Ski de randonnée dans le Queyras

Paradis du ski de randonnée, le Queyras offre un chapelet de possibilités de courses de tous niveaux. Récit de mes 5 jours de ski en étoile avec l'UCPA.



Focus Rando :Ski de randonnée dans le Queyras
5 jours +5289 m/-5604 m 3
Ski de Randonnée & Splitboard Etoile Gite d étape
Montagne Janvier, Février, Mars, et Avril

Dimanche soir. Les 8 stagiaires du groupe UCPA se retrouvent au gîte de l’Ancolie Bleue à Abriès au cœur du Parc Naturel du Queyras en compagnie de Jean-Philippe Cherbonnier, guide de haute montagne installé dans le Queyras depuis 2000.

Le gîte sera notre camp de base pour la semaine et nous randonnerons à ski en étoile à partir d’Abriès. « Le programme n’est pas fixe » nous précise Jean-Philippe. « Selon la neige et les conditions météorologiques, j’adapte le programme et les itinéraires. Et nous disposons d’un véhicule 9 places pour plus de liberté ».

Avec qui partir ?

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Depuis sa création en 1965, l’UCPA pour l’Union Nationale des Centres Sportifs de Plein Air n’a cessé d’œuvrer pour rendre accessible le sport de plein air au plus grand nombre grâce à ses formules tout compris. Plus de 80 activités sportives sont proposées sur 143 sites différents, à la mer comme à la montagne.

Le ski est l’activité phare de l’hiver à l’UCPA : le ski de piste dans les centres de vacances UCPA, le ski nordique et le ski de randonnée. 38 circuits différents proposent de pratiquer le ski de montagne : des stages pour débutant (comme celui de ce carnet) comme pour skieurs de montagne confirmés.

La location du matériel de ski et de sécurité est comprise dans le prix du séjour, ce qui est assez rare pour être soulignée. Tout le monde s’équipe : chaussures, ski, peaux de phoque, aujourd’hui en synthétique, ainsi que le matériel de sécurité pour skier en hors piste (pelle, détecteur de victimes d’avalanche et sonde).

Classé comme stage débutant ski de randonnée à l’UCPA, le groupe réunit plutôt des hommes (seules deux femmes y participent) avec assez peu d’expérience dans l’ensemble du ski de randonnée. Deux n’ont même jamais fait de ski hors-piste avant de venir. La moyenne d’âge se situe dans la trentaine.

Ski de randonnée dans le Queyras
Après la montée au Pic Traversier, une belle descente hors-piste sous un ciel bleu azur du Queyras.

C’est la quatrième fois que je viens dans le Queyras après notamment une virée sur le GR58 l’été et une belle traversée Ubaye-Queyras l’hiver. Mais c’est la première fois à ski de randonnée.

Après un bon repas, chacun regagne vite sa chambre ou son dortoir pour préparer le sac à dos du lendemain tout en tentant de ne rien oublier et de s’organiser du mieux possible. Chose qui n’est pas évidente pour moi en général.

Extinction des feux vers 22h00.

J1 : Pic du Traversier

+ 858 m / – 858 m 5h30

Avant de démarrer la journée à ski, nous mettons les peaux avant de partir. Rituel que nous renouvellerons tous les jours. Nous installons les skis dans le rack track et montons dans le fourgon.

Nous prenons la direction du refuge Agnel non loin de la frontière italienne et du Viso. Nous passons Fontgillarde et garons le véhicule au pont de Lariane (2024 m).
Sous les coups de 8h30, nous passons le pont et remontons le vallon de Longet. Le temps est au beau fixe : le soleil est éclatant, pas de vent et la température est très agréable.

Jean-Philippe impose un rythme tranquille de l’ordre de 300 – 350 m à la montée. Ça permet à chacun de s’habituer à la glisse des skis avec les peaux tout en évitant de se cramer les poumons. Nous quittons les mélèzes et poursuivons jusqu’au col de Longet (2701 m). On se couvre et on y fait une pause de quelques minutes, le temps de faire quelques photos et de manger un morceau.

Jean-Philippe laisse la possibilité à chacun de poursuivre ou de rester à l’abri. Tout le monde poursuit en crête jusqu’au Pic de Traversier (2882 m) qui surplombe de belles corniches ô combien dangereuses. Mieux vaut ne pas trop s’y coller.
Il fait tellement bon qu’on prend le temps de manger un peu avant de retirer les peaux. On resserre les chaussures, on les met en position descente, on change de gants et on ajuste les vestes Goretex. Prêt ?

Les premiers lacets sont périlleux, l’équilibre incertain. Jean-Philippe dégage une telle confiance que tout le monde le suit les yeux fermés. La neige est douce comme une crème pour bébé. Peu à peu chacun fait corps avec ses skis. La glisse devient plus facile, plus sympa. Les visages expriment la banane.

