L’Échappée Jurassienne est l’une des grandes itinérances en France. En solo et en portant mon sac, j’ai marché sur cet itinéraire quatre jours durant, entre Arbois et Lons-le-Saunier. Il m’a fait traverser des paysages très divers, depuis les spectaculaires « reculées » jusqu’aux célèbres vignobles du Jura. Et fait découvrir des sites exceptionnels, comme l’ancienne abbaye bénédictine de Baume-les-Messieurs.
352 km d’un bout à l’autre de l’Échappée Jurassienne, un sacré bout de chemin. Trop pour moi, d’une traite en tout cas. Alors, quel tronçon ? Mon choix : la partie entre Arbois et Lons-le-Saunier, que je vais couvrir en quatre jours. Certainement pas la plus sauvage, même si elle est assez exigeante. Elle présente peu de dénivelé, certes, et pourtant pas mal de courtes mais rudes montées ou descentes. Cette portion offre aussi de beaux paysages, variés. Et surtout, elle met en avant les richesses patrimoniales du Jura.
Dès les premiers instants, je suis servi: arrivé par train à Arbois, je découvre une petite ville franchement charmante. Dire que je suis passé non loin d’ici pas mal de fois sans jamais m’arrêter ! Arbois est mimi comme tout avec ses vieilles demeures de pierre jaune. Je fais d’abord un tour dans la maison de Louis Pasteur, l’inventeur -entre autres- du vaccin contre la rage. Puis un peu plus haut dans la vieille ville, dont une partie donne sur la Cuisance, une rivière bien acrobatique ici : elle offre des cascades en pleine ville !
1er jour, des Planches-près-Arbois à Poligny
+ 884 m / – 826 m 26,57 kmL’Échappée Jurassienne commence pour moi dans la reculée -un fond de vallée qui vient percuter un mur de falaises calcaires- des Planches-près-Arbois. Un site spectaculaire, de toute beauté. Et ça se sait. Il est encore tôt et je ne croise personne. Mais en journée, les promeneurs doivent être nombreux si j’en juge par tous les panneaux leur demandant de respecter le fragile équilibre naturel. Le site est en effet classé Natura 2000, notamment pour les cascades et les bassins de tufs qui constituent un habitat rare et menacé pour de nombreuses espèces végétales et animales.
Puis c’est la montée vers le sommet de la reculée. D’en haut, je constate que le cirque du Fer-à-Cheval, le bout de la reculée, mérite vraiment son nom. Planté au bord de la falaise, je savoure : c’est superbe. Après le col du même nom, direction le village de Pupillin. Des itinéraires bien plus courts se présentent, mais je reste bien sûr fidèle à l’Échappée Jurassienne. Elle doit avoir ses raisons… Parmi celles-ci, l’impressionnante forêt moussue : les arbres sont revêtus de lichens -en l’occurrence un rare lichen pulmonaire- qui leur donnent un aspect féerique. Presque comme dans certaines scènes du film Twilight. Puis de majestueux hêtres qui me guident jusqu’à l’allée du Roi-de-Rome. Au bord de celle-ci, le « hêtre président », le plus haut et le plus gros. Comme le veut une vieille tradition du Jura, il a été élu à ce titre par les habitants d’Arbois, en 1993 !
Après un passage dans les vignobles de Pupillin, je marche le plus souvent en forêt. Dans le milieu de l’après-midi, arrivée sur la grande corniche au-dessus de Poligny. Joli ! Les falaises d’un blanc crayeux se détachent des vignes qui ondulent à leurs pieds. L’Échappée Jurassienne se faufile dans un dédale de sentiers qui mènent à des endroits au nom curieux : le rocher du Pénitent, le trou de la Lune… Sur un étroit chemin en balcon, je m’arrête sur l’un des bancs installés ici pour profiter de la vue.
Puis je descends, pardon je dégringole, sur Poligny. Accrochée à flanc de colline, la ville est plaisante à parcourir. Bien sûr, je fais un gros crochet pour aller découvrir la toute nouvelle Maison du comté. Car, pas moyen de l’ignorer avec la profusion de boutiques, Poligny est la capitale de ce délicieux fromage. Qui représente tout de même 14 000 emplois dans la région. Et on trouve d’ailleurs à Poligny 5 des 16 maisons d’affinage, où dorment 500 000 meules. J’ai appris tout cela, et bien plus, dans cette Maison, avant une chouette dégustation commentée.
2ème jour, de Poligny à Ménétru-le-Vignoble
+ 757 m / – 728 m 25,13 kmComme j’ai dormi assez loin de Poligny tout en restant sur le tracé de l’Échappée Jurassienne, c’est déjà ça de gagné. Je démarre près du prieuré Notre-Dame de Vaux-sur-Polygny. L’ancienne fondation monastique, rattachée à Cluny et dont les bâtiments actuels datent du XVIIe et XVIIIe, est aujourd’hui déserte. Dommage. Presque à côté, un beau petit château, que je contourne en attaquant la montée vers la Croix de Dan. Je la découvre après une petite heure de marche, sur un aride plateau calcaire qui domine la ville de Poligny. Un mystère entoure cette croix tout en fer, haute de 12 m. Car si on sait la dater -sans doute en 1870- personne en revanche ne sait par qui ou pourquoi elle a été érigée.
