affaires de la journée. Le circuit en soi est gratuit, on ne paie que les prestations fournies (repas, nuitée, pic-nique…) comme le ferait un client habituel.
Tracé GPS, carte IGN -spécialement imprimée avec l’itinéraire- et roadbook sont fournis. Une nouvelle application, izi.travel, faisant fonction à la fois d’audio-guide et de GPS, sera installée sur votre smartphone. Elle doit vous permettre de suivre l’itinéraire sans difficulté et de découvrir les richesses du parcours.
Quatre autres circuits similaires, construits sur le même principe, fonctionnent déjà dans le département du Lot. Il y a par exemple « la boucle Saint-Jacques » avec départ et arrivée de Cajarc (boucle de 126 km en 6-7 jours de marche). Ou encore « sur les pas de saint Jacques en Quercy blanc » (boucle de 102 km en 5 jours de marche) près de Cahors.
- Tous les renseignements sur ce circuit ainsi qu’une foule d’autres propositions sont sur le site de Lot Tourisme
- Le gîte de Poudally fournit sur demande une fiche détaillée de présentation comprenant notamment la liste des hébergeurs (et en prime des propositions complémentaires si ceux-ci affichent complet ou ne conviennent pas). Au demeurant, c’est une adresse particulièrement sympa, qui circule beaucoup de bouche à oreille. Les chambres et dortoirs sont confortables, les bons plats d’Elsa sont réputés.
- La gare SNCF d’arrivée la plus commode est Cahors.
Journaliste professionnel venant de la presse régionale, j’ai toujours aimé bouger. Au fil de mes pérégrinations, j’ai découvert le voyage à pied et à vélo, que j’apprécie énormément l’un comme l’autre. Et plus j’en fais, plus j’en redemande !
Promis, je m’y lance dès que je peux ! Je comptais marcher dans cette belle région à l’automne, ce sera pour plus tard, mais ce sera.
Bonjour, pouvez vous m’indiquer si cet itinéraire se réalise en VTT ?
Merci pour la réponse.
Bonjour
J’ai beaucoup randonné dans le secteur à la journée, ton topo est parfait pour ces 4 journées. Cela permet de découvrir cette région, trop méconnue malheureusement. Pour ceux qui voudraient utiliser le VTT, tout passe sans problème.