Plus bas, la neige plus délicate, moins agréable. Elle change vite et les spatules ont tendance à planter dans le manteau neigeux. On récupère donc la piste de ski de fond jusqu’au pont de Lariane.

A l’arrivée, exercice de DVA pour connaître les rudiments en cas d’avalanche. Si l’utilisation d’un DVA n’est pas très compliqué, une recherche demande méthode et organisation.

Mieux valait profiter de cette belle journée car Météo France prévoit un gros retour d’est avec 4/5 jours de neige d’affilé. On voulait la neige, on devrait être servi !

J2 : Col de la Lauze

+ 1030 m / – 1030 m 5h30

Nos amis du FFCAM qui partagent le dortoir avec nous se lèvent à 6h00. Les joies du gîte à la montagne. Encore que nous n’ayons pas trop à nous plaindre, la nuit, les ronflements sont doux comme un agneau.

Premier réflex matinal : regarder le ciel. Météo France ne s’est pas trompée. La dépression est en marche. Jean-Philippe nous le dit à sa manière « ça va rentrer vite ». Sur le coup, tout le monde s’est regardé se demandant de quoi il parlait. Nous aurions pu avancer quelques hypothèses : « vous allez y arriver avec les conversions » ou alors « il fait tellement mauvais qu’on sera vite au gîte ». La dernière n’était pas loin de la vérité.

Direction le pont du Gouret (1521 m), à quelques centaines de mètres d’Abriès, le long du Guil, pour démarrer la journée de ski de randonnée. Nous montons rapidement dans les mélèzes de la forêt de Marassan, la neige se met à tomber. Certaines portions sont bien raides, les cales de montée sont quasi systématiquement utilisées. Nous croisons les très vieilles installations du téléski de Chabataron qui ne fonctionne plus depuis 1969. Mis en service en 1937, il a été la plus longue remontée mécanique d’Europe.

Plus loin, à hauteur de l’ancien refuge du Peynin (2036 m), on entrevoit à travers la brume les téléskis de l’ancienne station d’Aiguilles qui a fermé au milieu des années 2000. Petite pause, se couvrir rapidement, boire du thé chaud, grignoter quelques barres puis repartir la Goretex sur le dos pour affronter le vent qui s’est mis à souffler violemment. Il faut penser à fermer les zips du pantalon et de la veste, ajuster la capuche, baisser la tête et regarder le bout des spatules pour supporter le froid et le vent glacial.

Encore quelques lacets, les plus durs tant le vent est rude. Prêt du col, la neige est soufflée (neige dure, zastrugis, rides…). Au col de la Lauze (2551 m), c’est le grésille qui nous accueille. On se place sur une plateforme assez plane pour enlever les peaux, serrer les boucles, mettre les chaussures en position descente. Dans le vent, ces petits exercices peuvent très vite devenir pénibles car on peut prendre froid très rapidement. Du col, on ne voit même pas le sommet de la Lauze (2866 m) qui nous fait face vers l’est.

La descente vers Abriès n’est pas évidente au départ car la neige est aussi soufflée sur ce versant. Dès qu’on rattrape la forêt de mélèzes, le vent s’estompe et la neige poudreuse n’est pas transformée. On s’éclate bien entre les arbres au sens propre comme au sens figuré.

Plus bas, la neige change ; elle est chargée en humidité. « Attention à bien avoir une position au centre des skis. Trop devant et vous allez au fond, trop derrière et ce sont les skis qui vous dirigent ». Conseil facile à entendre, pas toujours facile à mettre en pratique ! Certains se reconnaîtront 🙂

Dicton du jour : quand ça rentre vite, on est rapidement au gîte.

J3 : Pic Maloqueste

+ 939 m / – 939 m 5h00

6h40. Le réveil sonne, une fois, deux fois, trois fois. Je tends le bras, l’éteins en poussant un râle de souffrance. Toute la chambrée dort encore. Incontestablement, les deux journées précédentes ont joué sur les organismes. Les muscles tirent encore. Par la fenêtre, la météo n’inspire pas à sortir. Il faut se faire violence pour s’extirper du lit.

Tels des robots, chacun part prendre son petit-déjeuner, se brosse ensuite les dents et prépare son matériel pour la journée : enfourcher les chaussons dans les chaussures et appliquer les peaux sur les skis. Vue la météo, Jean-Philippe nous emmène sur Ristolas pour une journée de ski de randonnée en forêt. Direction le Pic Maloqueste (2754 m). Les muscles se remettent tout doucement à fonctionner, les courbatures disparaissent. Patrick et Pierre sont partis devant comme des bombes. Tel un diesel, je reste à l’arrière avec d’autres camarades. « Qui va piano va sano » comme dit l’expression.