En descendant vers le village de Barretaine, je manque marcher sur une vipère qui se réchauffe sur l’étroit sentier tracé entre les buissons de buis à l’odeur âcre. Pas de mal, ni pour elle ni pour moi ! Puis, par des chemins plus moins carrossables ou agricoles, de petites routes bitumées, je traverse une succession de hameaux dont je ne garde guère de souvenir. De grandes fermes dotées d’énormes et nombreux bâtiments tout en longueur : c’est le Jura agricole.
Après le village de Bordes, l’Échappée me fait marcher dans une grande forêt jusqu’à l’entrée de Passenans. C’est tant mieux, car le soleil tape dur déjà. Dans l’après-midi, me voici à Frontenay. Un joli petit village au pied d’un château historique, construit autour d’un donjon datant du XIVe. Il est propriété de la même famille depuis six siècles. Et elle laisse les promeneurs comme moi déambuler librement entre pigeonnier et belle façade du XVIIIe. Sympa ! Le magnifique château est flanqué d’une belle église, donnant sur un étroit cimetière au charme romantique.
3ème jour, de Ménétru-le-Vignoble à Baume-les-Messieurs
+ 534 m / – 621 m 19,51 kmAu menu de cette matinée, des vignes. Un océan de vignes. Normal, ici c’est le fief du vin jaune, le fleuron des vins du Jura. D’ailleurs, c’est à Château-Chalon, ma première escale -après une petite trotte sur une ancienne voie romaine remarquablement conservée- qu’il aurait été créé. En l’occurrence par les bénédictines de l’abbaye de ce village, qui figure parmi « les plus beaux villages de France ». De leur abbaye, déconstruite pierre par pierre à la Révolution, il ne reste qu’une petite église et quelques maisons d’abbesses. Cela n’enlève rien au charme de Château-Chalon, où je musarde un bon moment. Avec ses restaurants, boutiques et galeries, le village est animé. L’une de ses belles demeures abrite la Maison de la Haute-Seille, à la fois musée et pôle œnologique où il fait bon s’attarder. Évidemment pour déguster ce fameux vin jaune, au goût si particulier.
Le village suivant sur ma carte de l’Échappée Jurassienne est Blois-sur-Seille, au fond d’une autre belle reculée. Je l’atteins après la traversée d’un bois aux chemins bien défoncés par les engins. Et il me réserve une petite surprise : un téléphérique très particulier, un téléphérique à lait. L’appareil a été construit en 1893, à l’instigation d’un agriculteur du village qui en a eu l’idée dans les Alpes, durant son service militaire. Permettant de descendre les bidons de lait des pâturages du plateau, l’engin a servi jusqu’en 1982, tant que la fromagerie du village fonctionnait. Sûr qu’il a épargné bien des efforts ! Je le constate en grimpant dans le sentier en lacets, sous les câbles : la pente est sacrément raide.
Sur le plateau, l’Échappée Jurassienne est ensuite bien plus sage. Jusqu’à Granges-sur-Baume, une localité tranquille autour de son église à toit de lauzes et sa fromagerie. Elle est située sur un belvédère qui surplombe la reculée de Baume-les-Messieurs. Là, le point de vue est franchement joli : juste en-dessous s’étale l’abbaye clunisienne, aisément reconnaissable avec son majestueux clocher, et, dans le fond , les pentes boisées de la reculée sous d’abruptes falaises. Moins d’une demi-heure plus tard, je déambule entre les vénérables constructions de l’abbaye. En prenant mon temps : l’ensemble est splendide, l’un des plus beaux de tout le Jura. J’admire tout particulièrement la haute nef de l’église abbatiale. Tout autour, le village n’est pas en reste non plus : Baume-les-Messieurs fait également partie des plus beaux villages de France. Et je suis bien content d’y faire étape, voilà qui me permet de revenir lorsque les flots de touristes se sont évanouis.
4ème jour, de Baume-les-Messieurs à Lons-le-Saunier
+ 351 m / – 403 m 14,79 kmAvant de lui tourner le dos, un dernier regard sur la magnifique abbaye de Baume-les-Messieurs. Elle reste l’une de mes grandes découvertes de l’Échappée Jurassienne. Puis direction le fond de la reculée. Le sentier se faufile au pied de la falaise calcaire. Il parvient assez vite aux grandes cascades de tufs, parmi les plus réputées de France. Mais, en cet été 2022, les bassins sont complètement à sec. Quelle désolation ! Plus loin, en m’élevant un peu, me voici devant l’entrée des grottes. Elles sont, elles aussi, tout à fait remarquables. Je ne les verrai pas, d’une part parce qu’il est trop tôt, d’autre part par manque de temps.