Nous finissons par longer la réserve de chasse et de faune sauvage de Ristolas. Créée en 1948, c’est l’une des plus anciennes aires protégées à vocation cynégétique des Alpes du Sud ; elle a pour vocation première la protection du chamois. Pour autant, la réserve possède des habitats d’une grande diversité qui attire une flore et une faune variées. L’hiver, la flore n’est pas très présente. Au-delà de ses populations de chamois, la réserve est un support expérimental pour de nombreuses recherches sur la faune de montagne (zone témoin pour le tétras-lyre et le lagopède, zone de présence permanente pour le Loup, zone de présence de la Salamandre de lanza et de réintroduction du bouquetin des Alpes…). La zone que nous longeons à ski est justement un espace de tranquillité pour le tétras Lyre. Y passer à ski fragiliserait les phasianidés car à chaque dérangement, les tétras lyre s’enfuient et creusent une nouvelle galerie dans la neige. Les déranger compromet gravement leur équilibre énergétique et diminue les populations. Voilà pourquoi nous n’y allons pas.

A la sortie des mélèzes, c’est le jour blanc qui nous cueille. Ce fameux phénomène optique atmosphérique où tout semble enveloppé d’une lueur blanche uniforme dans lequel les contrastes et la visibilité sont nuls.

Jean-Philippe, nous fait progresser 150 à 200 mètres dans cette purée météorologique. Il part vérifier l’état de la neige sur les crêtes, revient et nous invite à ranger les peaux : le vent a soufflé la neige créant des plaques à vent. A neuf, mieux vaut ne pas s’y rendre.

Lorsque nous finissons de nous équiper pour la descente, d’autres groupes de skieurs arrivent. Il est temps pour nous d’aller faire la trace. Pas facile de skier dans un jour blanc mais une fois dans les mélèzes, chaque skieur retrouve la banane. On s’enflamme un peu tellement la neige est bonne. Quelques gamelles et franches parties de rigolade. Même Jean-Philippe y va de sa petite chute.

Les bonnets sont gavés de neige, les masques de ski aussi. La fatigue de la matinée a presque disparue quand nous revenons sur Ristolas par un ancien passage de téléski. Encore une belle journée de ski, à défaut d’avoir une météo clémente.

J4 : Le Mourre Froid

+ 800 m / – 1136 m 4h45

Quatrième journée de ski de randonnée. Jean-Philippe nous emmène en fourgon jusqu’à Prats Hauts (1780 m) sur les hauteurs de Ville-Vieille. Mais avant de démarrer du gîte, petite nouveauté du jour : appliquer de la bougie sur les peaux de phoque pour augmenter leur adhérence.

Il part devant comme une bombe avec Benoit, le gardien du gîte, Pierre et Patrick. Un groupetto se crée à l’arrière. Ça grimpe vite dans le dur à travers les mélèzes du bois de Peyrolal. Savez-vous comment reconnaître facilement le mélèze l’hiver ? C’est le seul conifère qui perd ses feuilles.

A la sortie du bois, c’est un magnifique paysage de montagne qui s’offre à nous. La météo semble hésiter : les nuages vont et viennent à leur gré modifiant le panorama à chaque instant. Je finis dans le dur, le souffle court quand nous atteignons le sommet du Mourre Froid (2570 m). Derrière le cairn, les corniches n’invitent guère à y déposer les spatules. Depuis Mourre Froid, une belle crête rejoint la croix de la Guardiole de l’Alp (2786 m). Nous n’y allons pas.

Pendant toute la montée, la neige était croûtée : légèrement dure et cassante en surface due au regel, au vent et à la pluie. Rappelons qu’il faut trois conditions pour qu’il neige : de la vapeur d’eau, des températures très basses (jusqu’à -20 °C environ) et la présence d’infimes corpuscules voltigeant dans l’air (sable, fumée, cendres, …).

Sur la descente, avec l’arrivée du soleil, les températures montent et le manteau neigeux change vite, y compris en face nord où nous sommes. Résultat : la neige s’humidifie en surface suite à la fonte et il y a apparition de petits gobelets désolidarisant les différentes couches de neige. Le manteau devient instable et les risques d’avalanche sont alors plus importants à ce moment précis. Les conditions changeant vite, le manteau neigeux aussi ainsi que le niveau des risques d’avalanche. La pente n’étant pas très importante, il y a peu de risques pour nous.

Descente du Mourre Froid
Descente à ski de randonnée, Queyras, Alpes.

Ce qui est sûr, c’est qu’on se fait les cuisses à descendre dans cette neige toute molle. Instinctivement, chacun se retrouve sur ses gardes, un peu en arrière, et on contrôle tout de suite moins les skis. Nous ne sommes pas mécontents de retrouver la D5 sur les hauteurs de Ville-Vieille.

J5 : Eypiol et la bergerie des Pierres Ecrites

+ 1115 m / – 1115 m 5h00

Pour la dernière journée, la météo ne nous a pas gâté. Il neige de gros flocons lorsque nous partons sous le village de Roux près de la chapelle Saint-Barthélémy. Nous remontons le GR58 qui sert de piste de liaison pour le ski alpin l’hiver jusqu’au hameau de Valpéveyre abandonné aux éléments naturels l’hiver. Le vent est glacial sur le village. On boit rapidement du thé chaud ou du café et on part s’engouffrer dans les pentes du bois de l’Issartin. Jean-Philippe fait la trace et nous impose volontairement comme la veille quelques conversions à faire. Certains semblent avoir avalé des produits dopants. « Et les gars, pensez à vos camarades qui sont derrière » !

 

Les crêtes de l’Epiol sont en vue à travers une épaisse brume cotonneuse. Pour des raisons de sécurité, Jean-Philippe nous fait progresser à une distance de 30 mètres entre chaque skieur. En cas d’avalanche, ça évite que tout le groupe parte avec la masse de neige. Nous atteignons la crête de l’Eypiol (2484 m) mais n’irons pas jusqu’au point le plus haut (2550 m). Il n’y a rien à voir.

Nous commençons à prendre l’habitude : manger un morceau, boire une boisson chaude, retirer les peaux, régler les chaussures, mettre la Goretex, sortir le masque. Paré ? C’est parti pour la descente. La neige est plutôt lourde sur le haut mais se glisse bien. Plus bas, c’est une autre histoire, la neige est encore plus transformée qu’hier. Tout le monde descend avec les cuisses. Gare à ne pas se prendre un arbre !

A Valpéveyre, Jean-Philippe nous invite à en remettre une couche. J’avoue que l’idée de repartir n’était pas celle que j’avais en tête mais il a su me convaincre. On repart pour un peu plus de 200 m de dénivelé, direction la bergerie des Pierres Ecrites. Comme c’est la dernière ascension, certains mettent leur VO2max à contribution. On finit la semaine par la piste de ski alpin de Valpéveyre préférant éviter la neige mouillée en hors-piste.

Une belle semaine de ski de randonnée, à défaut d’avoir eu une météo ensoleillée. Un comble de malchance dans le Pays du soleil des Alpes du sud et du Queyras. Allez, je suis sûr que vous aurez plus de chance que nous de ce côté là.

Ps : Special thanks à Jean-Philippe Cherbonnier pour sa bonne humeur, son sens du partage et son professionnalisme. Merci également à Cathy et Benoît du gîte de l’Ancolie Bleue pour leur accueil et leur apéro quotidien offert !

Informations pratiques

Comment s’y rendre ?

Train

Train de jour ou de nuit jusqu’à la gare SNCF de Mont-Dauphin-Guillestre. Le train de nuit est direct depuis la gare de Paris-Austerlitz. TER depuis Paris, Marseille, Grenoble ou Valence pour les trains de jour (en correspondance avec les TGV). Pour plus de renseignements : voyages-sncf.com.

Voiture

Grenoble / col du Lautaret / Briançon, Mt Dauphin ou l’Argentière par la RN 91 puis la RN94 ou Grenoble / La Mure / col Bayard / Gap par la RN 85. Puis direction Briançon par la RN94 jusqu’à Mont-Dauphin, l’Argentière ou Briançon. Pour visualiser votre itinéraire : viamichelin.fr

Avec qui partir ?

Ce séjour ski de randonnée en étoile a été organisé par l’UCPA. Depuis le gîte de l’Ancolie Bleue à Abriès, Jean-Philippe Cherbonnier, guide de haute-montagne, organise les sorties. Selon les conditions de météo et d’enneigement, le programme peut changer.

Niveau de ski

Le séjour « Queyras en hiver » est un stage pour débuter le ski de randonnée.
Pour y participer, vous devez évoluer facilement sur pistes rouges quand le terrain est lisse, plus difficilement lorsqu’il est bosselé. Vous débutez en hors-piste mais vous réussissez à descendre grâce à une bonne maîtrise des conversions.

Plus que le niveau de ski, il faut avoir une bonne condition physique pour enchaîner les dénivelés et assurer les descentes quand la neige n’est pas très bonne à skier.

Quand partir ?

De décembre à fin avril selon l’enneigement.

Bibliographie

Plus d’infos

Queyras à ski de randonnée
Après la montée au Pic Traversier, une belle descente hors-piste sous un ciel bleu azur du Queyras.

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