L’Échappée Jurassienne grimpe ensuite sec, très sec : elle emprunte les échelles de Crançot. Pas vraiment des échelles, mais c’est tout comme. En tout cas, la vue depuis le belvédère des Roches, là-haut sur le plateau, se mérite. Je peux ainsi contempler toute la reculée de Baume, jusque bien au-delà de l’abbaye. Les premiers rayons de soleil viennent caresser les hautes falaises calcaires, c’est superbe.
Après cela, ce que je croyais n’être qu’une banale étape de liaison s’avère pas déplaisant du tout. Ainsi, le bois de Perrigny est bien agréable à traverser. Ensuite, l’Échappée descend beaucoup. Et, pour moi encore plus, puisque je vais jusqu’à Lons-le-Saunier. Une variante du GR principal, le 559, m’y amène sans coup férir. J’en suis tout étonné, tellement c’est bien fléché, tellement c’est bien fait : je ne vois presque rien des contournements et autres nœuds routiers mais arrive par le beau parc des Bains. Bravo ! Comme j’ai bien le temps, j’en profite pour visiter le centre historique. Bonne idée, la ville est sympa. J’aime bien la rue du Commerce, que garde la belle tour de l’Horloge, et ses arcades, l’hôtel-dieu. Peut-être même que je pousserai jusqu’au musée de la Vache-qui-Rit. Le peu de temps qu’il me reste avant l’heure du retour en train sera employé bien agréablement.
Informations pratiques
L’Echappée Jurassienne est un itinéraire de randonnée long de 352 km qui traverse le Jura d’ouest en est, depuis Dôle jusqu’à Les Rousses ou Nyon, en Suisse. Le site, qui est un volet de celui de JuraTourisme, fournit carte interactive, traces GPS à télécharger étape par étape ou en entier, des propositions de séjours clés en main, des renseignements touristiques, les adresses d’hébergement, des vidéos et des témoignages… tout y figure !
Le site de JuraTourism donne tous les renseignements possibles et imaginables sur cette belle région qu’est le Jura : vraiment très complet, le site est incontournable.
Transfert de bagages possible avec Roule ma Poule et La Malle Postale
Comment se rendre sur l’Échappée jurassienne d’Arbois à Lons-le-Saunier ?
En train, pardi! Arbois et Lons-le-Saunier disposent de gares SNCF qui sont très bien desservies par le réseau TER. Il est ainsi très facile d’arriver à Arbois (à 2h32 de Paris avec la liaison la plus rapide) depuis une gare TGV et d’en rejoindre une autre au départ de Lons-le-Saunier.
A noter qu’à la fin de cet itinéraire à l’entrée de Lons-le-Saunier, une variante du GR principal, le GR559, amène le randonneur pile jusqu’à la gare SNCF de Lons-le-Saunier sur un parcours agréable et bien balisé.
Bonnes adresses
- A Arbois, l’hôtel des Messageries (3*) est une adresse historique : c’est un ancien relais de poste datant de 1805. Récemment rénové, il se trouve en plein centre et l’accueil est particulièrement sympa.
- A Arbois, le restaurant La Finette, à 2 pas de la maison Pasteur, sert de bons plats régionaux sans trop de chichis. En été, si l’on a de la chance, la terrasse donnant sur la rivière est bien agréable.
- A Poligny, l’hôtel de la Vallée Heureuse (3*) est excentré. Il se trouve dans un beau parc avec piscine, avec un vieux moulin, en contrebas d’une route très fréquentée et bruyante. Quasiment sur l’itinéraire de l’Échappée Jurassienne. La table y est franchement recherchée, avec des visées gastronomiques.
- A Baume-les-Messieurs, la chambre d’hôtes « A Villeneuve » ne se trouve qu’à quelques encablures de l’abbaye, dans le quartier du même nom, au calme. L’accueil est chaleureux, possibilité de profiter du grand jardin à l’arrière.
- A Baume-les-Messieurs, le restaurant Le Grand Jardin est à quelques mètres de l’entrée de l’abbaye mais n’a absolument rien d’un attrape-touristes, bien au contraire. Dans un cadre chaleureux, des plats faits maison et inventifs.
- A Lons-le-Saunier, l’hôtel du Parc se situe à mi-chemin entre le centre historique et les installations thermales. Préférer l’annexe, très moderne et confortable, qui vient d’être mise en service.
- A Lons, la boulangerie-salon de thé La Menthe Sauvage, dans le centre à côté du théâtre, propose de bons sandwiches et autres salades à emporter. Essayés et approuvés !
Journaliste professionnel venant de la presse régionale, j’ai toujours aimé bouger. Au fil de mes pérégrinations, j’ai découvert le voyage à pied et à vélo, que j’apprécie énormément l’un comme l’autre. Et plus j’en fais, plus j’en redemande !